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Souveraineté territoriale: Adieu Agalega et bonjour ingérence…

28 juillet 2022, 11:00

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Souveraineté territoriale: Adieu Agalega et bonjour ingérence…

Au fur et à mesure que les travaux avancent à Agalega et que l’on obtient, tant que faire se peut, les réponses de Pravind Jugnauth à propos de cette île, et surtout que l’on prend connaissance de ce qui se dit à l’international sur Agalega, il est évident que nous avons déjà perdu une (autre) partie de notre territoire, à savoir cet archipel situé à 1 064 km au nord de Maurice.

Pour l’historien Jocelyn Chan Low, si le gouvernement pense avoir cédé le territoire agaléen aux Indiens ou à d’autres puissances étrangères, «il doit se rappeler que cette ‘cession’ a été faite en catimini, dans le dos de la population». Alors ? «Les accords ou traités signés éventuellement avec l’Inde pourront être résiliés par un nouveau gouvernement.» Comme ce fut le cas aux Seychelles où, en juin 2018, les parlementaires seychellois rejetaient un projet d’accord avec l’Inde pour l’installation d’une base militaire sur l’île d’Assomption. Car, pour eux, «permettre à l’Inde d’accéder à l’Assomption, qui est proche d’une voie maritime stratégique, serait synonyme de céder la gestion du territoire à un autre pays. Ce qui mettrait en péril la souveraineté de 115 îles». Seulement, dans le cas seychellois, le traité n’avait pas encore été signé.

En tout cas, contrairement aux Seychellois, il semble qu’à Maurice, on ne fasse aucun lien entre base militaire et perte de souveraineté. Jocelyn Chan Low nous rappelle que le précédent gouvernement mauricien avait refusé de signer cet accord.

Une île contre le maintien du gouvernement

Si un accord ou un traité, surtout ceux faits dans le dos de la population et des législateurs, pourraient être résiliés, le pays contractant – ici l’Inde – ne court-il pas le risque de subir une résiliation subséquemment, surtout s’il a investi des milliards dans le projet ? «Bien sûr que oui», nous répond Jocelyn Chan Low. Ce qu’il ajoute inter- pelle : «C’est pour cela que le pays qui a investi énormément en se basant sur ce traité ou accord fera tout pour empêcher cette résiliation.» Comment ? «Il pourra faire tout pour empêcher un changement de gouvernement.» Voilà qui donne à réfléchir!

L’historien continue. «C’est pourquoi on verra des ingérences dans les affaires internes du pays-cible dans le but de maintenir au pouvoir un gouvernement en sa faveur. Il fera tout pour sauvegarder ses acquis.»

Serions-nous alors forcés à «subir» le même gouvernement ou un autre qui se pliera aux traités conclus ? Et la démocratie dans tout cela ? On nous parle des moyens utilisés pour influencer l’opinion des électeurs. Quand ce n’est pas autre chose…

Cependant, pour Milan Meetarbhan, un avocat spécialiste des affaires constitutionnelles, tous les traités signés avec un État étranger engagent les États signataires, même s’il y a changement de gouvernement. «Sauf si les lois du pays prévoient expressément que tout traité doit être ratifié par le Parlement.» Ce n’est pas le cas à Maurice. Un gouvernement et même le seul Premier ministre peuvent donc céder une partie du territoire à un État étranger ? Il semble que oui. Il est urgent donc, même s’il est un peu tard, d’amender les lois.

Rajen Narsinghen, chargé de cours en droit, avance, pour sa part, que tout traité pourrait être dénoncé ou résilié par un futur gouvernement. «Toutefois, il faudra suivre les procédures et se soumettre aux conditions contenues dans l’accord. Par exemple, en dédommageant l’autre partie. Pour commencer, est-ce qu’il y a une clause permettant une éventuelle dénonciation ?» Personne ne le sait, sauf Pravind Jugnauth et peut-être son ministre des Affaires étrangères. C’est pour cela qu’il est essentiel que le traité soit rendu public. Sinon, ajoute Rajen Narsinghen, rien n’empêche le nouveau gouvernement de renégocier le traité en question.

