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L’émouvant parallèle de Philippe Sands entre Liseby Elysé et ses aïeules déportées

25 août 2022, 19:00

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L’émouvant parallèle de Philippe Sands entre Liseby Elysé et ses aïeules déportées

2010-2022. Douze ans depuis que Philippe Sands, spécialiste en droit international est l’avocat de Maurice dans le cas Chagos. De ses connaissances légales et de son histoire intime, il en a fait un roman qui sort aujourd’hui en Angleterre. «The last colony. A tale of exile, justice and Britain’s colonial legacy» paraît chez Wiedenfeld & Nicolson. La traduction en français d’Agnès Desarthe sortira chez Albin Michel le 31 août.

Plus rien ne sera pareil après les larmes de l’exilée de Peros Banhos. Les 3 minutes 47 de l’intervention filmée de Liseby Elysé devant la Cour internationale de justice à La Haye, en 2019 ont été décisives. C’est avec ce témoignage bouleversant que s’ouvre La dernière colonie de Philippe Sands. L’ouvrage sort aujourd’hui en Angleterre. La traduction en français est à paraître chez Albin Michel le 31 août.

Philippe Sands (ci-contre à g.) – qui ont accompagné cette mission scientifique.

Il n’y a pas que les larmes de Liseby Elysé, exilée à 21 ans de l’île du Coin (qui est parmi la trentaine d’îlots de Peros Banhos) qui ont touché Philippe Sands en plein cœur. Il y a surtout un symbole profondément enraciné dans l’histoire personnelle de l’avocat.

Il explique : dans un précédent ouvrage, Retour à Lemsberg (2016), il avait raconté l’histoire de ses deux arrière-grands-mères déportées en 1942 avec, en tout et pour tout, une valise. Elles sont mortes dans les camps de concentration.

Joint au téléphone, l’auteur précise : «En 1962, Liseby Elysé a été déportée avec une valise. Je fais la liaison entre ces deux histoires. L’idée qu’un être humain puisse être déporté dans ces circonstances est pour moi insupportable.» La «saga» de Liseby Elysé née Bertrand est le «cœur battant» – l’auteur le dit en prologue – de La dernière colonie. C’est la question qu’elle pose à Philippe Sands après l’audience à la Cour internationale de justice qui ouvre toute la partie du livre consacrée à l’histoire des Chagos. «Pourquoi il nous a fallu tellement d’années pour arriver à La Haye ?»

L’auteur prévient : «Ceci est une histoire vraie, livrée pour la première fois lors d’une série de conférences que je donnais à l’Académie de droit international de La Haye au cours de l’été 2021. Ayant pris part à certains des événements relatés ici, j’ai conscience de n’être pas un observateur impartial.» Il nous fait remonter jusqu’en 1945 et la Charte des Nations unies. Plus précisément le Chapitre XI : déclaration relative aux territoires non autonomes.

Avec la Chagossienne, nous voyageons dans le temps. Jusqu’au chapitre Liseby, 1973. Philippe Sands écrit : «Liseby Bertrand ne conserve aucun souvenir de l’indépendance de Maurice, parce que la nouvelle n’a jamais atteint Peros Banhos ni aucune île des Chagos. Elle avait alors 15 ans et travaillait comme nounou (…) Ce n’est qu’après l’indépendance et le démembrement, alors qu’elle vivait sur la nouvelle colonie récemment créée et baptisée “BIOT”, qu’elle rencontra son premier Anglais. “Peut-être que c’était en 1970 ou 1971 (…)” (Son souvenir était exact : John Rawling Todd, qui avait intégré le service colonial en 1955 et exercé la fonction d’administrateur du Territoire britannique de l’océan Indien de 1965 à 1974, gouvernait depuis les Seychelles et ne se rendait que rarement sur place).»

Le voyage à Blenheim Reef

	<p>La <em>&laquo;dernière colonie&raquo;</em> s&rsquo;achève avec le récent voyage, en février, jusqu&rsquo;à Blenheim Reef, Liseby Elysé était parmi les cinq Chagossiens &ndash; tout comme Philippe Sands &ndash; qui ont accompagné cette mission scientifique. La dernière photo du livre (qui comporte aussi des dessins de Martin Rowson, qui fait des illustrations pour &laquo;The Guardian&raquo;) est celle de Liseby Elysé, les pieds dans le sable de son archipel natal. &laquo;Ce voyage a permis de dévoiler le mensonge selon lequel l&rsquo;archipel n&rsquo;avait pas de population permanente dans les années 1960, aussi bien que celui qui prétendait qu&rsquo;il n&rsquo;était pas habitable de nos jours&raquo;, écrit Philippe Sands. &laquo;J&rsquo;éprouve de grandes difficultés à réprimer la fureur qui m&rsquo;envahit quand je repense à tout le mal qui a été fait ici. Mais Liseby, elle, est aussi stoïque que d&rsquo;habitude.&raquo;</p>

	<p><strong>&laquo;Les anglais ont compris que leur position est intenable&raquo;</strong></p>

	<p>Une nouvelle manche dans les batailles légales entourant l&rsquo;archipel des Chagos aura lieu à partir du 17 octobre, à Hambourg. S&rsquo;y dérouleront les audiences dans l&rsquo;affaire de délimitation des frontières maritimes entre Maurice et les Maldives. Philippe Sands sera au rendez-vous. Son nouveau livre est pour Philippe Sands une <em>&laquo;façon de militer pour que cette histoire soit réglée&raquo;.</em> Pour lui, c&rsquo;est important que son ouvrage soit <em>&laquo;partout&raquo;,</em> qu&rsquo;il devienne un <em>best-seller</em>, pour &laquo;<em>maintenir la pression sur les Britanniques&raquo;.</em> L&rsquo;avocat se dit &laquo;convaincu&raquo; qu&rsquo;il y aura tôt ou tard un accord. Il est d&rsquo;avis que la Grande-Bretagne <em>&laquo;va bouger. Il y a des signes. Les Britanniques ont reconnu que cette situation est intenable&raquo;.</em> Quand on rappelle à Philippe Sands que malgré l&rsquo;avis consultatif de la Cour internationale de justice à La Haye demandant aux Britanniques de restituer l&rsquo;archipel, malgré la résolution adoptée l&rsquo;assemblée générale des Nations unies donnant un délai de six mois aux Britanniques pour évacuer les Chagos (délai qui a expiré le 22 novembre 2019), le Royaume-Uni n&rsquo;a pas bougé, l&rsquo;avocat reste d&rsquo;un optimisme à toute épreuve. &laquo;Quand vous travaillez comme moi depuis 35 ans sur le droit international, il y a un sixième sens qui s&rsquo;appelle l&rsquo;instinct. Je ne peux pas en dire plus.&raquo;<br />
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