Publicité

Rama Valayden: «Si Pravind Jugnauth est réélu, ce sera la faute à Bérenger et Ramgoolam»

27 février 2022, 18:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Rama Valayden: «Si Pravind Jugnauth est réélu, ce sera la faute à Bérenger et Ramgoolam»

Il dit avoir vu la mort en face. À peine remis d’une forme sévère du Covid-19, Rama Valayden reprend lentement du poil de la bête. Il n’y va pas par quatre chemins et dénonce «l’erreur» que commettent Bérenger et Ramgoolam en discutant du poste de Premier ministre. Quelle sera sa posture aux prochaines échéances électorales ? Pourquoi est-il tant déterminé contre Jugnauth… et Lee Shim ? Et le cannabis, on en parle ou pas cette fois ?

Cet entretien devait se faire il y a deux semaines, mais vous avez contracté le Covid-19. Vous vous en êtes remis ?
J’ai eu une forme sévère de la maladie. Je ne dis pas ça pour faire rire, mais j’étais, comme le dit l’expression populaire, «entre tes mains». Si ce n’était le soutien de Taslima (NdlR : son épouse) qui s’est occupée de moi comme d’un bébé, j’y serai passé. Sérieusement, j’en étais arrivé au point d’avoir des hallucinations et de voir des connaissances décédées. On rit de ceux qui disent cela après être arrivés au seuil de la mort, mais finalement, c’est vrai.

La détermination de botter Pravind Jugnauth hors du pouvoir a contribué à vous garder en vie ?
«Botter» est un faible mot. Il y a aussi la détermination à être au service de la population et de ma famille. J’ai une fille de 10 ans, et j’ai le devoir de la faire hériter d’un pays meilleur. Il faut extirper, non seulement Pravind Jugnauth, mais également la «mentalité Jugnauth» du pays. C’est une mentalité de jouisseurs, de chatwa, d’accapareurs, de mafia, d’assassinat, de Lakiwizinn, de complot autour des contrats publics. Oui, j’ai cette volonté. Elle est dans ma fibre, dans mon ADN. Ce qui me chagrine, c’est que Pravind Jugnauth est relativement jeune. Aujourd’hui, alors que nous vivons des moments difficiles avec le Covid-19 et ses répercussions économiques, Pravind Jugnauth en rajoute en s’attaquant à la liberté et à la démocratie. Voyez ce qui se passe en Ukraine. J’en parle parce qu’ici nous avons un mini-Poutine.

Vous trouvez des points communs entre le gouvernement MSM et le gouvernement Poutine ?
Prenez par exemple la tonalité de la voix. À les entendre, ce sont des anges. Mais derrière leur masque d’hommes calmes se dressent des personnages placides et dominants qui contrôlent tout à tous les niveaux et des actions criminelles. Le prix du baril de pétrole va prendre l’ascenseur avec l’invasion russe en Ukraine. Pravind va-t-il enlever les taxes sur le litre d’essence pour que la population respire ? Il ne se soucie pas du peuple lui.

«J’ai dit à mon ami Roshi de quitter l’Espoir. Il n’a pas sa place là-bas.»

Pendant un temps, on disait plutôt le contraire de Pravind Jugnauth non ? «Un homme tellement doux dont l’absence de fermeté fait de lui un chef faible.» Certains disaient : «Lui, il est bien, mais c’est son équipe qui abuse de sa gentillesse.» C’était une analyse erronée ?
J’avais dès le départ dit qu’il ne fallait pas sous-estimer Pravind Jugnauth. À l’époque je n’étais pas très actif en politique et c’est une opinion que je partageais avec mes amis. Pouvez-vous me donner le nom de quelqu’un qui l’a quitté ? (Long silence, il nous regarde droit dans les yeux et attend notre réponse).

Roshi Bhadain!
Roshi est quelqu’un de spécial. À part lui ? Vous avez vu quelqu’un quitter Pravind Jugnauth et venir le critiquer sur la place publique ? Pravind Jugnauth achète tout le monde avec l’argent, les menaces ou d’autres moyens. Il achète le silence de tous.

