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Liza Gundowry, Miss World Mauritius: «Who said we had to choose between looks and books ?»

6 mars 2022, 20:00

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Liza Gundowry, Miss World Mauritius: «Who said we had to choose between looks and books ?»

Elle n’a pas rechigné quand Primerose Obeegadoo, la présidente du concours, lui a demandé de porter la couronne et l’écharpe Miss Mauritius durant l’interview. Mais ne vous fiez pas à son apparente docilité. Ne succombez surtout pas au charme de son sourire. Liza Gundowry, Miss World Mauritius, est une fonceuse. Une jeune femme qui sait ce qu’elle veut et où elle va. Détentrice d’une maîtrise en African Studies de la prestigieuse université d’Oxford, elle assume fièrement par exemple «sa» langue kreol bien qu’elle ait vécu en Angleterre depuis l’âge de 8 ans.

Vous avez accepté notre invitation bien que vous sachiez que dans ces colonnes, nous faisons passer une sale demi-heure aux interviewés qui sont généralement des politiciens. Vous n’êtes pas du genre à vous laisser intimider ?
Si, un peu. Mais moi je n’ai rien à me reprocher (elle éclate de rire) et donc ça va bien se passer.

Qu’est-ce qui pousse une jeune femme qui est occupée à soumettre sa thèse de maîtrise à l’université d’Oxford à participer à Miss Mauritius ?
En 2020, j’effectuais un stage dans une radio à Maurice. J’étais censée rester trois mois, mais à cause de la pandémie, mon séjour s’est prolongé. À cette époque, Toni-Ann Singh, la Miss World 2019, est venue à Maurice. On m’a affectée à la couverture de sa conférence de presse. Je me suis retrouvée en aparté avec elle, et elle s’intéressait à moi, à mes projets, mon profil. L’organisation Miss World et Toni-Ann Singh m’ont immédiatement encouragée à participer à Miss Mauritius.

Vous voulez nous dire qu’être Miss Mauritius n’était pas un rêve de jeune adolescente ?
Absolument pas. I never thought about it. Ça a vraiment commencé ce jour-là. L’idée a germé. J’en ai discuté avec la famille. Et on s’est dit, pourquoi pas ? Malheureusement il n’y a pas eu de concours en 2020. J’ai participé en 2021, et voilà le résultat.

«Un moyen de faire pression sur la GrandeBretagne pour que nous récupérions les Chagos, c’est une vraie campagne massive auprès des Anglais. Le citoyen britannique ne connaît toujours pas cette histoire.»

Nous vivons dans un monde, et surtout dans un pays, où règnent les préjugés et où les critiques sont faciles, voire dégradantes, contre les Miss. Vous saviez que vous alliez être «under scrutiny». Cela ne vous a pas fait peur ?
Cette vision d’une Miss just as a beauty pageant is outdated. On doit rester au fait de tout, se tenir informées, être engagées pour des causes.

Ce n’est pas le concours Miss Mauritius qui est outdated ?
Non. Ce qui m’a le plus motivée c’est le beauty with a purpose project (BWAP) qui est ouvert aux participantes de Miss World. (NdlR, un concours où les meilleurs projets sociaux des Miss du monde sont récompensés et financés). La seule porte pour moi vers BWAP, c’est Miss Mauritius et voilà pourquoi j’ai choisi ce concours au détriment des autres. Donc, avoir peur d’être surveillée pour son accent, ses fautes de prononciation, est une question qui ne se pose pas. Ce n’est pas ce qui fait ou défait une Miss. Les projets et ce que vous faites de ce titre sont plus importants.

