Publicité

Le MTC et les courses de chevaux: Giraud sacrifié sur l’autel de la réalité politique

12 mai 2022, 11:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Le MTC et les courses de chevaux: Giraud sacrifié sur l’autel de la réalité politique

Il s’est battu jusqu’au bout afin que l’organisateur des courses puisse retrouver ses prérogatives grignotées petit à petit par la GRA, mais, à la fin, il semble que la loi du plus fort ait triomphé. Jean-Michel Giraud a été contraint de quitter la présidence du MTC pour sauver l’industrie des courses hippiques.

Après un bras de fer avec l’État qui aura duré plus d’un an, Jean-Michel Giraud a été contraint de soumettre sa démission en tant que président et administrateur du Mauritius Turf Club (MTC), hier matin. Acculé dans les cordes après une lettre de l’association des entraîneurs, mardi, lui demandant de prendre du recul, mais aussi de l’indignation palpable des employés du MTC/ Mauritius Turf Club Sports and Leisure Ltd (MTCSL) à son égard depuis quelque temps, Jean Michel Giraud a finalement jeté l’éponge.

« J’ai pris la décision de partir car j’ai compris que ma présence à la tête du MTC allait être un problème pour le début de saison. Il s’est passé pas mal de choses ces derniers temps mais la situation des 330 employés du club était intenable. Leur salaire de mai était en jeu. Je n’avais d’autre choix que de partir. Il le fallait. J’ai essayé de mon mieux de sauvegarder les intérêts du club et de ses membres. »

À l’issue de son élection lors de l’assemblée générale élective du MTC, en 2021, il disait haut et fort aux journalistes présents que, sous son règne, «le MTC n’allait pas se laisser marcher sur les pieds!» Force est de constater que cette déclaration jugée maladroite, dans l’optique de l’assainissement des relations avec l’État, qui, qu’on le veuille ou non, de- meure un partenaire incontournable de l’industrie hippique, l’a finalement poursuivi tout au long de son mandat.

Il n’est un secret pour personne que, dès le départ, le profil et le style de Giraud ont incommodé plus d’un au sein du gouvernement. C’est un fait que depuis le retour aux affaires de l’ancien homme fort d’United Basalt Products – pour un septième mandat à la tête du MTC l’année dernière – a considérablement refroidi les relations entre l’État et l’organisateur des courses.

Compte tenu de ses antécédents avec le Mouvement militant mauricien, Giraud ne faisait pas l’unanimité chez le gouvernement. Dev Beekharry, Senior Advisor du bureau du Premier ministre, également présent sur le board de la Gambling Regulatory Authority (GRA), lui a souvent ouvertement reproché d’avoir un agenda politique. D’ailleurs, la GRA a toujours refusé de lui octroyer une Personal Management Licence (PML), un document qui lui aurait permis d’assurer la fonction de président de la compagnie organisatrice des courses, la MTCSL.

Depuis quelque temps, la pression était intenable, voire ingérable, au sommet du MTC. Le prolongement du bras de fer avec l’État, les multiples renvois de la saison hippique 2022 et, parallèlement, l’absence de revenus et la situation catastrophique des finances du club ont largement compliqué la tâche du président.

À un moment, la situation est devenue tellement critique qu’il y avait un sentiment général parmi plusieurs stakeholders que Giraud, malgré ses convictions dignes et sa bonne volonté, devait partir pour le bien-être des courses. Lâché par quelques-uns de ses plus fidèles soutiens dans son combat pour empêcher les autorités d’empiéter sur les prérogatives du MTC et d’avoir ainsi la mainmise sur l’organisation des courses, Giraud s’est retrouvé dos au mur et il n’avait visiblement pas d’autre choix.

Depuis quelques jours, plusieurs personnes de bonne volonté auraient œuvré dans les coulisses pour convaincre l’homme fort du MTC de prendre cette décision. Il y a eu cette semaine l’association des entraîneurs qui lui a demandé de «step aside», ce qui n’a pas plu à Giraud. Dans les coulisses, plusieurs émissaires, tant à l’intérieur du club que dans le cercle du gouvernement, ont tout fait pour désamorcer la bombe. Parmi eux, il y a eu au moins deux anciens présidents du MTC, dont un qui a été également député.

Selon certaines sources, Giraud n’avait qu’une option à mardi soir, car certaines voix allant même jusqu’à dire qu’il aurait pu faire face à un exercice de destitution au sein de son propre board s’il n’avait pas soumis sa démission.