Peut-être que sa troupe reste avec lui parce que finalement c’est peut-être lui le grand et vrai rassembleur ?
Si ce que vous dites est vrai on aurait vu une nation grandie et unifiée avec le passage du Covid-19. Pravind Jugnauth a fait tout le contraire parce qu’il est un accapareur du pouvoir. Ne pensez-vous pas que le gouvernement s’est frotté les mains en voyant le Covid arriver ? Ils ont pensé à leurs propres poches. Le Covid-19 a provoqué des actes de corruption de très haut niveau. Regardez les démissions au MMM. Certains dans l’opposition même s’en réjouissent. Or, il faut voir la cause, et selon moi, le MSM est en train d’acheter des âmes. Les marchandises sont déjà dan bazar. Tout n’est qu’une question de prix à présent. Aujourd’hui les «acheteurs» ciblent le MMM, demain ce sera le PTr, puis ceux qui me sont proches, puis ceux dans ce regroupement des forces extra-parlementaires.

Venons-y justement. Quel sera l’écosystème politique en 2024 ? Pour nous, cela commence à être un peu confus, avec le PTr qui est presque en alliance avec l’Espoir, puis les «Avengers» et la société civile d’un autre côté…
Dans l’opposition, les primaires arrivent avec les municipales. Ce sont des élections importantes d’abord d’un point de vue démocratique, particulièrement pour ceux qui comme moi estiment que les collectivités locales devraient avoir plus de pou- voir et d’autonomie. D’un point de vue politique, il est important que les forces extraparlementaires se rallient. Ces forces auront un poids considérable à ces prochaines élections. Le rôle des Avengers est de rassembler et d’unir l’opposition pour extirper et botter hors du pouvoir ceux qui sont responsables – et j’assume mes propos – de la mort de Kistnen, de Kanakiah (procurement officer dont le corps a été retrouvé à Gris-Gris), Mooniaruth (fonctionnaire de la Santé tombée du 15e étage de l’Emmanuel Anquetil Building).

Quand vous dites «primaires», vous voulez dire «primaires» pour que cette opposition se choisisse un leader ?
La notion du leader est dépassée. Cet homme soi-disant charismatique, qui sait tout, qui décide tout, qui maîtrise tout, ne doit plus exister et on doit en finir avec.

Vous voyez Bérenger et Ramgoolam, qui négocient une alliance, vouloir en finir avec ça ?
Ces deux-là effectivement ont commencé à se rencontrer et à discuter. Leur seul sujet de conversation c’est : qui sera Premier ministre, pendant combien de temps, le partage des pouvoirs, etc.

Et vous n’êtes pas d’accord?
Bien sûr que je ne suis pas d’accord. Car «qui sera PM» ne peut pas être le thème central. C’est pour cela que je dis à mon ami Roshi qu’il n’a pas sa place là-bas. Li bizin kit zot o pli vit. Bérenger et Ramgoolam doivent partir pour permettre au pays de s’oxygéner. L’oxymètre politique de- mande que ces deux-là s’écartent. Je leur demande, sans haine et sans colère, de se retirer, quitte à être le mentor de leur parti. Ils n’ont pas à se soucier des leaders qui vont suivre. Ce nouvel écosystème, pour reprendre votre propos, permettra un grand rassemblement de l’opposition autour de grandes idées, des engagements et des réformes concrets. Cela nous permettra d’en finir avec le règne des Jugnauth. Sans Ramgoolam, sans Bérenger, sans Jugnauth, le pays sera libre de prendre une autre voie.

Et s’ils restent ? Vous allez les combattre avec un futur front politique ?
Ce front politique existe et il sera lancé dans les prochaines semaines. Mais il nous faudra rassembler encore et regrouper autour des grands thèmes et enjeux tels que la démocratie économique, la solidarité. Un grand chantier se dresse devant nous. Il y a des cashless reforms qui peuvent déverrouiller notre manière de penser.

Ce front politique présentera des candidats aux municipales peu importe la configuration politique ?
S’il y a un arrangement et que Bérenger et Ramgoolam se soient écartés, cela change tout. C’est ce que je ressens dans le vœu de l’électorat.

Mais Bérenger ne vous porte pas forcément dans son cœur…
Bérenger ne doit pas avoir un regard de chef de tribu. C’est au tribun que je m’adresse. Quel sera son testament politique ? Quel sera celui de Ramgoolam? Ne vont-ils rien faire pour nous sortir de ce système qui est déjà noyauté ?

Cette multiplicité d’adversaires avec, entre autres, le groupe Valayden, fait le jeu de Pravind Jugnauth non?
C’est pour cela que je demande à Bérenger et Ramgoolam de se sacrifier. Aussi longtemps qu’ils seront là, les potentiels leaders du MMM et du PTr ne vont pas émerger. Il y a beaucoup de personnes au sein de ces deux partis qui peuvent aspirer au leadership. Pourquoi cela ne se fait pas maintenant ? Pourquoi après ? Pourquoi Ramgoolam va-t-il partir dans trois ans ? Pourquoi pas maintenant ? Quelle est la différence ? Je le dis respectueusement. Si vous faites une analyse scientifique du PTr, vous trouverez qu’une de ses seules faiblesses, c’est Na- vin Ramgoolam. Ceux qui adulent Ramgoolam et qui croient faire le jeu de Ramgoolam au sein du PTr sont en train de faire le jeu de Jugnauth.

