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Placements douteux: le gouvernement choisit une banque privée qui lui doit déjà de l’argent…

5 octobre 2022, 11:45

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Placements douteux: le gouvernement choisit une banque privée qui lui doit déjà de l’argent…

Au lieu de soutenir les banques d’État, déjà en difficulté par ses propres fautes, le gouvernement a choisi de confier de gros dépôts à une banque privée qui, de plus, n’est pas très fiable. Et pour cause…

On ne comprend pas, pour commencer, pourquoi le Trésor public place un milliard en dépôt fixe d’un an alors qu’il souffre de déficit chronique. Et c’est sans parler des intérêts qui doivent être payés à la Banque de Maurice pour les Bons du Trésor ou aux autres institutions financières nationales ou internationales pour les emprunts. Il est vrai que parfois certaines sommes peuvent être placées, mais, nous dit-on, c’est à très court terme.

Et si ces placements servaient en fait la banque privée et non le Trésor ou le contribuable ? Cela semble en avoir tout l’air. Car cette banque vient d’être reprise par un sombre homme d’affaires indo-britannique, et cela, après avoir perdu Rs 900 millions dans des leverages, investissements à risques. Ses clients, dont l’argent a été utilisé pour ces aventures à l’étranger, étaient pour la plupart des municipalités et autres institutions publiques. Qui, tout comme le Trésor central le fait actuellement, avaient placé des dizaines de millions de roupies alors qu’elles n’avaient aucune raison de le faire.

Beaucoup de projets dits de développement ont dû d’ailleurs être annulés ou renvoyés par manque de liquidités par ces mairies notamment. Un banquier ne comprend pas le choix d’une toute petite banque pour le placement de tant d’argent public.

Extension forcée des dépôts ?

Lorsque la banque a été reprise par cet homme d’affaires indo-britannique, les clients ont-ils récupéré leurs dépôts ? Non, car la majorité d’entre eux ont «accepté» que le remboursement soit remis à plus tard, dans un an ou même plus. Et qui sont-ils, ces généreux et audacieux clients ? Eh bien, les institutions publiques comme des municipalités, ou d’autres, dont une qui vient… d’emprunter des millions additionnels à l’État.

Ces extensions de dépôt auprès de cette petite banque ont été faites contre des promesses de rémunérations à des taux d’intérêt défiant toute concurrence. «Encore du leverage ou du Ponzi ?», avons-nous demandé à un proche du dossier. Sa réponse : «Je ne sais pas comment ils vont faire sans reprendre de risques.» Et voilà que le gouvernement central vient lui aussi apporter son lot de millions de l’argent du contribuable à cette banque. Pour des rémunérations élevées ? «Pas vraiment», nous avoue-t-on puisque le taux accordé ne serait que de 0,25 % supérieur à celui du marché. Pourquoi ?

Nouveaux clients en attente

L’explication la plus probable nous vient de la bouche d’un banquier. «Il a été très difficile de trouver un investisseur qui mettrait son argent dans une institution qui vient de perdre Rs 900 millions. Lorsque l’on en a trouvé un, celui-ci, qui a apporté 40 millions de dollars (Rs 1,8 milliard), aura sûrement exigé que tout son investissement ne soit pas utilisé pour payer les dépôts.»

En effet, l’investisseur n’a utilisé qu’une partie de son investissement pour rembourser les clients qui ne veulent plus entendre parler d’extension de leur dépôt à cette banque. Ce serait la raison pour laquelle les autorités, elles, auraient accepté d’imposer aux institutions publiques clientes de cette banque – comme les municipalités – de remettre à plus tard le remboursement de leurs dépôts fixes.

Une partie de l’argent de l’investisseur ayant servi à rembourser certains clients, le reste allait être utilisé pour générer des revenus. Or, voilà que les nouveaux clients ne se bousculent pas au portillon, ayant eu vent des frasques de l’ancienne direction. Comment faire pour attirer d’autres dépôts ? Il suffisait de cogner à la porte du gouvernement – encore une fois – et obtenir avec facilité un gros dépôt d’au moins Rs 1 milliard.

Notre interlocuteur banquier ne comprend pas l’empressement du ministère des Finances à venir en aide à cette banque. «Soit le gouvernement sait qu’il est complice dans la perte de ces Rs 900 millions, soit certains sont liés financièrement à cet Indo-Britannique. Soit les deux à la fois.» Du coup, ce sont les institutions d’État – y compris la Banque de Maurice – qui ont bien besoin d’argent frais, qui se retrouvent privées de ces dépôts et des bénéfices.

Notre interlocuteur espère surtout que le milliard déposé dans cette banque ne quitte pas le pays et nous fasse perdre des devises. «Mais je les vois mal refuser d’investir en Afrique ; sinon ils pourront difficilement générer les intérêts promis aux clients.» Et avec tous les risques que cela comporte…

Le directeur de la banque ne nous a pas répondu. L’assistante, elle, a pris note de nos questions en promettant de revenir vers nous lundi. Mais elle ne l’a toujours pas fait.