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«Sniffing-Gate»: Pravind Jugnauth, l’as de l’esquive

31 juillet 2022, 14:00

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«Sniffing-Gate»: Pravind Jugnauth, l’as de l’esquive

Pravind Jugnauth a parlé de l’affaire «sniffing» en quatre occasions. Une première fois à Bois-Marchand le 2 juillet, une deuxième à Balaclava le 6 juillet, puis à son comité régional mercredi dernier et le même soir sur la chaîne télé de la MBC. S’il a démenti les allégations, il n’a, à ce stade, pas produit de preuves pour soutenir sa version...

Au Parlement mardi, une PMQT d’Osman Mahomed figurait à la deuxième place et avait en principe toutes les chances d’être posée. Le député travailliste voulait savoir du Premier ministre (PM) si le survey à Baie-du-Jacotet était en violation du contrat liant Mauritius Telecom (MT) au Consortium international. Pour répondre à cette question et d’autres questions supplémentaires, Pravind Jugnauth aurait dû parler, entre autres, de la véracité de l’allégation de sniffing. Or, et la nature et l’auteur de la précédente PMQT ne présageait rien de bon.

En effet, la réponse de Pravind Jugnauth à la question de Kenny Dhunnoo, et surtout la partie où il a cité l’épouse de Navin Ramgoolam, a enflammé l’hémicycle. Voyant la réaction de l’opposition, le PM a pris un malin plaisir à entretenir le chaos en répétant à trois reprises la phrase qui avait mis en colère l’opposition. À savoir que c’était, selon ses dires qui seront démentis par l’opposition par la suite, Veena Ramgoolam qui l’avait appelé à propos du transfert en Inde de Navin Ramgoolam. En bref, Pravind Jugnauth a pu échapper à une question visiblement très embarrassante pour lui et son gouvernement.

Après ses fuites en avant à l’Assemblée nationale et l’absence depuis plus d’un an de conférence de presse organisée de Pravind Jugnauth, on l’attendait aux séances improvisées de questions-réponses lors de ses sorties ces derniers jours. Depuis sa sortie à Balaclava, il semble que ses conseillers lui aient recommandé d’éviter ces échanges, après qu’il s’est embourbé dans l’affaire de sniffing avec ses contradictions et autres révélations innocentes. Comment Pravind Jugnauth allait-il donc répondre aux diverses allégations sans courir le risque d’être contre-interrogé par l’opposition ou les journalistes ? Devant une foule enthousiaste excitée de sympa- thisants où aucun journaliste n’aurait le droit de poser des questions. Et à la MBC, bien sûr.

Contradictions

Ainsi, Pravind Jugnauth a répondu aux allégations de Sherry Singh en toute liberté et tranquillité pendant plus de 37 minutes mercredi après-midi, au comité régional de sa circonscription no 8 (Moka/ Quartier-Militaire) tout en trouvant quand même le moyen de se contredire. Pour rappel, le 6 juillet, il a dit à Balaclava que bien qu’il savait qu’il y avait des compétences locales, il avait choisi quand même d’avoir recours aux techniciens indiens. 21 jours plus tard, le même PM martelait cette fois-ci : «Péna sa kalité teknisien isi...» Ou encore que les techniciens de MT ne pouvaient pas le faire.

Il a expliqué aussi qu’il avait eu des renseignements sur la sécurité de notre système de communication depuis l’année dernière, soit depuis sa première lettre adressée à l’ex-CEO de MT le 21 octobre. Or, il n’a décidé de faire intervenir les techniciens indiens que six mois plus tard, en avril 2022. Pourquoi ce retard devant une situation dite urgente ?

