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Rajesh Callicharan: «Censurer ‘The Kashmir Files’, c’est dire que les mauriciens sont encore des barbares»

19 mars 2022, 20:00

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Rajesh Callicharan: «Censurer ‘The Kashmir Files’, c’est dire que les mauriciens sont encore des barbares»

Quel rebondissement ! Le film «The Kashmir Files», d’abord rejeté par le Film Classification Board (FCB) le 10 mars, est à l’affiche depuis le jeudi 17. Rajesh Callicharan, importateur de films depuis 35 ans, a fait appel de la décision du FCB, un département du ministère des Arts et du patrimoine culturel. «The Kashmir Files» a alors obtenu le visa 18.

Le visa 18 a été accordé au film «The Kashmir Files». Est-ce un soulagement pour vous ou avez-vous le sentiment d’avoir perdu sept jours ?
C’est un soulagement. J’étais mécontent que le Film Classification Board (FCB) ait rejeté le film. En 35 ans de carrière comme importateur de films, jamais aucun d’entre eux n’avait été rejeté. Le FCB, zot zis klasifie…

Comme son nom l’indique, ce «board» n’est pas là pour censurer…
… Zis zot bizin donn viza. C’est tout. Si c’est un film illégal, par exemple s’il est pornographique, c’est déjà interdit par la loi. Il sera rejeté. Sa nou dakor. Dans la même catégorie que The Kashmir Files, il y a beaucoup d’autres films dont l’histoire est aussi violente et aussi touchante, qui ont déjà été projetés en salles.

Citez-nous des exemples.
Il y avait un film sur Jésus, qui avait fait polémique, mais il avait obtenu un visa (NdlR : La Passion du Christ de Mel Gibson sorti en 2004). Prenez Le Parrain III (NdlR : de Francis Ford Coppola avec Al Pacino sorti en 1990), c’est un film très violent. Il y a tellement de films sur Hitler, kot linn fer dominer. Il y a des séquences bien...

The Kashmir Files, c’est basé sur une histoire vraie. On ne peut pas empêcher ceux qui paient leur place de cinéma de regarder ça. C’est primordial que l’on donne l’occasion aux spectateurs qui s’intéressent à ce type de films, de voir ces œuvres.

Vous citez deux films américains, mais qu’en est-il d’un équivalent indien de «The Kashmir Files» ?
Prenez le film PK, c’est de la pure fiction (NdlR : film avec un extraterrestre qui débarque sur Terre). Me li bless sertenn santiman. Pourtant ce film a été projeté en salles. Ce qui est bien, c’est que les Mauriciens sont assez ouverts d’esprit. Ils regardent le film sans faire de bruit.

Dans la polémique autour de «The Kashmir Files», l’un des aspects souvent mentionné par des spectateurs eux-mêmes, c’est la «maturité du public mauricien». A quoi mesurez-vous cette maturité ?
Si on censure ce type de film, zot pe dir dimounn ankor barbar dan Moris. Si on rejette un film en arguant que cela risque de provoquer telles ou telles réactions, on est en train de dire que le public n’est pas open kouma deor alors que tout cela est fini depuis au moins 40 ans, 50 ans.

Il n’y a qu’à voir les commentaires sur la page Facebook de MCiné : 99 % des commentaires viennent de gens de tous horizons qui critiquent le FCB pour avoir rejeté le film. Cela montre ce que le public souhaite.

Le plus déplorable dans toute cette histoire, c’est que dans le monde entier, le seul pays où ce film a été rejeté, c’est Maurice. Mon distributeur c’est Zee TV, ils m’ont dit qu’ils ont été choqués d’apprendre la décision initiale du FCB. Ils ont bien apprécié que le film obtienne par la suite le visa 18.

Dès le départ, il aurait fallu donner un visa 18 à «The Kashmir Files» ?
Définitivement. Je suis contre le rejet pur et simple d’un film. Dans la Notice of Appeal contre la décision du FCB, j’ai souligné qu’aucune raison n’avait été donnée pour justifier le rejet. S’il y a de la demande pour un film, il faut respecter cela. Kifer bizin pa zwe li ? Le film devait sortir le 11 mars. Le week-end dernier, nous avons été inondés de coups de téléphone de gens voulant savoir pourquoi ce film n’était pas diffusé.

J’ai tenu à faire appel de la décision du FCB pour ne pas créer un précédent. Si on avait laissé cela passer, cela n’aurait pas été bon pour les salles de cinéma.

Alors que le FCB avait rejeté le film, il circule déjà en ligne. Là-bas, il n’y a aucune censure. Cela montre que de jour en jour, les salles sont pénalisées. C’est de plus en plus difficile de survivre face à la compétition déloyale. Ou pa kapav blok nou me lot kote non. Les gérants de cinéma doivent investir, payer toutes sortes de taxes. Nous avons des employés. Nous devons respecter la jauge de 50 % de capacité. Nous devons suivre le protocole sanitaire alors que ceux qui téléchargent, souvent illégalement, n’ont pas toutes ces contraintes. Il leur suffit d’une connexion Internet.

Quelque part, on encourage le piratage. The Kashmir Files pour le moment n’est pas encore sorti en OTT (NdlR : service de contournement Over-the-top), mais il est déjà disponible dans les réseaux de films piratés.

La volte-face du FCB a-t-elle créé un engouement pour ce film en salles ?
Oui, plusieurs séances affichent complet. Pour moi importateur, tou film se film. Nous devons répondre à la demande des clients. Ki serti mo amenn enn film ki pena piblik ? Cela ne vaut pas la peine de l’importer à perte. Pendant combien de temps on peut faire des pertes ?

Vous affirmez ne pas connaître l’identité de ceux qui ont rejeté le film. Vous trouvez cela normal de protéger l’identité des censeurs ?
C’est l’un des points avancés dans l’appel de la décision du FCB. On sait juste que la veille de la sortie du film, on reçoit un mail disant que le film est rejeté et qu’on a dix jours pour faire appel. Sans dire qui sont ceux qui ont pris cette décision.

On aurait dû nous dire pourquoi le film a été rejeté et par qui ? Pour qu’on puisse se défendre si jamais il aurait fallu aller jusqu’en Cour suprême.

Vous ne savez pas non plus qui sont ceux qui ont accordé le visa 18 ?
Là, on n’a pas besoin de le savoir. C’était un panel indépendant.

Le ministre des Arts et du patrimoine culturel a déclaré que la décision initiale du FCB avait été prise selon des «paramètres et conditions prédéfinis». En tant qu’importateur connaissez-vous ces paramètres et conditions ?
Non. Les trois ou quatre personnes qui siègent sont les seuls à décider. Il faudrait des gens qualifiés dans ce domaine.