 

Réactions

<p style="text-align:center"><img alt="" height="330" src="/sites/lexpress/files/images/clash_mtcsl_1.jpg" width="620" /></p>

<p><strong>Ramapatee Gujadhur</strong>, entraîneur&nbsp;: <em>&laquo;L&rsquo;inévitable est arrivé. Cela, par rapport à l&rsquo;escalade de tension entre les autorités et le MTC, incarné par son président. When the curtain falls, one must withdraw. Il convient toutefois de ne pas frapper sur un homme à terre. Jean-Michel a fait ce qu&rsquo;il considérait le mieux à faire. Il a eu du courage. Il a ses convictions. Je lui dis merci pour tout ce qu&rsquo;il a apporté à l&rsquo;industrie. Je lui souhaite aussi bonne chance dans ses projets futurs.&raquo;</em></p>

<p><strong>Denis Doger de Speville,</strong> ancien &laquo;Chairman&raquo; de la MTCSL&nbsp;: <em>&laquo;Il a enfin compris. Je pense que la pression est venue des entraîneurs et des employés de la MTCSL. Le problème avec Giraud, c&rsquo;est qu&rsquo;il n&rsquo;a jamais voulu prendre du recul. Au point d&rsquo;empiéter sur ce que faisait la MTCSL. C&rsquo;était clair que les autorités ne voulaient pas travailler avec lui. Reste à savoir ce que feront ceux qui sont toujours en place. Rappelons que c&rsquo;étaient des suiveurs de Giraud. Ou faudrait-il que les trois administrateurs restants démissionnent ? Du coup, cela permettrait la venue de trois anciens présidents au sein du board du MTC en attendant la prochaine AGE. Après quoi, il faudrait ouvrir une ligne de communication saine avec les autorités. Il y va de l&rsquo;avenir des courses, ainsi que les conséquences dramatiques sur la vie de beaucoup de personnes si d&rsquo;aventure la MTCSL fait banqueroute. &raquo;</em></p>

<p><strong>Ricky Maingard,</strong> entraîneur&nbsp;: <em>&laquo;Je dois d&rsquo;abord préciser que je partage parfaitement l&rsquo;avis de Daniel Nairac exprimé dans sa lettre intitulée &lsquo;&lsquo;À tous ceux que l&rsquo;avenir des courses hippiques à Maurice intéresse : le fiasco 2022&rdquo;. L&rsquo;ex-président du MTC, Jean Michel Giraud, était, à mon avis, sur la mauvaise voie et un changement de direction était vital dans l&rsquo;intérêt des courses et pour permettre à la saison 2022 de démarrer une fois pour toutes au Champ-de-Mars avec comme organisateur la MTCSL. Je suis confiant que le Premier ministre, Pravind Kumar Jugnauth, fera de son mieux pour s&rsquo;assurer que les courses démarrent au plus vite. Cela, avec une nouvelle équipe du MTC/MTCSL rajeunie dans l&rsquo;intérêt de tous les stakeholders et du public.&raquo;</em></p>

<p><strong>Kamal Taposeea,</strong> ancien Président du MTC&nbsp;: &laquo;<em>Ce qui se passe est vraiment désolant. Ce n&rsquo;est pas à moi de juger cette personne. C&rsquo;est d&rsquo;ailleurs pour cela que j&rsquo;ai choisi la voie de la justice pour le poursuivre en diffamation. Je suis absent du pays depuis début avril, mais j&rsquo;ai suivi à distance la saga du MTC avec tristesse. Il ne faut pas oublier qu&rsquo;en décembre 2020, le gouvernement nous avait approchés pour un éventuel partenariat gouvernement/ MTC qui aurait assuré le futur de l&rsquo;industrie hippique. Et le tout avait été présenté par Ernst &amp; Young à l&rsquo;assemblée du MTC en mars 2021. Tout cela est tombé à l&rsquo;eau après l&rsquo;arrivée du nouveau board, vu que leur cheval de bataille était de retrouver les &lsquo;&lsquo;prérogatives&rsquo;&rsquo; du club d&rsquo;antan. Il était clair que quand le début de la saison 2022 a été reporté à plusieurs reprises, la situation financière du club était loin de ce que le MTC laissait entendre. Et qu&rsquo;ils approchaient un point de non-retour. J&rsquo;ai tout de suite ressenti une grande inquiétude pour toutes les personnes vivant de l&rsquo;industrie hippique, et bien sûr aussi pour l&rsquo;avenir de l&rsquo;industrie elle-même. Sous ma présidence, le board et le management avaient opté pour la stratégie qui avait le plus de chance d&rsquo;assurer un futur à l&rsquo;industrie hippique mauricienne tout en étant parfaitement conscient que nos choix dérangeraient certains acteurs puissants de cette même industrie. Un conseil aux futurs dirigeants du club : faites preuve de respect envers les autorités tout en restant déterminé, et choisissez la diplomatie plutôt que la confrontation perpétuelle.&raquo;</em></p>