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Initiative du CEDEM: Une vraie maison pour les filles de 12 à 17 ans à Floréal

21 avril 2022, 22:14

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Initiative du CEDEM: Une vraie maison pour les filles de 12 à 17 ans à Floréal

Un troisième foyer pour adolescentes du Centre d’éducation et de développement pour les enfants mauriciens a été inauguré à Floréal mardi. Il est financé à 70 % pour les trois prochaines années par l’Union européenne.

Mardi, il y avait une animation particulière à la rue Jean Maurice Prudent, située dans les beaux quartiers habituellement paisibles de Floréal. Outre la présence de berlines et de motards, il y avait des bruits de voix, des applaudissements et de la musique. Un gentil brouhaha qui provenait de la troisième structure pour filles de 12 à 17 ans du Centre d’éducation et de développement pour les enfants mauriciens (CEDEM), inaugurée ce jour-là par le viceprésident de la République, Eddy Boissézon, en présence de Vincent Degert, ambassadeur de l’Union européenne à Maurice, qui est le principal bailleur de fonds de ce CEDEM Floréal 2 et dont le nom doit encore être trouvé.

Le rez-de-chaussée de cette structure à étage s’ouvre sur une grande salle de séjour aux tons beige donnant des deux côtés sur des chambres aux mêmes tons que la literie des lits simples et superposés, tantôt bleu ciel, tantôt orange, égaie. On y trouve aussi une salle de bains et des toilettes attenantes et une grande cuisine. À l’étage, la pièce est tout aussi grande et comprend un coin études avec des ordinateurs portables, une grande kitchenette, une salle de télévision avec son ameublement brun, sans compter une salle d’eau et des toilettes et les chambres avec des lits simples et superposés à la literie tout aussi colorée et gaie qu’au rez-de-chaussée.

On n’a pas vraiment l’impression d’être dans un foyer pour adolescentes mais dans une maison bien rangée par ses occupants. C’était voulu, explique Trisha Boodhoo, psychologue clinicienne et Project Manager de la structure. «Comme notre objectif est l’autonomisation et la réintégration des adolescentes dans la société, on cherchait une résidence spacieuse, qui dégage une ambiance familiale et située dans un bon voisinage et pas un lieu excentré aménagé comme un dortoir.» Avant de tomber sur cette maison de la rue Jean Maurice Prudent à Floréal, la Project Manager et son équipe ont visité pas moins de dix maisons dans les PlainesWilhems. Ce district a été privilégié pour plus de proximité avec les autres structures du CEDEM.

Quelles similitudes et quelles différences entre cette maison d’accueil et les deux autres structures du CEDEM à Vacoas et Floréal ? Les trois, précise Trisha Boodhoo, sont des maisons d’accueil pour les enfants de moins de 18 ans, mais le CEDEM Floréal 2 héberge spécifiquement des adolescentes de 12 à 17 ans. Si depuis deux ans maintenant, la direction du CEDEM a arrêté d’héberger des garçons, c’est en raison de la difficulté à les faire cohabiter avec les filles.

Si la maison de la rue Jean Maurice Prudent a été trouvée depuis l’an dernier et que l’équipe d’encadrement – qui comprend 17 personnes (deux animatrices, une psychologue, un travailleur social, quatre aidants (caregivers), un manager de centre en la personne de Marie-Agnès Perrrumal, un coach sportif, une nutritionniste, une cuisinière, un agent d’entretien, un aidant de jour, un jardinier, un garde de sécurité et la Project Manager) – avait déjà été mise en place, le personnel a dû attendre neuf mois pour obtenir tous les permis nécessaires, notamment de la police, des pompiers et du ministère de l’Égalité des genres. C’est en février dernier que cette structure a pu démarrer ses opérations.

Développement personnel 

Cette Small group home, comme l’appelle Trisha Boodhoo, héberge 12 adolescentes et deux aidantes, un ratio enfants-aidants préconisé par les instances internationales. Les adolescentes ont été retirées de leur foyer par ordre de la cour et après enquête de la Child Development Unit pour plusieurs raisons. Parmi celles-ci, leur vie dans des conditions d’insalubrité, la négligence, l’abus physique, l’abus sexuel, la violence domestique et l’abandon.

Le travail de l’équipe pluridisciplinaire commence dès que les adolescentes franchissent le seuil de la maison. «À la base, nous fournissons l’hébergement et toutes les nécessités et l’équipe pluridisciplinaire travaille à l’amélioration de la santé mentale et physique des adolescentes. Il y a des activités de développement personnel et des loisirs et nous faisons en sorte qu’elles puissent jouir de leurs droits», précise Trisha Boodhoo.

