Publicité

Ciblage, coupon alimentaire, baisse des taxes… Ces options pour soulager le peuple

26 avril 2022, 21:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Ciblage, coupon alimentaire, baisse des taxes… Ces options pour soulager le peuple

Depuis la semaine dernière, l’île a été le théâtre de tumultes liés à la hausse des prix. Des Mauriciens ont manifesté dans plusieurs régions suivant la majoration du prix de l’essence, passé à Rs 67,40 contre Rs 61,30 tout récemment. Quant au gaz ménager, la bonbonne de 12 kilos coûte Rs 240 au lieu de Rs 180. Asphyxiés par ces flambées de prix, divers citoyens protestent et réclament des mesures correctives. 

Bhavish Jugurnath, expert-comptable et économiste, affirme qu’en 2021, Maurice a subi une inflation de la consommation générale de 19 % sur les produits essentiels, selon le rapport du Fonds monétaire international. En 2022, l’augmentation du prix du gaz ménager et des carburants, à hauteur d’environ 30 %, crée un effet domino sur d’autres majorations de produits et services comme le transport, les légumes, l’électricité, etc. «La pauvreté va s’accélérer et englobera les Mauriciens de la classe moyenne. D’après Statistics Mauritius, jusqu’à tout récemment, les low income earners (touchant jusqu’à Rs 18 000 par mois) et les middle income earners (à partir de Rs 32 000) consacraient 50 % de leurs salaires aux dépenses alimentaires. Maintenant, ce taux est passé à 70 % avec les prix encore plus élevés, ce qui augmente la pauvreté.» 

Quelles solutions peuvent être appliquées par l’État face à la dégradation de la situation ? Selon l’économiste, un ciblage s’impose car les revenus publics relatifs à la taxe sont en baisse, d’après le dernier rapport de l’Audit. «Financer les subventions sur les produits en hausse sera difficile pour le gouvernement. Il faut soulager les catégories les plus en souffrance, soit ceux au bas de l’échelle et la classe moyenne.» L’économiste évoque les modèles français et italiens, qui préconisent des allocations pour l’énergie allant jusqu’à Rs 2 500 mensuellement aux personnes directement impactées par la hausse des prix. 

Deuxièmement, la carte ou le voucher de ration serait une option pour les catégories vulnérables. Sauf que pour éviter la stigmatisation des bénéficiaires, un système numérique, comme pour le pass vaccinal, peut être utilisé. 

Troisièmement, Bhavish Jugurnath propose une réduction des taxes sur les carburants. Une baisse de 25 à 30 % serait nécessaire. D’après lui, une telle mesure a été adoptée par l’Inde, la France et d’autres pays européens pour un soulagement à courtterme, d’autant que l’on ne peut escompter l’évolution des prix de ces produits pétroliers. «Il se peut que le baril atteigne les $200. Tout peut arriver. Le prix du gaz ménager est tout aussi volatil avec la guerre entre la Russie et l’Ukraine. On doit trouver des solutions immédiates comme une assistance aux catégories appauvries.» En Angleterre, il existe un Gas Bill avec un «relief» pour les consommateurs vulnérables. Même si Maurice ne dispose pas de ces provisions juridiques, on peut accorder 30 % de soutien sur le coût aux familles consommant une bonbonne de gaz ménager mensuellement. 

De son côté, Suttyhudeo Tengur, président de l’Association for the Protection of the Environment and Consumers, soutient que les officiers du Commerce et de la consommation doivent être mieux équipés pour analyser le mécanisme de prix. «Par exemple, si une enseigne propose une baisse significative de prix, allons dire de Rs 30, sur un article, il faut étudier le prix coûtant à la base. Ainsi, on pourrait baisser davantage les tarifs.» 

Pour l’essence, surtaxée à son avis, l’ultime solution est de diminuer la taxe temporairement, notamment celle pour transporter ce carburant à Rodrigues et celles liées au Covid-19. Ceci baisserait alors le prix par environ Rs 7. «Il existe des marges de manoeuvre qui n’affecteront pas la croissance. Pour le gaz ménager, qui demeure un produit essentiel, la subvention de l’État doit être réappliquée. Puisque le Premier ministre était en visite en Inde, il devrait être inspiré par le gouvernement de la Grande péninsule qui baisse les prix du gaz.» 

Quant à Jayen Chellum, secrétaire général de l’Association des Consommateurs de l’île Maurice, selon lui pour amortir ces majorations en série, l’alternative est de puiser des surplus de la State Trading Corporation (STC), depuis 2014, dirigés vers le Consolidated Fund. «Il faut un fonds provenant du ministère des Finances susceptible d’être utilisé pour ces flambées des carburants et du gaz ménager. Cela permettra aussi de renflouer les caisses de la STC.» 

Pour Claude Canabady, secrétaire de la Consumer Eye Association (CEA), en dépit des problèmes hors du contrôle de l’État (guerre et pandémie), il faut assister du mieux possible les Mauriciens qui sont davantage dans le besoin. «Appliquer des subsides additionnels sur le gaz ménager ne va pas aider les plus démunis car ce n’est pas un article qu’on achète au quotidien ni de façon hebdomadaire. Concernant l’essence, on peut retirer au moins la taxe pour le vaccin contre le Covid-19 afin de soulager la population entière. Les entreprises du transport ne pourront pas justifier des demandes d’augmentation des tickets d’autobus et les entreprises ne pourront pas augmenter le prix de leurs produits.» 

D’après lui, sur 20-30 produits de base utilisés par les citoyens tout au bas de l’échelle, notamment les sardines, le thon en miettes, la margarine, les tomates en conserve, les pâtes, le gouvernement doit appliquer une exemption de la taxe sur la valeur ajoutée. La CEA prône également un système de «Food voucher» donné directement à ceux et celles à faible revenus. «Cela peut se faire en conjonction avec la sécurité sociale et visera ceux et celles n’ayant les moyens financiers pour survivre.»