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La dépréciation de la roupie condamne-t-elle le prix de l’essence à rester élevé ?

19 septembre 2022, 17:21

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La dépréciation de la roupie condamne-t-elle le prix de l’essence à rester élevé ?

Face à la baisse, temporaire peut-être, du prix du baril de pétrole, ralentissement économique oblige, les demandes pour une répercussion sur celui des carburants ici se multiplient. Or, il faut aussi mettre dans la balance l’impact de la dépréciation de la roupie, l’augmentation des charges sociales face à l’inflation et le déficit budgétaire à combler. Résultat : une baisse conséquente du prix de l’essence à la pompe reste peu probable.

Estimé à 3,2 % en 2022 et 2,9 % en 2023 par le Fonds monétaire international (FMI), le ralentissement de l’économie mondiale est à présent bien tangible. La poussée inflationniste dans le monde, la crise énergétique et économique en Europe, sans oublier les frontières toujours fermées en Chine et les confinements impactent la demande pour les carburants, avec pour résultat une baisse du prix du baril de pétrole (crude brent) sur le marché mondial. Il était fixé à environ USD 91,70, hier. Cependant, le marché reste volatil, surtout à la suite de la décision des pays producteurs, l’Organization of the Petroleum Exporting Countries (OPEC), de réduire leur production à partir d’octobre, décision pouvant à nouveau influencer les prix. 

Chez nous, le débat autour du prix inchangé du carburant à la pompe face à la baisse du baril sur le marché mondial est d’actualité. Si divers partis politiques et associations plaident en faveur d’une baisse de l’essence à la pompe, il nous faut aussi considérer certaines réalités économiques, qui s’ajoutent au déficit du Price Stabilisation Account de la State Trading Corporation. 

La première, la montée en puissance du dollar vis-à-vis d’autres devises, couplée à la dépréciation locale de notre roupie. Selon les analystes internationaux, le dollar, en passe de réaliser sa meilleure année depuis 1984, est en hausse de près de 15 % par rapport aux devises principales, écrasant l’euro, la livre sterling et le yen à leurs plus bas niveaux. À Maurice, pour les raisons que l’on connaît déjà ; dont l’excès de liquidités sur le marché et la performance de nos exportations, de notre tourisme et de nos entrées d’investissements directs étrangers qui n’ont pas encore atteint leur niveau pré-Covid, notre roupie affiche un glissement continuel accentué par l’appréciation du dollar américain. Il s’échange actuellement à Rs 44,60, selon le taux de change indicatif de la State Bank of Mauritius. 

Prenons un exemple, le 25 mars, le baril de pétrole coûtait USD 113,60 et le dollar s’échangeait à Rs 43,90. Actuellement, si le baril de pétrole est à USD 91,70, notre roupie s’est davantage dépréciée. Résultat : on payera notre pétrole plus cher de toute façon. Outre le pétrole, Maurice est un pays importateur et, en 2021, nos importations en dollar s’élevaient à 71,4 % et 74,1 % pour le premier semestre de 2022. Avec un déficit commercial important, estimé à Rs 190 millions pour 2022 selon Statistics Mauritius, nos importations nous coûtent plus cher, pesant de leur poids dans les comptes. 

Dans le même contexte, les aides étatiques à travers le Wage Assistance Scheme, le Self-Employed Assistance Scheme ou encore l’aide de la Mauritius Investment Corporation (MIC) aux entreprises ont eu un impact important sur la dépréciation de la roupie. Chauffer la planche à billets a bien eu des conséquences que nous payons maintenant avec la hausse des prix, incluant celui des carburants. 

Les dépenses de l’État vis-à-vis des revenus jouent aussi contre la possibilité d’une baisse éventuelle du prix de l’essence. Le niveau de notre déficit budgétaire officiel pour 2022-23 est estimé à Rs 23 milliards, soit 4 % du Produit intérieur brut (PIB), mais cela exclut les dépenses nettes des fonds spéciaux qui s’élèvent à Rs 19 milliards, soit 3,3 % du PIB. Les dépenses étatiques, boostées par les dépenses sociales additionnelles en soutien à la population pour lutter contre l’inflation, à l’instar de l’allocation mensuelle de Rs 1 000, ou encore les pensions, pèsent lourd, augmentant les dépenses de l’État et donc le besoin de générer plus de revenus pour balancer les comptes. 

Le Budget 2022-2023 prévoit que les dépenses totales devraient s’élever à Rs 194 milliards pour des revenus de Rs 152 milliards, ce qui nous mène à un consolidated deficit de Rs 42 milliards, si les dépenses pour les projets capitaux se maintiennent. Ce déficit sera en partie financé par les revenus à travers la taxe, estimés à Rs 131 milliards pour 2022-2023, incluant la taxe sur le carburant. Si l’État ne réussit pas à générer davantage de revenus solides à travers une croissance de notre PIB menée par la performance de nos exportations, de notre tourisme, de nos investissements et du développement d’autres pôles économiques, dont l’économie bleue ou la pharmaceutique entre autres, nous avons donc peu de chance de voir baisser, de manière conséquente du moins, le prix du carburant à la pompe. 

Finalement, dans tous les cas, même s’il y a une baisse du prix du litre d’essence, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que l’inflation ralentisse dans l’immédiat et que notre pouvoir d’achat soit restauré. On en revient au même point, défendre la valeur de notre roupie doit être la priorité.