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Crise alimentaire: pourquoi ne pas privilégier les imports de nos voisins ?

27 avril 2022, 20:00

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Crise alimentaire: pourquoi ne pas privilégier les imports de nos voisins ?

La crise alimentaire devient inévitable. Le «food price index» de la FAO pour mars a atteint 159,3 points, soit 12,6 % de plus qu’en février, un nouveau record. La BAD prévient que la crise en Afrique est inéluctable, nécessitant des mesures urgentes. À Maurice, la colère gronde face à la flambée des prix. Si les solutions ne sont pas simples, une stratégie régionale serait une option privilégiée de beaucoup d’importateurs.

La crise alimentaire n’est plus un risque mais déjà une réalité, provoquant une instabilité sociale un peu partout. En effet, la hausse des prix impacte lourdement les économies les plus faibles et pousse les autorités et les commerçants à s’ouvrir à de nouvelles méthodes pour sécuriser l’approvisionnement, soit par une politique de production locale ou l’importation régionale des produits.

En France, Emmanuel Macron, fraîchement réélu à la présidence, compte privilégier son programme agricole, pour «renforcer la souveraineté alimentaire de la France». Au Liban, très dépendant des importations, la hausse des prix des carburants, des aliments ainsi que la sévère dépréciation de la monnaie locale, entre autres, menacent ce pays d’une crise alimentaire de grande ampleur.

Par ailleurs, le président de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Adesina, prévient que le triplement du coût des engrais, l’envolée des prix de l’énergie et l’explosion du panier de la ménagère pourraient s’aggraver en Afrique dans les prochains mois, surtout que 90% des USD 4 milliards d’importations de la Russie en 2020 étaient du blé ; que 48 % des USD 3milliards d’importations de l’Ukraine étaient du blé et 31 % de maïs. «La BAD est déjà à pied d’œuvre pour atténuer les effets de cette crise à travers la Facilité africaine d’intervention et d’urgence en cas de crise alimentaire, un mécanisme spécifique que la BAD entend mettre en place pour fournir aux pays africains les ressources dont ils ont besoin pour augmenter la production alimentaire locale et se procurer des engrais.»

À Maurice, les derniers chiffres de l’inflation démontrent un taux de 10,7 % et la note d’importations pour février s’élève à Rs 17,3 milliards, contre Rs 14,9 milliards en février 2021, selon Statistics Mauritius, alors que le dollar s’échange à Rs 43,35 (selon le taux de la SBM). Si les opérateurs poussent le dialogue sur la production locale ou l’acquisition d’un Regional Feeder Vessel pour contrer la hausse des coûts du fret, nous n’entendons pas grand-chose des autorités sur un plan d’urgence visant la sécurité alimentaire.

Pourquoi ne pas privilégier la régionalisation des importations ? «Pour le carburant, le prix est sujet au marché mondial mais nous pouvons dire qu’il n’y aura aucun problème de pénurie, les compagnies avec lesquelles nous opérons cette année étant basées à Dubaï. Pour les autres produits importés par la STC, tout se fait par appel d’offres et le moins cher l’emporte. Cela dit, nous suivons de près la situation et les données ont changé avec le chamboulement de la chaîne approvisionnement», déclare le CEO de la State Trading Corporation (STC), Rajiv Servansingh. Dans ce contexte, la STC compte privilégier le commerce régional pour aider à stabiliser les prix sur le marché local. «La STC considère des options pour importer des produits de la Tanzanie, par exemple. Face à l’urgence, elle pourrait entrer davantage dans le jeu pour d’autres produits et aider à stabiliser les prix.»

Outre la STC, des importateurs de pro- duits alimentaires orientent aussi leur stratégie vers le commerce régional, à l’instar de l’enseigne Carrefour. Si les viandes et autres produits surgelés proviennent des marchés régionaux, dont l’Afrique du Sud et Madagascar, l’enseigne prévoit d’importer leurs autres produits de la marque Carrefour de Dubaï au lieu de la France. En effet, si Dubaï sera plus favorable en termes de coût, le produit restera un produit Carrefour, dit-on. «Si cette stratégie se concrétise, cela aura un impact sur nos prix d’achat et nous pourrons offrir un meilleur prix de revente. Le problème de transbordement restera un problème, mais nous achèterons les produits à moins cher, cela apportera une contribution à notre stratégie d’offrir nos produits à de meilleurs prix.»

Le hic, c’est que tous les produits ne peuvent forcément provenir des marchés régionaux. Le CEO de SKC Surat, Suren Surat, indique que 60 % de ses importations proviennent d’Afrique du Sud, en particulier les fruits. Ses légumes sont produits localement mais importés d’Afrique du Sud en cas de pénurie. «Les fruits sont saisonniers, quand il n’y en a plus en Afrique du Sud, il nous faut importer d’ailleurs, notamment d’Égypte ou d’Australie. Il est clair que c’est un avantage d’importer des marchés régionaux car finalement notre but est de proposer un produit à un prix compétitif aux consommateurs. Nous recherchons la qualité, au meilleur prix et des régions proches, mais dans certains cas il n’y a pas moyen de faire autrement que d’importer d’autres pays même s’ils sont plus loin. Prenez Madagascar, par exemple, ils ne produisent plus grand-chose.»

Finalement, il est clair qu’une seule solution ne suffira pas pour atteindre nos objectifs en matière de sécurité alimentaire. Il est donc important qu’un plan d’ensemble soit mis sur pied, avec une panoplie de propositions et d’options, qui ensemble pourront aider à soulager le fardeau de la population à court, moyen et long termes, face aux augmentations de prix, qui ne sont pas près de prendre une direction opposée, vu la situation internationale.