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Surconsommation: une stratégie de croissance obsolète

6 mai 2022, 22:24

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Surconsommation: une stratégie de croissance obsolète

Face à la poussée inflationniste, la baisse de confiance des consommateurs dans certaines grandes économies du monde s’avère problématique. À Maurice, nous avons construit au fil des années une société de surconsommation ; les dépenses des ménages pour la consommation représentant 73% du PIB en 2021, face à un faible taux d’épargne et une hausse continuelle de la dette des ménages et évidemment du déficit commercial. Finalement, la baisse de l’indice de confiance des consommateurs n’est-elle pas une aubaine pour Maurice ?

Indicateur  important dans le processus de prévision et de planification économique, l’indice de confiance des consommateurs, tout autant que le taux d’inflation, peut s’avérer révélateur quant à la performance économique d’un pays, surtout pour les économies développées. À Maurice, dans un récent sondage de Kantar, il est indiqué que l’indice de confiance des consommateurs mauriciens après avoir grimpé à 62 points en octobre 2021, est redescendu au point le plus faible, soit 48.5 à mars 2022, signe des inquiétudes grandissantes sur la diminution des revenus et du pouvoir d’achat des Mauriciens. Quelles sont les conséquences de cette baisse d’optimisme des consommateurs ? Voyons cela de plus près.

Pour commencer, dans un article sur le site en ligne de Nasdaq le 28 avril dernier, le lien entre la baisse de l’indice de confiance des consommateurs et les risques de récession est mis en perspective. En effet, aux États-Unis, la consommation représente environ 70 % du PIB, et il est donc important de savoir si elle est susceptible d’augmenter ou de diminuer pour que les entreprises puissent planifier leurs investissements et pour que les économistes puissent travailler sur leurs prévisions de croissance. «Une faible confiance des consommateurs peut indiquer que les dépenses vont ralentir, ce qui conduira éventuellement à une récession. Or, les données relatives aux dépenses réelles semblent indiquer que les consommateurs sont toujours disposés à soutenir la demande et à maintenir la croissance du PIB, les résultats ne sont pas encore clairs», peut-on lire sur le site en ligne.

Cependant, Maurice peut difficilement se comparer aux États-Unis, car contrairement à eux, notre consommation dépend entièrement de l’importation. Finalement, compte tenu de notre déficit commercial important, estimé à Rs 160 milliards en 2022, la place de la consommation dans la performance économique et les stratégies de croissance est surprenante. En effet, selon les chiffres de Statistics Mauritius, les dépenses des ménages pour la consommation s’élevaient à Rs 364,5 milliards en 2018, alors que les chiffres de la MCB démontrent que le PIB, ce que l’on appelle communément le gâteau national, affichait Rs 481 milliards en 2018. En 2021, la consommation des ménages était de l’ordre de Rs 336,9 milliards pour un PIB de Rs 463 milliards. Finalement, à 2021 les dépenses des ménages pour la consommation affichait un taux de 72,9 % contre 75,7 % en 2018, dans tous les cas un pourcentage trop élevé pour un pays importateur. La consommation est synonyme d’importations, qui, à leur tour, mettent nos réserves en devises étrangères sous pression. En 2021, notre note d’importation s’élevait à seulement Rs 215,2 milliards contre Rs 82,1 milliards en recette d’exportation.

Ce qu’il est tout aussi intéressant de noter, c’est qu’à Maurice, la consommation se fait surtout à travers la dette, avec l’endettement des ménages qui affiche Rs 128,9 milliards, incluant le logement. En contrepartie, le niveau de l’épargne est inquiétant, affichant uniquement Rs 41,5 milliards en 2021. «Il faut le dire, les conséquences de l’indice de confiance des consommateurs à Maurice et ailleurs sont différentes. Pour les pays développés, ils peuvent se permettre de voir leur taux de consommation atteindre un certain niveau, car cela a un impact sur la croissance. Mais à Maurice le contexte est différent. Nous sommes une petite économie avec un taux de consommation bien trop élevé par rapport au PIB. Que notre consommation baisse pour les produits de luxe, c’est une bonne chose. N’oubliez pas que, l’augmentation de la consommation, incluant la construction, implique une pression sur nos réserves internationales», dit l’économiste Pierre Dinan.

Selon lui, encourager l’épargne et donc l’investissement est une bien meilleure option. «Au lieu d’encourager la consommation, c’est l’investissement pouvant générer de la valeur qu’il nous faut, surtout pour les entreprises qui font de l’exportation. Nous avions bien démarré dans les années 80’ où l’investissement comptait pour au moins 25 % du PIB et la consommation le reste. À présent, il faut produire plus et consommer moins.»

Dans ce contexte, on se souviendra aussi du discours de sir Anerood Jugnauth en 2015 lors de la présentation de la fameuse «Vision 2030», mettant l’accent sur l’industrie manufacturière et prévoyant d’augmenter sa contribution à 25 % du PIB.

Bien avant cela, le modèle Sithanen-Mansoor, parrainé par le FMI, reposait sur des réformes axées sur la compétitivité à travers la libéralisation des importations et la formation des Mauriciens dans certains domaines. L’objectif était de dynamiser la production et donc les exportations par la suite. À ce jour, nous attendons toujours.

Finalement, la baisse de l’indice de confiance des consommateurs est pour nous une chance de procéder aux réformes. Cela ramène aux mêmes propositions, à savoir, encourager la production locale et favoriser la sécurité alimentaire dans le pays, qui devrait être notre priorité absolue.