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Risques de récession mondiale: Maurice doit faire des choix stratégiques

29 juin 2022, 15:00

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Risques de récession mondiale: Maurice doit faire des choix stratégiques

Le choix diversifié de nos partenaires que ce soit pour le commerce, plus particulièrement les exportations, le tourisme ou les investissements, entre autres, s’avère crucial, compte tenu de la conjoncture internationale. En effet, nos partenaires économiques traditionnels d’Europe luttent pour échapper à la récession, alors que la première puissance mondiale fait face au même défi. Si tout ce chamboulement a un impact général sur l’économie mondiale, dont les prévisions de croissance ont été révisée à 2,9 % pour 2022 contre une estimation de 4,1 % en janvier, Maurice, n’y échappera pas, surtout considérant ses propres faiblesses, dont l’inflation à 10,7 % en mai, le niveau de la dette estimé à 87 % en juin 2022, le déficit de la balance des paiements ou encore les faiblesses de la banque centrale. Si l’État compte générer Rs 23 milliards de plus pendant cette année financière à travers la taxe, quel est le mood de la consommation ? Quid de l’impact de la chute de l’indice de confiance des consommateurs au Royaume-Uni ou en France sur les exportations et le tourisme local ? Nous y reviendrons. 

Pour commencer faisons un survol des actualités économiques à l’internationale. Selon le site en ligne Le Monde, dans un contexte inflationniste qui a atteint 5,2 % en France en mai, les économistes sont prudents. «La probabilité de sombrer dans une récession est loin d’être nulle», estime Philippe Waechter, chef économiste chez Ostrum Asset Management. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a également calculé l’impact des multiples chocs mondiaux sur l’économie française, dont la hausse des prix de l’énergie, les problèmes d’approvisionnement, les incertitudes géopolitiques, sans oublier le prochain resserrement de la politique monétaire ; il est d’avis que la croissance française risque d’atteindre 2,7 % en 2022 contre 4,2 % prévus en début d’année. 

Au Royaume-Uni, Reuters fait ressortir que l’économie britannique montre des signes de ralentissement alors que l’inflation élevée frappe les nouvelles commandes et que les entreprises signalent des niveaux d’inquiétude qui d’ordinaire annoncent une récession. On se souviendra aussi des protestations des Britanniques contre l’inflation au début de juin. Pourtant, fait ressortir le Financial Times, si l’inflation est mauvaise, le remède l’est aussi. «À moins de croire qu›elle va disparaître comme par magie, le moyen de mettre fin à une inflation bien ancrée est de traverser une période de production inférieure à la tendance et de hausse du chômage. Ce sera la stagflation, une combinaison d’inflation élevée et de faible croissance qui dure un certain temps.» Il faut savoir que l’indice de confiance des consommateurs au Royaume-Uni est à son taux le plus bas depuis 1974. 

L’oncle Sam ne se porte guère mieux avec un taux d’inflation de 8,6% en mai. Par ailleurs, «avec la forte hausse de l’inflation et la hausse des taux d’intérêt par la Réserve fédérale, les États-Unis sont confrontés à un risque accru de récession», dit la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva. Pire, selon elle, une récession dans la première puissance économique mondiale est le prix à payer pour vaincre l’inflation. Washington a ainsi de nouveau abaissé ses prévisions de croissance à 2,9 %, contre 3,7 % prévus en avril. Face à tous ces chamboulements dans l’Ouest, comment se présente la situation en Orient ? Bien qu’également impactés par la crise mondiale, la Chine et l’Inde présentent toutefois des perspectives économiques optimistes. 

Selon CGTN Beijing, si la Banque mondiale (BM) a revu à la baisse ses prévisions de croissance annuelle pour la Chine, à 4,3 % contre 5,1 % annoncés en décembre, l’économiste principal de la BM pour la Chine, Ibrahim Chowdhury, affirme que malgré tous les défis, la croissance économique de la Chine rebondira au second semestre de l’année grâce aux plans de relance du gouvernement. De plus, un rapport publié par la Chambre de commerce américaine indique que plus de 70 % des entreprises évaluées ont des plans de réinvestissement en Chine pour 2022, et 58 % considèrent que leur retour sur investissement global en Chine est plus élevé que dans d’autres pays. En soutien à ces évaluations, Ibrahim Chowdhury note que la croissance chinoise sur l’ensemble de l’année pourrait être plus élevée que les prévisions actuelles, si la pandémie est maîtrisée et si les restrictions sont entièrement levées sur le territoire chinois. 

Pour sa part, l’Inde, le pays devrait connaître la croissance la plus rapide de toutes les grandes économies cette année avec des exportations qui ont atteint un niveau record et les bénéfices des sociétés cotées en bourse qui ont doublé. Selon la Reserve Bank of India, les conditions macroéconomiques domestiques ont continué de se renforcer. Avec un taux de croissance de 8,7 % en 2021-22, le PIB de l’Inde a dépassé de 1,5 % son niveau prépandémie et la reprise reste solide jusqu’à présent pour 2022-23. 

