De La Réunion où elle vit depuis décembre 2021, l’actrice Ornella Françoise parle de son premier rôle dans un long métrage. Celui de Karen Boncoeur, mère célibataire dans «Biye Retour». Ce film produit et coécrit par François Wiehe sort dans les cinémas Star mercredi 28 septembre.

Toujours saisi entre deux lieux de passage. La première fois qu’apparaît le personnage de Karen dans le film Biye Retour, il tombe sur son amour de jeunesse après 15 ans d’absence, entre laboutik sinwa et l’arrêt d’autobus. 

Mouvement perpétuel. C’est aussi le parcours d’Ornella Françoise. L’actrice joue le principal rôle féminin (celui de Karen Boncoeur dont on apprend le nom de famille par le biais d’un avis de décès) dans Biye Retour. Ce premier film produit par Magma Films, dirigé par François Wiehe, sort dans toutes les salles des cinémas Star à travers l’île, après-demain, mercredi 28 septembre. 

Karen Boncoeur est, pour Ornella Françoise qui l’incarne, une «femme indépendante de notre temps, une mère célibataire. Li manz ar li». Karen a la blessure d’un frère mystérieusement disparu et la douleur de perdre sa mère au début du film. Un personnage qui, on le sent, a toute la sympathie de l’actrice. «Karen est une personne qui se protège beaucoup. Elle a vécu des choses difficiles, elle a une carapace, ce n’est pas facile de toucher son côté sensible», dit Ornella Françoise de son personnage. 

Celui qui y arrive est Raj (joué par Yudish Ramyead), son amour de jeunesse qui est revenu du Canada. «Karen s’autorise à baisser la garde seulement quand elle voit que son fils s’entend bien avec Raj. Elle n’attend que ça : être heureuse.» Pour Ornella Françoise, Biye Retour c’est son passeport pour son premier rôle important dans un long métrage. Car elle vient principalement du théâtre. Cela s’entend à son phrasé. Cette manière de porter la voix. Cette façon d’accentuer les gestes. Cette présence qui écrase un peu les autres acteurs qui n’ont pas la pratique du théâtre. Des caractéristiques que l’on retrouve dans le film chez d’autres acteurs qui ont une longue fréquentation des planches : Darma Mootien et Gaston Valayden. 

Ornella Françoise a déjà joué dans une dizaine de pièces de théâtre : cinq productions de pièces de théâtre inscrites au programme scolaire, de l’Atelier Pierre Poivre entre 2004 à 2015. Et quatre pièces dans le théâtre plus social de la troupe Carpe Diem entre 2004 à 2011. Elle a aussi joué dans trois courts métrages, dont Rod Zegwi Dan Pikan d’Azim Moollan (2015). En plus de faire du doublage de voix. «Mais mon vrai job, c’est graphiste», rappelle-t-elle. 

Toute l’expérience de théâtre d’Ornella Françoise, l’intensité dramatique dont elle est capable, se déploie dans la scène de rupture avec Raj. Entre la porte de la maison de Karen et la porte du van de Raj, Ornella Françoise investit le registre de la femme bafouée. Entre reproches et cris, elle joue la palette d’émotions de l’amoureuse qui ne comprend pas ce que lui cache l’homme qu’elle aime. Un homme avec qui, à peine quelques minutes plus tôt, le personnage de Karen allait faire l’amour. 

Comment l’actrice s’est-elle préparée à la scène d’intimité ? D’autant plus qu’elle n’avait jamais croisé son partenaire, Yudish Ramyead, avant le tournage de Biye Retour. On a beau dire que dans le monde du théâtre, du cinéma et de la publicité à Maurice (les planètes où gravite Ornella Françoise) tout ce petit monde se connaît. Avec Yudish Ramyead, c’est une découverte à la fois pour le spectateur et les autres acteurs du film. 

En amont, «on ne nous a pas balancé le texte, on l’apprend et on le joue. Nous avons beaucoup travaillé, beaucoup peaufiné». La complicité des personnages à l’écran se crée aussi dans la vraie vie explique l’actrice. «Nous avons beaucoup discuté en allant manger un McDo ensemble. Je lui ai demandé s’il est marié (Ornella Françoise l’est. Elle a épousé Romain Blanchet).» Pour l’actrice, c’est primordial de tisser «au moins un petit lien» entre acteurs. Sinon, «c’est trop bizarre de montrer certaines choses quand on ne se connaît pas, cela sonne faux» et cela donne des maladresses, comme la fois où elle devait jouer la petite amie de l’un des acteurs dans Singleholic, une co-production américaine et sud-africaine tournée à Maurice. «Une heure avant de tourner, j’apprends qu’il y a une scène de baiser alors que je connaissais pas du tout l’acteur. J’étais tellement déstabilisée que je lui ai donné un coup de front dans la figure. Il a fallu plusieurs prises avant que je me détende.» 

De l’île de la Réunion, où elle s’est installée avec son mari Romain Blanchet, depuis décembre 2021, Ornella Françoise en rit, maintenant. Après avoir enchaîné des semaines sans jours de congé (en semaine, graphiste la journée et doublage de voix l’aprèsmidi. Casting et tournages le weekend), elle a décidé qu’il était temps de passer à autre chose. Ornella Françoise s’occupe désormais de la communication sur les réseaux sociaux du Club Hippique du Tampon. 

Pas (encore) une cavalière, elle y prend ses marques. «Je ne suis pas tellement dans mon élément. Je voulais sortir de notre zone de confort. Une fois, un cheval m’a marché sur le petit orteil. Il était comme un petit boudin noir pendant des semaines.» 

A-t-elle aussi tourné la page du cinéma ? Absolument pas. «Dès qu’à Maurice on a besoin de moi, je suis partante. On est à 35 minutes d’avion et toute ma famille est à Maurice.» A La Réunion, elle visite d’ailleurs les sites de casting, des fois qu’une série française chercherait des actrices dans le département. En attendant, qui sait, le «gros truc». Un rôle «sortant de l’ordinaire», une proposition internationale «comme dans la série Bridgerton, en costumes d’époque. Ça, je kifferais».