Le fait que vous n’ayez pas suivi les concours précédents, que vous ne sachiez pas à quel point certaines Miss étaient devenues, à tort ou à raison, la risée des internautes, vous a rendue insouciante…
(On n’a pas fini notre question et elle rit encore). Je ne sais pas si j’ai le droit de dire ça. Disons que tout est arrivé à point nommé. Le concours a eu lieu juste après que j’ai soumis ma thèse de maîtrise sur la reconnaissance de la Mauricienne dans le succès démocratique du pays. J’avais du temps. Je cherchais un challenge où je pouvais me donner à fond et qui allait être un tremplin pour mes ambitions. Et celui-là était excitant, n’est-ce pas ?

«Ce serait tellement simple de donner le droit de vote à la diaspora.»

On vous l’accorde. Vous avez écrasé la compétition en remportant trois des titres préliminaires. Vous étiez favorite et votre victoire semble logique. Pourtant, vous avez pleuré quand c’est votre nom qui est sorti de l’enveloppe. C’était de véritables larmes ?
(Rires). Ce n’était pas de fausses larmes. Et je ne me considérais pas comme favorite. Ma famille bien sûr voulait que je gagne. Il y avait de sérieuses concurrentes. Le niveau était très élevé. Certaines concurrentes ont aussi remporté des concours préliminaires. Le titre ne m’était pas prédestiné, si c’est ce que vous croyez. Je ne peux pas décrire ce sentiment. Disons que c’était le couronnement because I worked really, really hard. La robe de soirée de la finale, je l’ai portée la veille jusqu’à 2 heures du matin dans ma chambre d’hôtel. Je marchais avec. Je me suis littéralement entraînée. J’ai tout donné. Ces larmes étaient aussi pour ma famille qui m’a donné tant d’amour et de passion durant cette épopée. Ma maman, qui est avec moi partout depuis octobre. Mon père, qui m’a fait une surprise et qui est venu me voir. Mon frère aussi. Donc voilà pourquoi j’ai pleuré.

Vous avez quitté Maurice en 2005. Vous aviez 8 ans. Vous viviez à Sainte-Croix. Comment va le quartier aujourd’hui ?
J’en suis très attristée. Sainte-Croix regorge d’artistes et de musiciens. Quand j’ai quitté Maurice, je n’étais qu’une enfant mais je crois me souvenir d’un quartier solidaire où il régnait a strong sense of community mais à mon retour, je note une absence totale de direction.

C’est vrai qu’à 7-8 ans, je n’étais pas vraiment une enfant du quartier. Mes parents m’avaient inscrite à plein d’activités comme des cours de musique au conservatoire François-Mitterand, donc je ne passais pas vraiment de temps avec le voisinage. Mais j’y ai vécu assez longtemps pour me rappeler des visages. Je reconnais certains qui, aujourd’hui, semblent être des consommateurs de drogue et je me dis, «je me rappelle de lui», et cela m’attriste car ce n’était pas, et ce ne sont pas de mauvaises personnes. Je sens aussi que le quartier s’est appauvri. J’ai l’impression qu’il n’y a pas de role models. Je ne suis pas en train de vous parler des influenceurs ou influenceuses Instagram, ni des influences occidentales, mais vraiment de jeunes Mauriciens avec des valeurs fortes.

Ils existent. C’est juste qu’ils sont étouffés par un système qui mène les jeunes et le pays vers sa perte. Vous n’êtes pas d’accord ?
Je ne suis peut-être pas aussi présente et pas encore engagée au point de le savoir. J’étais occupée à étudier. Mais j’ai eu quand même le temps de m’intéresser à la démocratie mauricienne. Ma thèse de maîtrise parle du «miracle» mauricien, du point de vue de la femme.

«À UCL, le ‘kreol’ m’a donné un avantage concurrentiel sur les autres candidats à la licence en langues modernes.»

C’est un regard critique, ou bien vous faites les éloges du pays ?
C’est un regard critique. Je démontre à quel point le pays n’a pas reconnu la contribution de la femme dans le succès démocratique mauricien. Des champs de canne en passant par la zone franche et les usines dans les années 70-80, le rôle de la mère au foyer qui participe à sa façon dans l’économie, la femme entrepreneure, la femme dans le tourisme, dans le secteur éducatif. Le faible pourcentage de femmes à l’Assemblée nationale, dans les conseils d’administration, l’absence de salaire équitable homme-femme ; ma thèse est chiffrée et critique. Je montre les barrières politiques et sociales qui se dressent en face de la Mauricienne.