Sur les 12 adolescentes hébergées dans la maison, 11 sont scolarisées et la dernière a dépassé l’âge légal pour l’être. Comme elle s’intéresse à la coiffure, la Project Manager va tâcher de lui trouver un stage dans ce domaine. D’après le règlement des Residential Care Institutions, les enfants doivent être acheminés à l’école et ramenés à la maison dans un car scolaire. Or, comme l’explique Trisha Boodhoo, cette méthode dirigiste pourrait empêcher l’autonomisation visée. «Nous sommes en pourparlers avec le ministère de tutelle pour faire évoluer ce critère de la loi et voir si les adolescentes de plus de 14 ans à monter, qui ont démontré un sens de responsabilité, peuvent se rendre à l’école par elles-mêmes. Il y aura bien évidemment un contrôle et une liaison avec les établissements scolaires concernés mais nous devons donner l’occasion à ces adolescentes de montrer qu’elles peuvent être responsables.»

Que se passe-t-il quand les adolescentes atteignent leur majorité ? «Après 18 ans et leur passage ici, elles devraient être outillées et prêtes pour la transition», déclare Trisha Boodhoo. S’il n’y a pas eu d’abus ni de maltraitance ou traumatisme et que les conditions de vie se sont améliorées, elles peuvent retrouver la cellule familiale, si cela va dans le sens de l’évaluation et des recommandations des fonctionnaires du ministère de l’Égalité des genres. «Mais il faut veiller à ce que le retour à la maison ne soit pas trop subit pour que la réintégration soit harmonieuse.» Il arrive parfois que les parents ne puissent être retracés. À ce moment-là, il y a la maison de transition Safe Haven où elles peuvent être référées.

Comment le voisinage a-t-il réagi par rapport à cette structure ? La Project Manager avoue qu’au début, il y a eu «quelques difficultés». «Les deux premiers jours ont été un peu compliqués car il y avait plus de voix, plus de bruits que d’habitude. Il y a eu questionnement car les voisins ne comprenaient pas ce qui se passait. Dans la tête de certains d’entre eux, une telle structure signifie des enfants hors de contrôle, des délinquants. Nous avons expliqué et dialogué avec le voisinage immédiat et fourni des réponses. À ce moment-là, ils ont été plus ou moins rassurés.»

Bien que l’ambiance soit celle d’une maison familiale, le garde de sécurité à l’entrée s’assure que seuls les membres du personnel et les fonctionnaires du ministère de la Femme y aient accès. Quid des parents ? Si le profil des parents n’est pas celui de l’abus ou du traumatisme, ils peuvent demander l’autorisation à voir leur fille de la Child Development Unit et des Child Rehabilitation Services.

Stratégie de durabilité

La rencontre a lieu ailleurs que dans la maison et généralement dans un centre du ministère. «Nous aurions souhaité que cette visite s’étende à la grand-mère, à la tante ou la sœur car c’est aussi un contact émotionnel important pour les adolescentes. Mais il arrive que la rencontre avec les parents soit difficile car quand l’adolescente réalise que les améliorations requises ne vont pas assez vite à son goût, elle ramène une frustration à la maison que nous devons gérer.»

Si les deux autres structures du CEDEM sont presque entièrement financées par la National Social Inclusion Foundation (NSIF), le CEDEM Floréal 2 l’est à un peu plus de 70 %, et pour les trois prochaines années, par l’Union européenne et à 28 % par la NSIF. «Nous devons développer une stratégie de durabilité pour pouvoir pérenniser notre action au-delà de 2024.»

Jusqu’à présent, cette troisième structure n’a pas un nom qui lui soit propre. «Dans un proche avenir et avec les filles, nous trouverons collectivement un nom pour la maison», précise Trisha Boodhoo, qui souhaite que la société arrête d’étiqueter et de cataloguer ces enfants. «Il y a des enseignants qui vont faire référence à ces enfants en classe comme zanfan shelter. Ces connotations sont dures et font mal. Il faudrait changer les mentalités car tous les enfants ont des problèmes et pas seulement ceux placés dans les centres. L’Ombudsperson for Children fait un gros travail de sensibilisation à ce sujet mais il faudrait que les organisations non gouvernementales, le ministère et la communauté s’y mettent aussi pour que l’on en finisse avec ces jugements de valeur, qui n’ont aucune raison d’être.»