Procès et résolutions concernant Chagos : De la poudre aux yeux?

Pour un avocat, c’est de l’hypocrisie de la part du gouvernement que de montrer qu’il tient aux Chagos d’une main et de céder Agalega de l’autre. «C’est faire preuve d’incohérence. De plus, à mon avis, tous ces tamtams faits autour de l’affaire Chagos ne visaient qu’à lancer de la poudre aux yeux car le gouvernement savait dès 2015 qu’il allait céder Agalega. Je ne pense pas que le gouvernement croit sincèrement qu’avec ces victoires symboliques à la Cour internationale de Justice et l’ONU, les Chagos nous seront rendus.»

Vijay Makhan, ancien secrétaire aux affaires étrangères, de son côté, est d’avis qu’il ne faut pas lier les deux affaires. «Il fallait faire ces procès et obtenir les résolutions de l’ONU de toute façon.» Pour ce diplomate de carrière, il faut insister pour que le gouvernement rende publics tous les accords signés avec l’Inde à ce propos, y compris les accords financiers. Et pas les Memorandum of Understanding qui ne sont que l’expression d’intention. «Je ne crois pas que l’Inde ait investi tous ces milliards sans aucune garantie à long terme.» Il faut aussi savoir comment et par qui seront gérées ces infrastructures d’Agalega. «Serait-ce comme pour Diego Garcia, où ce sont les Etats-Unis qui gèrent la base alors que ce sont les Britanniques qui s’occupent de l’administration ?Y aura-t-il un bail payant ?»

Est-ce que Vijay Makhan pense que ces énormes infrastructures en construction à Agalega serviront, comme l’a dit Pravind Jugnauth mardi à l’Assemblée nationale, à développer l’économie ? «Les jetées de 255 mètres de long et la piste de 3 km seront-elles utilisées par les bateaux de croisière et les Boeings ou Airbus qui débarqueront des centaines de touristes qui seront logés dans des tentes ? L’aéroport pouvant accueillir 50 passagers sera-t-il destiné aux 300 Agaléens ?»

Dans un rapport à l’Assemblée nationale française, pour l’accord entre l’Hexagone et Maurice relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces, voté en janvier, le député Didier Quentin écrit clairement le rôle militaire d’Agalega et situe Maurice entre l’Inde et la Chine.

Quand une dérogation mêle sniffing et base indienne

<p>On se rappelle de la dérogation accordée par le décret 97 du 6 mai 2022 au haut-commissariat indien sous la section 48 de l&rsquo;<em>Information and Communication Technologies </em>(ICT) Act lui permettant de ne pas avoir à passer par les procédures pour l&rsquo;importation de maté- riel informatique et de communication (voir l&rsquo;express du 25 juillet). Cela concerne les matériels destinés à Agalega plus précisément. On n&rsquo;a pas été en mesure de savoir si toutes les chancelleries bénéficient de ce genre de traitement. Cette dérogation particulière au haut-commissariat indien, actée juste après la visite de la bande à M. Moustache à Baie-du-Jacotet, le 15 avril, ne préparait-elle pas l&rsquo;entrée sur notre territoire de<em> &laquo;sniffing equipments&raquo; </em>? Sherry Singh et Girish Guddoy, les deux anciens de Mauritius Telecom, avaient tous deux parlé de <em>sniffing </em>imminent après le <em>survey.</em> C&rsquo;est en tout cas ce que leur avait dit le technicien indien. À cette interrogation fort pertinente, s&rsquo;y ajoute une autre. Pourquoi accorder une dérogation en général pour tout matériel informatique et de communication destiné à Agalega ? N&rsquo;est-ce pas traiter cet archipel déjà comme un territoire indien ? Affaire à suivre&hellip;</p>