L’éducation, c’est un de vos sujets préférés et c’est un des thèmes que vous avez abordés lors de la finale de Miss Mauritius. Auriez-vous été la même personne et connu la même réussite académique si vous étiez restée ?
Je ne sais pas. C’est une question qui part d’une supposition. J’ai reçu une bonne éducation à Maurice, et je n’ai pas envie de la renier en réponse à une question qui commence par «si». La vraie chance que j’ai eue, c’est celle d’avoir toujours été encadrée par mes parents. Que ce soit à Maurice ou en Angleterre. Ici, ils voulaient que je sois lauréate. Si je l’avais été, je serai allée à Oxford. Est-ce que ce serait arrivé ? Cela aurait dépendu de mes fréquentations, de ma rigueur.

Être Miss, c’est quand même mieux qu’être lauréate non ? Des lauréats, il y en a une cinquantaine, il n’y a qu’une seule Miss Mauritius.
(Éclats de rire). Exactly. Exactly… But… (Subitement ses yeux brillent, elle lève le doigt pour montrer qu’elle va dire quelque chose d’important). Why not both ? C’est un stéréotype qui nous pousse à choisir entre la beauté et l’éducation. Dans Matilda, le film inspiré du livre de Roald Dahl, il y a une scène où une femme dit : «You chose books, I chose looks». Cette scène m’a toujours rendue un peu inconfortable parce qu’on peut choisir les deux, n’est-ce pas ? Mo kapav Miss ek resi mo lédikasyon, non ?

Une Miss Mauritius détentrice d’une licence en langues modernes, et d’une maîtrise en «African Studies» d’Oxford, ça parle toujours kreol ?
Wi. Mo koz kreol. Je n’ai jamais coupé les ponts avec la musique, la langue, la culture de mon pays. Je parle kreol à la maison avec mes parents. J’ai vu des gens débattre de l’utilité du kreol à l’international. Vous savez qu’à UCL, où j’ai obtenu ma licence en Langues modernes, le kreol m’a donné un gros avantage concurrentiel sur les autres ? Ma connaissance du kreol m’a permis de maîtriser des textes d’Haïti et de Ste.-Lucie et dans les modules de Black History, c’est grâce au kreol que j’ai obtenu d’excellentes notes. Les Britanniques et les étudiants d’autres nationalités ont vraiment eu du mal à s’en sortir, car vous imaginez qu’il n’y a pas de véritable dictionnaire de traduction kreol-anglais.

Votre mère a travaillé comme journaliste à Maurice pendant de longues années. Elle s’est ensuite engagée auprès de la communauté chagossienne en Angleterre. Leur adaptation a fait l’objet de sa thèse doctorale. Vous vous y êtes intéressée aussi ?
J’ai accompagné ma maman sur le terrain. J’ai assisté et participé à de nombreux lectures. J’étais aux funérailles de Charlesia. Je me suis retrouvée à être, je le dis sans prétention, un peu leur porte-parole. Dans toutes les universités où j’ai été, j’ai raconté leur histoire. Au Mexique j’ai étudié les relations internationales, et le dossier chagossien est lié aux relations internationales, j’en ai parlé. Ils étaient tous surpris.

