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Energie verte: la transition oubliée

11 mai 2022, 19:45

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Energie verte: la transition oubliée

À 104 USD le baril de pétrole, le cours mondial reste instable, surtout après la décision du G7, réuni dimanche, de stopper les importations de carburants de la Russie pour contrer son agression de l’Ukraine. Or, les pays exportateurs de pétrole (OPEC), ne comptent pas augmenter drastiquement leur production en réponse, ce qui pourrait augmenter la pression sur les prix des carburants. Ici, l’affaire se corse, après la décision de Terragen d’interrompre sa production d’électricité pour le CEB, qui contribue à 17 % de l’approvisionnement local. Pourtant, le débat sur la migration vers l’énergie verte ne date pas d’hier…

La courbe des prix du carburant sur le marché mondial ne cesse de fluctuer et l’incertitude reste de mise en plein conflit russo-ukrainienne. En effet, si l’Ouest monte au créneau à travers le G7 et indique vouloir stopper ses importations de pétrole de la Russie d’ici six mois, soit des transactions journalières d’environ USD 850 millions, l’OPEC n’a pour l’instant pas l’intention de réagir pour combler ce trou dans la fourniture de carburants au marché international. Quelles pourraient en être les conséquences ? «Il y a de fortes chances que les prix du pétrole augmentent pour tout le monde ; cela signifierait des prix plus élevés à la pompe et pour le chauffage, moins de revenus disponibles pour les consommateurs et un retard dans la reprise éco- nomique après la pandémie de Covid-19», peut-on lire sur le site de The Economic Times.

Dans ce contexte – on l’aura compris avec les récentes augmentations du prix des carburants sur le marché local – les consommateurs mauriciens risquent à nouveau de passer à la caisse ; cette fois, nous ne parlons pas uniquement du prix à la pompe mais aussi des tarifs d’électricité. Or, si l’efficacité de l’énergie verte et le mix-énergétique pour la production font encore débat à Maurice, autre que l’impact écologique à long terme, l’argument économique, face aux coûts de l’énergie fossile que nous ne maîtrisons pas et la baisse du pouvoir d’achat, pèse dans la balance.

Les propositions en faveur de cette transition vers l’énergie verte ne datent pas d’hier ; le rapport d’évaluation de l’économie verte de l’ONU pour Maurice indique que les investissements dans l’économie verte devraient générer une meilleure performance économique avec une augmentation de 6 % du produit intérieur brut (PIB). On se rappellera aussi cette mesure du budget 2021-2022, «en vue de l’urgence climatique et de réduire les émissions, il est prévu de produire 60 % de l’énergie à partir de sources d’énergie verte d’ici 2030 et d’éliminer l’utilisation du charbon d’ici 2030». Le budget national inclut une allocation de Rs 650 millions pour encourager l’utilisation d’énergies renouvelables, à l’instar de panneaux solaires sur le toit des bâtiments de l’État, entre autres. flash-back sur ces propositions.

Charbon-bagasse à Alteo.

Rapport de la BM sur le secteur cannier et la production énergétique

Selon le rapport soumis fin décembre 2020 par la Banque mondiale (BM) sur le secteur sucre, en 2019, les activités de raffinerie et la production énergétique sont finalement les deux seuls créneaux profitables du secteur. Pourtant, le rapport souligne que la production d’électricité a augmenté principalement grâce à l’utilisation de carburant et de charbon ; et que la part d’énergies renouvelables provenant de la bagasse a chuté, passant de 75 % en 2015 à 66 % en 2018.

La BM se positionne donc pour une transition vers davantage de production énergétique à partir de la canne à sucre ; cela demande des changements, à commencer par le type de canne à sucre cultivée et l’entrée en jeu de plus de mécanisation. Le rapport indique aussi que le prix moyen payé par le Central Electricity Board (CEB) ces trois dernières années à tous les Independent Power Producers (IPP) pour l’électricité produite à partir de bagasse est de Rs 2,70/kWh. Cependant, le prix payé pour l’électricité produite à partir de Heavy Fuel Oil (HFO) atteint Rs 4,64/ kWh. Un alignement serait donc de mise, ce qui pourrait affecter les consommateurs et les tarifs actuellement pratiqués.