L’autre autocontradiction sera pour un peu plus tard le même mercredi à la MBC où le PM bénéficie d’une liberté de parole qu’on ne trouve pas ailleurs. Toutefois, il a par- lé le moins possible – cinq minutes, montre en main – sans doute pour ne pas trop s’enfoncer dans l’affaire sniffing. Ces cinq minutes ont toutefois suffi au PM à se contredire encore une fois. Ainsi, alors qu’il affirmait le 6 juillet à Baclalava qu’il avait pris l’initiative de contacter Modi pour lui demander d’envoyer des techniciens, 21 jours après, l’histoire avait changé. On apprend maintenant que le recours aux Indiens a été recommandé par le gouvernement indien à travers le National Security Advisor, Kamaresan Illango. Le gouvernement indien a-t-il pris cette initiative ? À la place du gouvernement mauricien ?

Sinon cette courte intervention à la MBC a déçu même certains de ses partisans qui attendaient que Pravind Jugnauth fournisse des arguments solides ou des preuves contre les allégations dans toute cette affaire de sniffing. Le PM s’est contenté de simples démentis, sans plus. «Sa bann alégasion-la pena okenn fondman», s’est-il écrié.

Une semaine donc riche en rebondissements et contradictions venant de Pravind Juganuth. En attendant la semaine prochaine.

Langage grossier!

Pravind Jugnauth s’est laissé aller dans son intervention au no 8 (Moka/Quartier-Militaire) mercredi soir. Des mots déplacés, insultants et vulgaires étaient au menu. Le PM a même cité Yogida Sawmynaden qui, rappelons-le, a été forcé à la démission par nul autre que Pravind Jugnauth après l’éclatement de l’affaire Kistnen. Le PM a commencé son discours en flat- tant les réalisations infrastructurelles comme l’Urban Terminal et les promesses habituelles de 12 000 logements. L’occasion pour lui de fustiger l’opposition qui sont «bann dimounn lor kes savon gagn enn mikro ek nek zapé, bat laké...» Il est vrai que les honorables du MSM, eux, n’utilisent pas de caisse de savon ! Et accusant l’opposition d’avoir provoqué et encouragé les incidents du 22 avril, Pravind Jugnauth ajoutera même que cette même opposition a fourni les pneus et matelas qui ont été incendiés. «Mo kwar Navin Ramgoolam so bann vié matla kinn bien servi... pa koné si ti ena cof mé définitivman ti bann matla bien izé mem sa.»

Les applaudissements de ses sympathisants n’ont fait qu’inciter le PM à continuer sur sa lancée. Parlant des lettres du 21 octobre et 22 décembre 2021 adressées à Sherry Singh par la «security division» du bureau du Premier ministre, Pravind Jugnauth se demande : «Béto pa ti koné ki pou ena survey. Bé kifer ti ékrir twa sa let la... pou fer koi bann let linvitasion, pou dir toi vini, pou dir toi Sherry je t’aime, je t’adore ?» Tout en annonçant que désormais c’est lui qui pose les questions. Cela on le savait. C’est lui qui interrogeait le leader de l’opposition dans la PNQ de la semaine d’avant et une journaliste à Balaclava. Mercredi, après avoir traité les membres de l’opposition de «laryaz», le PM, reprenant un ton sérieux, a assuré qu’il a à cœur la sécurité de la population et du pays. Cette remarque a dû faire rire beaucoup de Mauriciens.

Pravind Jugnauth s’est aussi lâché sur Sherry Singh. Il lui demande pourquoi il n’a pas démissionné de son poste dès le 15 avril, quand il a appris qu’il y aurait un survey à Baie-du-Jacotet. «To asizé to ponn ? To pe kouvé ?... Mo pa koné ki li ti pé sofé laba.» En ajoutant que Sherry Singh touchait Rs 700 000 par mois et jouait parfois au golf pendant ses heures de travail… «Li al met boul dan trou...» Il s’est demandé de plus pour quelle raison Sherry Singh avait une maquilleuse. «Mo pa koné ki ena pou makiyé ar li...»

Évoquant enfin des valeurs dont Sherry Singh a fait mention dans sa lettre de démission, le PM a fait comprendre que la valeur n’était pas morale mais autre chose et a promis que «pli divan pou trouvé». Menace-t-il de dévoiler les richesses cachées de Sherry Singh ? Atann nou geté…