«Sans ce que vous qualifiez ‘’d’alarmisme démesuré’’ la mort de Kistnen aurait été classée comme un suicide.»

Vous irez jusqu’à dire….
(Il nous interrompt) Attendez. Permettez-moi juste de vous corriger. Il n’y a pas de «groupe Valayden». C’est ce qui est précisément mauvais. Que je sois apprécié ou détesté pour diverses raisons, je le conçois. Mais aimer et aduler une personne politiquement, c’est dangereux. C’est contre le principe de la démocratie. Je ne dirige aucun groupe. Je participe à un rassemblement d’idées.

Vous irez jusqu’à dire que si Pravind Jugnauth est réélu ce sera la faute à Bérenger et Ramgoolam?
Oui. Et vous pouvez l’écrire. C’est exactement cela. Il suffit d’écouter ceux que vous rencontrez. Moi j’entends: ni Navin, ni Pravind, ni «Polo». Certains croient même que j’ai un faible pour Navin. Mais non. En même temps, ceux que j’entends ne rejettent pas le PTr, mais ils lui demandent gentiment de s’écarter. Je ne donne pas des leçons aux travaillistes sur la gestion de leur parti, mais je me fais simplement le porte-voix de ceux que j’entends.

La politique mauricienne a toujours vécu au rythme des grands leaders dits charismatiques et un poste de PM soi-disant réservé à une caste d’une communauté…
Non, le pays a évolué. J’ai animé une réunion dans le Sud avec ceux qui vivent des cressonnières et leurs familles. Vous allez halluciner en écoutant les jeunes qui ont pris la parole. Ils ont 50 ans d’avance sur le pays et les leaders politiques actuels. Ils nous parlent du changement profond qu’a connu leur village en termes de métissage culturel, culinaire, vestimentaire, marital.

Vous ne notez pas au contraire un repli ethnique ces jours-ci ?
Cette perception est semée par les partis traditionnels qui sentent bien que le terrain glisse pour eux. C’est leur position de repli et cela précède la décomposition des forces traditionnelles. C’est une montée uniquement en apparence que brandissent une toute petite poignée d’extrémistes. Ce n’est pas l’île Maurice profonde. Mercredi un groupe d’habitants de Plaine-Verte m’a demandé de me porter candidat dans leur circonscription.

C’est donc là-bas que vous serez candidat aux prochaines élections générales ?
Je n’ai aucun problème à être candidat à Plaine-Verte ou à Triolet ou ailleurs. Ce n’est pas moi qui décide, sinon ce serait l’autocratie. Ce sera une décision collective de la force politique qui est en train de naître. Le seul critère qui ne comptera pas, c’est le critère raciste, communal, religieux et castéiste. Nous allons privilégier ceux qui connaissent ces régions, les habitants et leurs problèmes. Notre équipe doit absolument gagner les élections municipales.

Il faudra battre le PTr, le MMM, le PMSD, le MSM et les autres…
Nous allons écraser le MSM dans certaines régions malgré le pouvoir de l’argent. Mais s’il y a une alliance MMM-PTr qui essaie de nous combattre, j’espère qu’ils n’entreront pas dans le piège de tomber dans l’abattage mais qu’ils privilégient le débat d’idées. La fraîcheur des idées et la jeunesse, ce sera chez nous! Nous n’allons pas faire de tapaz avec des attaques sous la ceinture.

Parce qu’en 2024 vous serez ensemble ?
Si les deux leaders s’évincent, probablement. Il faudra faire des concessions. C’est comme dans les relations entre la belle-mère et la bru, ou le beau-père et le gendre. Les beaux-parents auraient toujours souhaité un meilleur époux ou épouse pour leur fils ou leur fille. Mais entre le souhaitable et le réalisable, il y a un fossé.

«La nouvelle génération de politiciens doit arrêter l’hypocrisie sur le cannabis récréatif.»

