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Pakistan: les défis qui attendent le prochain Premier ministre

10 avril 2022, 10:14

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Pakistan: les défis qui attendent le prochain Premier ministre

Quel que soit le nom du Premier ministre pakistanais amené à succéder à Imran Khan, tombé dimanche sur une motion de censure, d'immenses défis attendent le prochain gouvernement.

Les difficultés économiques, une recrudescence des attentats et une relation orageuse avec les Etats-Unis figureront en haut de la liste de ses priorités.

 Une économie en berne 

Le creusement de la dette, une inflation galopante et la forte dépréciation de la roupie ont coïncidé avec une croissance économique atone ces trois dernières années.

Sous Imran Khan, le pays n'avait «aucune direction», regrette Nadeem ul Haque, de l'Institut pakistanais de développement économique (PIDE), basé à Islamabad. «Des réformes politiques radicales sont nécessaires pour relancer l'économie», estime-t-il.

L'inflation continue à se maintenir autour des 12%, la dette extérieure atteint les 130 milliards de dollars, soit 43% du PIB, et la devise pakistanaise est passée cette semaine sous la barre des 190 roupies pour un dollar, soit une dépréciation de près d'un tiers depuis l'élection d'Imran Khan en 2018.

Un prêt échelonné de 6 milliards de dollars accordé en 2019 par le Fonds monétaire international (FMI) n'a été versé que pour moitié, car le gouvernement de M. Khan a rechigné à appliquer sa promesse de diminuer ou de cesser les subventions sur certains biens et d'améliorer le taux de recouvrement de l'impôt.

Point positif, les envois de devises vers le Pakistan par sa diaspora atteignent des niveaux records. Mais cela le maintient sur les radars du Groupe d'action financière (Gafi), un organisme intergouvernemental chargé d'inciter les pays à se doter d'une législation contre le blanchiment d'argent et le financement du «terrorisme».

«C'est une épée de Damoclès qui pourrait s'abattre sur le pays à tout moment», met en garde le professeur Jaffar Ahmed, directeur de l'Institut de la recherche historique et sociale de Karachi.

 La sécurité se dégrade 

Le Pakistan est confronté depuis quelques semaines au retour en force du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), les talibans pakistanais, galvanisés par l'arrivée au pouvoir des talibans en août 2021 en Afghanistan.

Le TTP, un mouvement distinct de celui des nouveaux dirigeants afghans mais qui partage avec lui des racines communes, a revendiqué plusieurs attaques depuis le début de l'année. Il a annoncé une offensive contre les forces de sécurité pendant le mois de ramadan qui a commencé le 3 avril.

Le gouvernement de M. Khan avait conclu une trêve d'un mois avec le TTP en fin d'année dernière, mais celle-ci a pris fin au début décembre, aucune avancée n'ayant eu lieu dans les négociations de paix.

Les talibans afghans ont souvent répété qu'ils n'autoriseraient aucun groupe armé à utiliser le sol national comme refuge pour attaquer des pays étrangers. Mais le doute persiste sur leur véritable volonté et sur leur capacité à limiter les activités des milliers d'islamistes pakistanais présents en Afghanistan.

Le Baloutchistan, la plus grande province du Pakistan, riche en hydrocarbures et en minerais mais dont la population se plaint d'être marginalisée et spoliée de ses ressources naturelles, est ravagée par les violences ethniques, sectaires et séparatistes.

L'analyste politique Rafiullah Kakar suggère une double-approche consistant en des mesures destinées à «bâtir la confiance» et favoriser «la réconciliation politique» au Baloutchistan, tout en cessant «une fois pour toute» de prendre des pincettes avec le TTP.

Des relations extérieures à restaurer 

Imran Khan a accusé les Etats-Unis d'avoir cherché à le renverser avec la complicité de l'opposition pakistanaise. Washington a fermement nié et le prochain gouvernement aura fort à faire pour renouer les liens avec cet important fournisseur d'armes, afin de répliquer aux ventes d'armes de la Russie à l'Inde.

M. Khan a suscité la colère des Occidentaux en se rendant en visite officielle à Moscou le jour même du déclenchement de la guerre en Ukraine. Il avait aussi été l'un des rares dirigeants mondiaux à assister à la cérémonie d'ouverture des jeux Olympiques d'hiver à Pékin, boycottée par plusieurs pays afin de dénoncer les violations des droits humains en Chine.

Le chef d'état-major de la toute puissante armée pakistanaise, le général Qamar Javed Bajwa, a rappelé récemment combien la relation avec les Etats-Unis était primordiale pour le pays.

«Le futur gouvernement (...) devra faire beaucoup d'efforts pour réparer les dommages», prévient l'analyste politique Tauseef Ahmed Khan.