Maurice a épuisé quasiment tous les recours légaux pour récupérer l’archipel, mais la Grande-Bretagne fait régner la loi du plus fort et ne respecte pas le droit et les jugements internationaux. Qu’en pense Miss Mauritius qui vit en Angleterre : peut-on toujours récupérer nos terres ou bien c’est mort ?
Je ne pense pas que la Grande-Bretagne nous ignore parce qu’elle est puissante. C’est juste qu’on n’en parle pas assez. Vous n’imaginez pas le nombre de Britanniques qui ne connaissent pas l’histoire du vol de ces terres, celle des Chagossiens déportés. Tous les Britanniques à qui je raconte cette histoire et qui la découvrent sont en faveur du retour de ces terres à Maurice, car elles nous appartiennent. C’est juste que les médias britanniques n’en parlent pas, comme on le fait ici à Maurice. Not many people know about it. Si on faisait une énorme campagne de sensibilisation, avec un hashtag aussi fort que viral, on peut y arriver.

Qu’est-ce cela changerait ? Les Britanniques font fi des Nations unies, du Tribunal international du droit de la mer. Comme le dit Eminem, They just don’t give a F…
Le but serait de créer an outrage. Essayez. Faites de sorte que tous les Anglais prennent connaissance de cette injustice. Qu’ils signent des pétitions. Les Britanniques ne descendent certes pas dans les rues aussi promptement que les Français, mais les politiques se plient à la pression populaire quand elle est savamment exercée.

Ça pourrait être votre engagement, ou bien vous ne pouvez pas soutenir des causes politiques ?
Ça se pourrait. Mais il y a aussi la relance du tourisme qui est importante après le Covid qui nous a frappés. Il faudra que je représente Maurice partout et que j’en fasse la promotion. Ce sera ma priorité.

Vous viendrez pour voter en 2024 ?
Je n’ai jamais voté à Maurice. J’espère pouvoir venir. Je veux venir. Mais ce serait tellement plus simple que le vote soit ouvert à la diaspora mauricienne. Tous les pays développés le font.

Quels devraient être les thèmes centraux de la campagne de 2024 du point de vue d’une jeune professionnelle qui sera alors âgée de 26 ans ?
The ageing politicians and the ageing politics. C’est un phénomène mondial. Il faudrait encourager les jeunes à se lancer. Autre thème qui devrait absolument être abordé, c’est la santé mentale. C’est un vrai problème post-Covid après que les enfants n’ont pas été à l’école, que les jeunes n’ont pas pu se rassembler pour faire la fête, pour décompresser, les middle-aged sont aussi stressés. C’est une priorité.

Le stress est souvent lié à la situation financière…
You’re right. Money is being centralized. People are not getting access to what they’re used to. Il faut tout réévaluer. The end goal is money of course, but countries have to give fair and equal opportunities so that young people, I stress on young people, get access to education and prosperous careers.

Votre CV va bientôt intéresser les vieux loups de la politique mauricienne…
Ah non. Je ne veux pas. Je veux me consacrer à l’Afrique continentale. Je veux travailler à la résolution des conflits. 80 % des conflits du monde se concentrent en Afrique et en Asie. Pour que l’Afrique – dont fait partie Maurice – prospère et qu’elle profite vraiment de sa taille et de ses ressources naturelles et humaines, il faut changer cette statistique. Le développement n’est pas durable si vos voisins s’entretuent, n’est-ce pas ?

C’est aussi un engagement politique…
I guess…

Sinon, vous allez faire enlever de YouTube la vidéo d’une correspondance que vous avez faite pendant que vous étiez en stage dans une radio mauricienne, parce qu’à un moment vous y perdez le fil de vos pensées…
Vous avez vu cette vidéo ? C’était sur le Wakashio, n’est-ce pas ? Mon Dieu, c’était ma toute première fois. (Elle rit entre chaque phrase) Je ne savais pas que ça allait être en vidéo. Je sortais de la douche. J’avais les cheveux trempés. Je n’avais jamais eu de formation. C’était une catastrophe !

Vous l’enlevez ou vous assumez ?
Bien sûr que j’assume. Dès le 1er jour, j’avais dit sur Instagram que je reviendrai pour rire de cette vidéo. C’est fait maintenant. It’s okay to make mistakes. It’s okay to be imperfect. I’m open to it.