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Il y a 300 ans: les débuts dans la «sueur et le sang» de l’Église à Maurice

27 août 2022, 22:00

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Il y a 300 ans: les débuts dans la «sueur et le sang» de l’Église à Maurice

1722-2022 : il y a 300 ans, les premiers arrivants de la période française débarquent de deux navires de la Compagnie des Indes. Parmi eux (outre le gouverneur, le chevalier Denis Denyon, 50 soldats suisses, des ingénieurs, des fonctionnaires et des ouvriers dont certains avec leurs familles), il y a quatre hommes religieux, des lazaristes. Ainsi démarre – en même temps que celle du peuplement – l’histoire de l’Église à Maurice. Alain Romaine, prêtre et chercheur, prévient : «N’ayons pas une vision idyllique ou romantique des débuts du peuplement. Nous sommes dans un monde dur, fait de sueur et de sang, de rapines et de pillage, cabales, mutinerie, rébellion, mise aux fers, assassinat…»

Entre Grand-Port et le jardin de la compagnie

Alain Romaine, prêtre et chercheur, reprend «ce que font ressortir les historiens : le missionnaire est venu dans la valise du colon». Les premiers arrivants de la période française débarquent après une traversée «désastreuse» de neuf mois en mer. Parmi eux, il y a deux pères lazaristes: Jean Baptiste Borthon et Gabriel Igou et deux frères laïcs. Alain Romaine précise que ces lazaristes – membres de la Congrégation de la Mission – sont là parce que la Compagnie des Indes a signé un accord avec cette congrégation pour qu’elle s’occupe des affaires religieuses de la colonie.

Dans son ouvrage, Les lazaristes Fondateurs de la chrétienté de l’île de France, Joseph Mamet écrit : «Dès leur arrivée (Jean Baptiste Borthon) s’établit au Port-Bourbon (NdlR : Grand-Port), le chef-lieu dédié à Notre Dame des Anges, tandis que Gabriel Igou eut en partage le Port-Nord-Ouest (NdlR : Port-Louis) et la paroisse Saint-Louis».

Dans Ile de France 1715-1746, Huguette Ly-Tio-Fane Pineo précise que ces lazaristes «font partie du premier groupe de fonctionnaires à s’établir à l’île de France».

À Port-Louis, Gabriel Igou établit un «camp» à l’emplacement du jardin de la Compagnie. Une petite chapelle s’y trouve, «située rue de l’Intendance, à peu près vis-à-vis de l’hôtel du gouvernement».

Halte aux idées reçues concernant l’église et l’esclavage

1722, c’est aussi l’année du débarquement des premières personnes réduites en esclavage de la période française. Dans Cathédrale Saint-Louis Ile Maurice, Amédée Nagapen nous renseigne : «Conformément aux instructions des directeurs de la Compagnie des Indes, Denyon (NdlR: le gouverneur) se rendit à Bourbon chercher des habitants pour l’Isle de France. Le 12 juin 1722, il était de retour dans l’île avec une trentaine d’esclaves et une demi-douzaine de chasseurs créoles». Par la suite, «en décembre 1722, le Rubis débarqua dans l’île 65 autres esclaves venant de Madagascar». C’est aussi Amédée Nagapen qui indique que selon l’accord entre la Compagnie des Indes et les lazaristes, il est prévu «un esclave à chacun des prêtres».

Alain Romaine souligne que pour situer l’Église par rapport aux personnes réduites en esclavage, «il y a ce que disent les archives et ce que disent les faits». Il s’appuie sur un épisode concernant Jean Baptiste Borthon, rapporté par Joseph Mamet dans Les lazaristes à l’île Maurice. «La population se conduisait fort mal. Le 31 mars 1726, M. Borthon prit la mesure extrême de frapper d’interdit le Port-Bourbon. Le scandale qui avait amené cette sanction est le suivant : sur semaine un esclave catholique quitta un moment son travail et se rendit à la chapelle (…) son maître le fit saisir sur l’heure et ordonna qu’on le fouettât pour s’être absenté de son travail. M. Borthon s’interpose: plaidant la légèreté du délit, il s’éleva contre la sévérité du châtiment. (Son) insistance irrita outre mesure le colon ; celui-ci hors de lui, finit par l’insulter.»

La pierre tombale décrétée patrimoine national

L’emplacement du jardin de la Compagnie était celui du cimetière de l’Enfoncement, au début de la colonisation française. En novembre 2005, lors de la construction du Hawkers Palace, rue La Poudrière, trois pierres tombales ont été retrouvées. L’une d’elles est celle de Gabriel Igou, l’un des quatre premiers lazaristes en mission à Maurice à partir de 1722. En 2007, cette pierre tombale a été décrétée patrimoine national. Elle se trouve dans la cour de la cathédrale Saint-Louis.
 

Chronologie

<p><strong>1715 :</strong></p>

<p><strong>29 septembre</strong>, prise de possession de l&rsquo;île de France. Mais il n&rsquo;y a pas encore de colonie.</p>

<p><strong>1722 : </strong></p>

<p><strong>5 avril</strong>, les premiers arrivants de la colonisation française débarquent de deux navires venus de Lorient, la &laquo;Diane&raquo; et l&rsquo;&laquo;Atalante&raquo;. Parmi les passagers, il y a quatre religieux, des lazaristes. Ce sont les pères fondateurs de l&rsquo;Eglise à Maurice.</p>

<p><strong>12 juin,</strong> le gouverneur Denyon est de retour de Bourbon (La Réunion) avec une <em>&laquo;trentaine d&rsquo;esclaves et une demi-douzaine de chasseurs de marrons créoles&raquo;.</em></p>

<p><strong>en décembre,</strong> le &laquo;Rubis&raquo; débarque 65 autres esclaves venant de Madagascar.</p>