Vous avez analysé le PTr, mais quand on vous analyse, on peut vous reprocher de faire preuve d’un alarmisme démesuré. Votre ami Marcelin Humbert meurt dans un accident, et vous criez au «foul play». Avec vous, c’est toujours le «foul play» d’abord.
Non pas toujours. Il faut être juste. Dans le cas de Marcelin, c’est parce que c’était à lui que j’avais confié une partie précise de l’enquête sur Kistnen. Quelques minutes avant de mourir, il a appelé son mécanicien pour lui dire que les freins de sa moto étaient instables. Que voulez-vous que je vous dise ? Je ne suis certainement pas en train d’accuser le conducteur du véhicule qu’il a percuté. Que voulez-vous que je dise s’il arrive quelque chose à mon ami Teeluckdharry (NdlR : confrère avocat) ? Je dois d’abord privilégier la thèse criminelle. Manan Fakoo faisait aussi partie de ceux qui me refilaient des infos sur certains milieux. Voyons le cas de Cangayen Pillay. Il enquêtait sur la mort de Kanakiah et c’est une bien étrange coïncidence...

Cangayen Pillay est mort dans son lit au milieu de la nuit…
Non, il est mort à l’hôpital. Les Mauriciens sont en train de sous-estimer la capacité de certains à tuer pour sauver leur peau. Je suis un pénaliste et je ne vais pas brandir des soupçons d’assassinat comme ça out of the blue. Sans ce que vous qualifiez «d’alarmisme», la mort de Kistnen aurait été classée comme un suicide. La ousi alarmism mem? Quand j’avais dit que je craignais que Rodrigues ne soit victime du Covid-19 en janvier, c’est arrivé ? La ousi alarmism mem ? Quand je dis que Lee Shim accapare tout, c’est arrivé. La ousi alarmism mem?

Attendez. Vous parlez de Lee Shim. Il n’a pas été établi qu’il a acheté 60 chevaux au Champ de Mars tel que vous le prétendez. Et dans une édition de son journal, il vous présente de manière assez dégradante…
(Il hoche la tête.) Ce n’est pas la première fois…

Et il vous accuse d’avoir reçu vos informations d’un email envoyé du MTC…
Voyez la date des e-mails et voyez quand j’ai formulé cette accusation. C’est comme vous avec le journalisme d’investigation. Vous cherchez constamment de nouvelles sources et de nouvelles informations. Avant que Lee Shim ne commence à construire son hippodrome qui va remplacer le Champ de Mars, je l’ai dit et cela s’est avéré.

Vous parlez du Goulet ? Mais c’est un centre d’entraînement.
Non ce ne sera pas uniquement un centre d’entraînement. Vous verrez.

Que reprochez-vous à Jean Michel Lee Shim? Qu’il finance le MSM? Mais il a aussi financé le PTr…
Certes, il a financé le PTr. Mais aujourd’hui il est un maillon important de l’extraction des ressources financières du pouvoir pour financer les élections dans certaines circonscriptions en achetant des gens. Li asté dimounn.

Roshi Bhadain le dit, vous aussi. Mais tout cela n’est pas prouvé.
Est-ce qu’il y a eu des enquêtes des autorités ? Est-ce que Pravind Jugnauth va de- mander à la FIU d’enquêter sur Lee Shim ? Sur la propriété des chevaux, est-ce que la MRA qui est à mes trousses ces jours-ci a mené une enquête de fourmi ?

On raconte que votre différend avec Lee Shim trouve ses racines auprès de votre épouse qui est aussi propriétaire de chevaux...
Mon épouse n’est pas propriétaire de chevaux in toto. Elle possède des parts de propriété dans deux ou trois chevaux. Contrairement aux propriétaires prête-noms qui n’ont jamais vu «leurs» chevaux à l’entraînement ou à l’écurie, elle voue un amour fou à ces animaux. Elle n’est pas propriétaire pour du business, pour arranger les courses, pour contrôler le Champ de Mars, ou la nourriture des chevaux. J’ai vu de mes yeux comment le cheval Ghost Dog a voulu qu’elle sorte de l’écurie pour mourir après que Taslima a passé toute la nuit à son chevet. Donc il ne faut pas noyer le poisson avec des amalgames ridicules. Dans le journal de Lee Shim, il ne s’attaque qu’à Roshi et à moi; Roshi et Rama, les deux R.

Vous allez le poursuivre ?
Je n’en avais pas l’intention. Mais j’ai envie de démontrer que nous avons raison dans ce que j’appelle «les affaires Lee Shim». En passant, à qui Jugnauth compte-t-il confier la culture, le process, les laboratoires de la prochaine industrie du cannabis médical ? Quand le contrat sera alloué, j’espère que Jugnauth ne sera pas là. Mais s’il est là, marké gardé, lékours la inn fini triké. Ce sera Jean-Michel Lee Shim ou une des compagnies qu’il dirige qui gagnera cette course truquée.

