Publicité

Finances publiques: à qui serviront finalement les nouveaux «Dornier» et «Dhruv» ?

5 mai 2022, 16:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Finances publiques: à qui serviront finalement les nouveaux «Dornier» et «Dhruv» ?

Le prix payé ou à être payé pour ce Dornier DO 228 est inconnu. De même que sa valeur sur le marché. Son équivalent, le Beechcraft King Air 350, coûte environ USD 3 millions (Rs 150 millions). Vu le prix d’ami d’un milliard de roupies payé pour l’hélicoptère Dhruv, on se demande si cette amitié a aussi joué pour le Dornier. Le communiqué du 27 avril du GIS, qui reproduit le discours du Premier ministre (PM), Pravind Jugnauth, à la cérémonie de commissioning, révèle que le gouvernement a aussi loué un Advanced Light Helicopter de HAL. On ne connaît ni le prix, ni les autres conditions. 

Le communiqué du GIS, plutôt vague, ne mentionne même pas le nom Dhruv. Pourquoi un autre Dhruv ? Explication du PM : «Il donnera un coup de pouce important à la lutte contre la criminalité grâce à une utilisation accrue d’équipements à forte intensité technologique par la police mauricienne.» Mention est également faite d’un troisième nouveau Dhruv Mark -3, qui sera livré à notre Police Helicopter Squadron «dans les années à venir». De plus, le gouvernement travaille sur un autre projet pour remplacer les équipements de surveillance de nos côtes par des «équipements de pointe», a dit Pravind Jugnauth, pour assurer «la paix et la sécurité dans l’océan Indien». 

Pourquoi tous ces investissements et dettes à un moment où notre pays est en grande difficulté économique ? Et pourquoi ce soudain intérêt pour la sécurité de notre territoire maritime et… des Agaléens ? Car le PM a tenu à le souligner : le nouveau Dornier fera des patrouilles jusqu’à Agalega et assurera de plus la connectivité entre cet archipel et Maurice. Contrairement aux précédents Dorniers, le nouveau modèle, qui transportera des passagers, «peut être configuré pour plusieurs rôles, tels qu’une ambulance aérienne, la recherche et le sauvetage, et même être utilisé comme une unité de soins intensifs néonataux». Quelle sollicitude envers nos amis Agaléens ! Il est ici nécessaire de souligner qu’il est possible que l’île soit utilisée par l’armée indienne, en dépit des démentis répétés du PM. 

Est-ce que toutes ces facilités ne profiteront pas aux Indiens basés à Agalega ? Pour Vijay Makhan, ancien secrétaire aux Affaires étrangères, «c’est une spéculation tout à fait justifiée, vu l’absence d’informations précises sur ces transactions. J’espère que c’est vraiment pour assurer la sécurité de notre territoire». 

L’ancien diplomate se demande d’ailleurs si les officiels mauriciens qui ont signé cet accord «sont bien des experts chevronnés sur les questions de sécurité». Vijay Makhan nous rappelle qu’il existe déjà de nombreuses conventions entre Maurice et plusieurs pays pour la sécurité, notamment contre la piraterie en haute mer. 

Le beurre et l’argent du beurre 

Ce qui est sûr, c’est que ces achats et locations d’aéronefs profitent bien aux Indiens, à HAL surtout. Dans un précédent article, notre collègue Iqbal Ahmed Khan rappelle comment auparavant notre pays avait droit aux avions, hélicoptères et navires indiens gratuitement, même si parfois il s’agissait d’appareils de seconde-main. Maintenant, on achète du neuf en utilisant l’argent prêté par l’Exim Bank of India. Estce de l’aide, encore que ces achats ne semblent pas être une priorité pour notre pays ? 100 millions de dollars US (Rs 4,3 milliards) avaient été mis à la disposition de Maurice par l’Exim Bank de l’Inde dont 75 % devront être consacrés à l’achat d’équipements de défense auprès d’industriels indiens. 

Ce genre de transactions, nous confie Vijay Makhan, «met l’Inde en position de bénéficiaire du beurre et de l’argent du beurre, et Maurice, des dettes et des intérêts pour les futures générations». Cependant, l’ancien diplomate dit apprécier et reconnaître que la Grande péninsule a toujours aidé notre pays et ce, sous tous nos gouvernements. 

Quant à tout éventuel grant ou don inclus dans l’accord, l’ancien diplomate le qualifie de dérisoire et adapte le dicton, «c’est comme donner un oeuf pour avoir un boeuf». Que pense-t-il du fait que Maurice a de plus en plus recours à l’Inde pour se procurer des équipements militaires ? Vijay Makhan est d’avis «qu’il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. Il serait mieux de diversifier nos sources pour un bon équilibre diplomatique, économique et politique». Voilà un conseil d’un ancien secrétaire aux Affaires étrangères qui, on le souhaite, sera écouté. 

Par ailleurs, ni le commissaire de police, ni le bureau du PM n’ont répondu à nos sollicitations pour plus d’informations.

 


Question parlementaire oubliée ? 

<p>Le député travailliste Osman Mahomed avait envoyé une question parlementaire au début d&rsquo;avril sur l&rsquo;achat du<em> &laquo;Dornier&raquo;</em>. Il voulait connaître le prix payé, les raisons de l&rsquo;acquisition et la performance de l&rsquo;appareil ainsi que sa sécurité, vu que Maurice est le premier client de ce modèle. La question n&rsquo;est pas passée et la réponse écrite est toujours en attente. Il faut noter que le <em>&laquo;Dornier&raquo;</em>, tous modèles confondus, figure, tout comme le<em> &laquo;Dhruv&raquo;</em>, en haut du tableau des aéronefs ayant connu le plus d&rsquo;incidents en vol avec 54 accidents et 205 pertes de vie. Un vrai palmarès !</p>