Compte tenu de ces changements sur la scène internationale, à quoi devons-nous nous attendre à Maurice ? «Il faut faire ressortir qu’une récession dans nos marchés principaux risque d’affecter nos exportations, mais l’étendue de l’impact reste à évaluer. Le tourisme redémarre, mais encore une fois il faut attendre et évaluer l’impact. Si on espère que notre économie n’affichera pas de décroissance à cause de ces turbulences, il y a quand même le risque que la performance de notre croissance soit moins élevée qu’anticipée», explique l’économiste Rajeev Hasnah. Il peut aussi y avoir un impact sur les coûts à l’importation car avec les actions des banques centrales à travers le monde pour faire baisser le taux d’inflation, le coût de certains produits dans ces pays peut baisser mais la valeur de leur monnaie augmentera alors que notre roupie se dépréciera, ce qui affectera la note à l’importation. «Donc au niveau des prix à la consommation et du pouvoir d’achat, nous risquons le statu quo ou d’éventuelles hausses de prix plus tard ; il nous faut voir comment évolue la situation.» 

En ce qui concerne nos marchés pour l’exportation et le tourisme, à avril, nos recettes d’exportation se chiffraient à Rs 8,5 milliards, contre Rs 8,8 milliards en mars et un total de Rs 82,1 milliards en 2021. Si ce marché reste diversifié avec le Royaume-Uni, Madagascar, les États-Unis, l’Afrique du Sud et la France en tête de peloton, la valeur de nos exportations vers le Royaume-Uni et la France représentait Rs 1,4 milliard en avril, ces marchés connaissant actuellement des turbulences. 

Au niveau du tourisme, l’Europe reste notre principale source avec 230 863 arrivées de janvier à mai 2022. Il ne faut pas non plus négliger l’impact de la baisse de confiance des investisseurs à travers le monde dans nos services financiers et le flux d’investissements directs étrangers vers Maurice. Une réorientation de nos stratégies vers les pays moins affectés par la crise économique est-elle une option ? «Nous ne sommes pas prêts à 100 %, mais il faut dire qu’au fil des années les entreprises du privé se sont diversifiées déjà, ce qui réduit les risques». dit Rajeev Hasnah. 

En ce qui concerne notre approvisionnement en produits de consommation, le directeur de la chaîne de supermarchés Intermart, Ignace Lam, précise que nos sources sont diversifiées, Maurice important d’Europe, d’Afrique, d’Asie ou encore de l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ce qui est rassurant. En effet en avril 2022, les principaux pays desquels nous importons sont l’Oman, la Chine, l’Inde, les Émirats Arabes Unis et l’Afrique du Sud. 

C’est là que l’ensemble de nos stratégies sur la région océan Indien et Afrique, de même qu’avec l’Asie prennent plus d’importance. Il nous faut une approche cohérente et ciblée pour les investissements et le commerce des produits dans la région. La diplomatie économique a plus d’importance que jamais pour ouvrir ou consolider ces marchés ciblés, ainsi que la création de plateformes dans la région pour développer des partenariats stratégiques visant à mieux nous intégrer dans les chaînes de production régionale.

Nous sommes aussi bien armés à travers l’accord de libre-échange avec la Chine qui a permis l’exportation de USD 35 millions de produits mauriciens vers l’empire du milieu en 2021, contre environ USD 26 millions en 2020. Il nous faut aussi renforcer autant que possible nos possibilités d’exportation à long terme des produits de niche, à l’instar des sucres spéciaux sur la Chine. Il ne faut surtout pas oublier les possibilités non-négligeables que représentent notre signature de l’accord de libre-échange intraafricain, ou encore le Comprehensive Economic Cooperation and Partnership Agreement (CECPA) avec l’Inde. Nos liens avec le Japon sont aussi une aubaine, compte tenu de nos ambitions à développer notre économie bleue. 

Finalement les opportunités sont là pour nous préparer à affronter les rafles économiques internationales. Il faut à présent nous appuyer sur ces possibilités et les développer, en comptant sur nos ambassadeurs et les représentants de l’Economic Development Board à l’étranger qui travaillent à développer nos opportunités sur ces marchés. Les responsables des institutions devront penser plus globalement aux relations internationales, au marketing et aux options d’investissements, tout en s’assurant que nos bureaux sur ces marchés travaillent de manière optimale pour les comprendre, en saisissant les opportunités et en établissant les bons contacts. La vraie diplomatie économique et le travail de terrain à l’international doivent s’accélérer maintenant !

 

«Mood» de consommation encourageant ? 

<p>Le dernier sondage de Kantar indique que l&rsquo;indice de confiance des consommateurs mauriciens, après avoir grimpé à 62 points en octobre 2021, est redescendu à son point le plus faible, soit 48,5 à mars 2022. Depuis l&rsquo;annonce dan le discours budgétaire des allocations sociales, qu&rsquo;en est-il du mood des consommateurs locaux ?<em> &laquo;On subit les conséquences de cette tendance de l&rsquo;économie mondiale mais le mood des consommateurs mauriciens reste bon ; le Mauricien arrive à se débrouiller pour la plupart et les mesures budgétaires dans une certaine mesure allègent le fardeau des consommateurs. En revanche, il est clair que les réflexes d&rsquo;achats changent, avec la priorité accordée aux achats des produits essentiels&raquo;</em>, dit Ignace Lam. Aussi, les subsides de l&rsquo;État, l&rsquo;année dernière, sur sept produits de base, soit 234 marques de fromage, huile, grains secs, lait en poudre, margarine, tomate et poisson en boîte, prennent fin à la fin de juin. Même si le <em>&laquo;mark-up&raquo; </em>limitant les bénéfices des importateurs sera introduit, l&rsquo;on peut s&rsquo;attendre à une hausse des prix en attendant que la <em>State Trading Corporation</em> entre en jeu.</p>