Vous avez abordé la question du cannabis médical, et je dois aborder le cannabis récréatif avec vous. Le combat de votre ancien Mouvement Républicain en 1999 s’est mal terminé. Alors que nous venons de commémorer la mort de Kaya, vous prenez la responsabilité de ce mauvais départ ?
Les mauvaises langues disent qu’on n’aurait pas dû faire comme ça. «Nous, on aurait gagné le combat si on avait fait autre chose.» Il faut arrêter de mentir. Il faut d’abord saluer le courage de notre combat. Il y avait derrière ce combat, l’association des juristes mauriciens qui avait apporté une réflexion sur les libertés, la démocratie et un des sujets était le cannabis. Personne n’en parle. Ceux qui savent font semblant d’avoir oublié. Le concert a été organisé pour provoquer une réflexion publique sur la drogue avec le danger du VIH à l’époque et les seringues d’utilisateurs d’héroïne. Ça aussi, certains prétendent avoir oublié. Nous avons mis le débat sur la place publique avec un concert. La musique, c’est quoi ? C’est avant tout le message de l’amour. Ce qui est arrivé par la suite, c’est une répression de l’État contre ceux qui étaient au concert avec la suite dramatique que l’on connaît.

On reprendra rendez-vous pour parler de 1999. Derrière vous, il y a la feuille d’érable symbole du Canada qui a légalisé le cannabis récréatif. Cela peut être d’actualité à Maurice après les événements de 1999 ?
Oui. Il ne faut pas avoir peur. Il ne faut pas avoir honte. Et il ne faut pas être hypocrite. Les familles sont conscientes que leurs enfants souffrent avec la drogue synthétique. Pour mettre un frein aux ravages du synthé, le cannabis fait partie de la solution. Il faut absolument dépénaliser. Les consommateurs se retrouvent toujours en prison et ce n’est pas possible. Certains s’adonnent à un trafic, d’autres mettent leur vie en danger en prenant des bateaux pour aller chercher la marchandise à La Réunion pour le compte des gro palto qui ne se font jamais prendre. Le gandia coûte plus cher que l’héroïne et le synthé. On pousse les jeunes à aller vers le synthétique. On est en train de brûler toute une génération. Le pouvoir en place en est bien conscient. Tous les pouvoirs en ont été conscients. Mais ils ont peur de ce que dira l’électorat. La politique demande du courage et de dire la vérité en face. Il faut aujourd’hui remplacer la canne à sucre par le cannabis. On en fera des vêtements, des médicaments, des produits de beauté, des sacs, et on va générer des milliards. C’est cela être visionnaire et ne pas être hypocritement cloîtré dans notre ti-lespri.

Dans tous les milieux il y a des fumeurs mais personne ne veut soutenir le combat.
Les grands pays développés, l’Allemagne notamment, prennent cette direction. La France est un des rares à être en recul à cause du lobby du vin. L’hypocrisie mauricienne est très forte, et cela dans tous les domaines. Cela va du gandia aux relations sexuelles en passant par le communalisme, sans oublier la pratique religieuse ou encore sa ki dimounn manzé. Certains qui brandissent les mœurs comme un argument de campagne s’adonnent à toutes sortes de pratiques quand ils sont à l’étranger. Cette hypocrisie est peut-être plus évidente quand il s’agit du gandia. Tou dimounn koné ki éna fimér dans le judiciaire, chez des avocats, avocates, à l’Université de Maurice, dans les centres d’appel, dans les ministères, parmi ceux et celles qui écrivent, les artistes. Cette hypocrisie est incroyable. Ce combat aurait dû avoir été remporté il y a longtemps. Vous vous rendez compte que le gandia est devenu un produit de très grand luxe aujourd’hui ? Au profit de qui ? Au détriment de qui ? La nouvelle génération de politiciens doit assumer ses responsabilités.

Un dernier sujet qui vous tient à cœur : les Chagos. Le drapeau mauricien y flotte. Vous accordez le crédit à Pravind Jugnauth ?
Oui, volontiers. Mais je demande à voir la suite. Je pense que la solution peut venir plus des États Unis que de la Grande-Bretagne.

Je vous demande de choisir entre le «statu quo» sur les Chagos, ou bien une souveraineté mauricienne retrouvée avec cependant des hôtels de Lee Shim et de Bissoon Mungroo sur Diego, Peros Banhos, et Salomon, vous choisissez quel scénario ?
La souveraineté mauricienne. Les Lee Shim et les Mungroo on pourra les mettre dehors, ou si vous préférez votre mot: les botter…