Omnicane.

Vision 2030 de SAJ

Le document présenté par sir Aneerood Jugnauth en 2015 faisait la part belle à l’énergie. Des principaux défis mis en exergue, on retrouve la dépendance du pays aux combustibles importés, représentant environ 15 % de la facture totale de nos importations en devises étrangères. Mieux encore, le document souligne que notre dépendance à ces sources importées rend le pays vulnérable aux variations du marché de ces produits. Le rapport parle de biocarburants à base d’algues, qui offrent des perspectives prometteuses, avec un volume de production théorique de 20 000 à 80 000 litres d’huile par hectare et par an, qui peut être atteint à partir de la culture de microalgues.

Dans ce contexte, la vision 2030 proposait une analyse coûts-avantages, pour faire la lumière sur l’utilisation des algues dans la production d’énergie. Afin d’assurer une transition souple vers les énergies renouvelables, plusieurs autres propositions sont incluses, dont la production d’énergie solaire et éolienne par des petits et moyens producteurs (PMP), qui serait davantage encouragée. Il était prévu que le nombre de PMP connectés au réseau passe de 5 000 en 2020 à 40 000 en 2030. À la page des réformes, on retrouve la Mauritius Renewable Energy Agency (MARENA), qui étudierait les systèmes de financement et les programmes d’incitation des énergies renouvelables ; et bien entendu, l’investissement dans des recherches pour la migration vers d’autres sources d’énergies, dont le solaire et les vagues.

Premier parc éolien à Bras-d’Eau.

Plan annuel 2019-2023 du ministère des Finances

Dans la page couvrant les mesures réalisées liées à l’énergie, on retrouve la mise en service de cinq parcs solaires d’une capacité totale de 61 MW à Queen-Victoria, Solitude, Beau- Champ et deux à Henrietta ; l’installation de panneaux solaires sur le toit de 1 000 ménages à faible revenu, qui bénéficieront de 50 kWh par mois d’électricité gratuite sur 20 ans et la mise en service d’une centrale éolienne de 9 MW à la Plaine-des-Roches en avril 2016. Au niveau des stratégies, on retrouve l’installation de systèmes supplémentaires de stockage d’énergie par batterie (14 MW) pour favoriser l’intégration des énergies renouvelables, l’installation de panneaux solaires sur le toit de 2 000 foyers à faible revenu et la mise en place de deux fermes solaires PV d’une capacité de 10 à 15 MW chacune par le CEB en partenariat avec Landscope Mauritius. Il faut noter que le CEB compte renouveler l’opération home solar avec 2 000 autres maisons qui seront bientôt équipées de panneaux photovoltaïques de 1.5 kW-peak (kWp). La formule sera la même que pour les années précédentes : le foyer consomme l’énergie produite et le surplus est envoyé sur le réseau du CEB.

Centrale thermique du CEB à Fort-George.

Rapport du «United Nations Environment Programme»

En 2014, ce rapport met en exergue la nécessité de définir explicitement des objectifs pour des secteurs et domaines, tels que les énergies renouvelables, l’agriculture, la pêche, la gestion des déchets, la manufacture et l’écotourisme, entre autres, pour accélérer la transformation de l’économie verte. Selon le rapport, la demande d’énergie grandit ; or, les prix mondiaux des combustibles fossiles continueront de fluctuer à mesure que la demande mondiale augmentera, ce qui augmentera les prix. Résultat, la stratégie énergétique à long terme du pays doit être accompagnée d’actions simultanées pour augmenter la part d’énergies renouvelables dans l’approvisionnement. Ce rapport met aussi en lumière plusieurs initiatives de l’État au fil des années, dont le Solar Water Heater Financing Scheme pour les ménages et une exemption de la taxe pour la conversion des terres agricoles abandonnées aux fins d’énergies renouvelables, entre autres.

Centrale hydroélectrique du CEB à Tamarin.