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Profitabilité des hôtels: cette tendance est-elle basée sur des fondamentaux solides ?

17 février 2022, 20:30

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Profitabilité des hôtels: cette tendance est-elle basée sur des fondamentaux solides ?

2022 commence bien pour l’hôtellerie, certains groupes renouant avec la profitabilité depuis fin 2021 avec le retour des touristes. Or, les performances restent en dessous du niveau pré-Covid et entre-temps, les dettes se sont accumulées. Ces profits nets affichés reposent-ils sur des bases solides ou est-ce la dépréciation de la roupie qui aide à gonfler les recettes ? Le reste de l’année sera-t-il toujours de bon augure pour le secteur ? Enfin, cette refonte de notre stratégie et de notre offre estelle de mise ? Voyons cela de plus près.

La réouverture des frontières aura vraiment marqué le coup d’envoi de la reprise du tourisme local avec 65 922 arrivées en novembre 2021, puis 49 964 en décembre dernier, selon les chiffres de la banque centrale. Tout aussi encourageant, Statistics Mauritius dénombre quelque 40 028 touristes pour le mois de janvier 2022. Cette reprise, la trésorerie des hôtels commence à la ressentir, avec, à titre d’exemple, Lux Island Resorts (LIR) qui affiche des profits après impôt de plus de Rs 400 millions pour le trimestre se terminant au 31 décembre 2021 et le groupe New Mauritius Hotels (NMH) qui montre des profits d’environ Rs 550 millions pour le 2e trimestre de l’année financière 2022, soit du 1er octobre jusqu’au 31décembre 2021.

Or, attention, ces recettes sont en roupies et non en devises étrangères, et il ne faut pas négliger l’impact de la roupie sévèrement dépréciée, le dollar se vendant à plus de Rs 40 depuis décembre 2020, sur les recettes affichées. Il faut aussi placer dans le contexte que l’hôtellerie est un segment du tourisme croulant sous les dettes.

Après de grosses pertes

«Il faut savoir que ce trimestre de profits arrive après de grosses pertes, puisque NMH avait affiché des pertes de près de Rs 750 millions au 1er trimestre de 2021, soit du 1er juillet au 30 septembre. Par conséquent, les pertes au terme du 1er semestre, donc du 1er juillet au 31 décembre 2021 de l’exercice 2022, s’élèvent à plus de Rs 200 millions. Mais le tourisme reprend des couleurs, même si nous avons été affectés par la fermeture des frontières avec l’Afrique du Sud et la classification de Maurice en rouge écarlate. Le Government Wage Assistance Scheme nous a permis de réduire partiellement les pertes pour le semestre et, comme toujours, le marché local a contribué à une partie des recettes. Néanmoins, la très grande majorité des revenus provient de nos marchés étrangers», explique Pauline Seeyave, Chief Financial Officer de Beachcomber Resorts & Hotels.

Pour le mois de janvier, l’on compte 11 180 touristes en provenance de France, 5 340 arrivées du RoyaumeUni, 4 386 touristes allemands et 1 883 touristes sud-africains. Cependant, la situation reste encore incertaine pour l’avenir, la pandémie et ses nouveaux variants étant toujours un problème affectant les voyages.

Quid des recettes touristiques ? Selon les chiffres compilés par la BoM, le pays a reçu environ Rs 4 milliards de recettes touristiques en octobre 2021 et près de Rs 5 milliards en novembre 2021, encore une fois, ces chiffres étant sujets à la dépréciation de la roupie.

«La dépréciation de la roupie par rapport à l’euro et à la livre sterling a certainement permis à NMH et à l’industrie hôtelière mauricienne de dégager plus de recettes en roupies pour les mêmes prix de vente en euro et en livre sterling. Même s’il est parfaitement vrai de dire que la dépréciation aide au niveau des revenus, elle a cependant un impact négatif sur nos coûts, qui sont influencés en grande partie par les devises étrangères», avance Pauline Seeyave. En effet, il ne faut pas négliger le fait que tous les produits F&B (Food & Beverages) utilisés par les hôtels proviennent finalement de l’importation, transaction qui coûte plus cher au pays suivant l’impact du glissement de la roupie.

Recettes touristiques

Autre facteur à tenir en ligne de compte : la dette qui approchait les Rs 15 milliards pour l’hôtellerie à la suite des 18 mois d’inactivité. L’aide de la Mauritius Investment Corporation (MIC) n’est pas en reste. Dans le cas de NMH, la somme approuvée par la MIC est de l’ordre de Rs 2,5 milliards, pour Rs 1,5 milliard de déboursées à juin 2021.

Du côté de LIR, des Rs 920 millions approuvées, Rs 750 millions ont été déboursées à juin 2021. «Il est encore trop tôt pour prévoir ce qui se passera au cours des prochains mois, étant donné la volatilité de la situation. Les profits d’un trimestre ne signifient pas nécessairement des profits continus pour les trimestres à venir, surtout que nous nous approchons de la basse saison. Aussi, il est extrêmement important pour l’industrie hôtelière et NMH de réaliser des profits au cours des prochaines années, afin de nous permettre de rembourser des dettes importantes, contractées auprès des banques commerciales et plus récemment auprès de la MIC. Comme vous le savez, nous avons récemment reçu une aide importante de la MIC, sous forme de dettes remboursables, ce qui implique, d’une part, des intérêts à payer chaque trimestre et d’autre part, le remboursement du prêt», explique Pauline Seeyave. Nous avons aussi essayé de contacter LIR à ce sujet, sans succès.

Voyons la tendance des recettes touristiques. Si notre performance s’est améliorée aux mois d’octobre et novembre 2021, l’on note quand même un schéma qui s’est installé depuis des années maintenant, le pays recevant des recettes touristiques évoluant dans la même fourchette, année après année. En 2017, nos recettes touristiques étaient de l’ordre de Rs 60,2 milliards, passant à Rs 64 milliards en 2018 puis à Rs 63,1 milliards en 2019. Encore une fois, les montants étant en roupies, le glissement continuel de notre monnaie est à mettre en ligne de mire.

Il est donc clair que le pays a du mal à se concentrer sur la qualité de son tourisme, boostant les revenus, misant plutôt sur la quantité de touristes qui foulent le sol mauricien. «Pour commencer, la dépréciation de la roupie mauricienne se reflétera indirectement dans les rapports financiers des hôtels par une surévaluation du bénéfice en roupies. Ce n’est pas nouveau de dire que l’industrie du tourisme à Maurice doit être fondamentalement repensée. Nous sommes confrontés à un dilemme, pour augmenter les dépenses touristiques, les opérateurs de l’industrie doivent soit augmenter la capacité, soit améliorer la qualité. Pour ma part, je suggère de mettre l’accent sur un tourisme de niche, plus haut de gamme», dit l’économiste Bhavish Jugurnauth.

Selon lui, les problèmes liés au développement du tourisme, qui ne vise qu’à maximiser les profits de quelques entreprises, sont connus depuis des années, alors que les objectifs de performance sont encore principalement axés sur la croissance et la maximisation des profits à court terme.

«Il est clair que ce tourisme n’est pas durable à long terme. Nous devrons également nous pencher sur le tourisme de qualité dans d’autres marchés de niches telles que le tourisme d’affaires, de conférence, de mariage, sportif et médical entre autres, plutôt que de rester sur les vacances. Dans tous les cas, nous devons aussi promouvoir le tourisme durable comme étant plus qu’un simple mot à la mode», poursuit Bhavish Jugurnauth.

En attendant, pour 2022, du côté de NMH, avec la réouverture récente de nos marchés à l’étranger et la levée progressive des restrictions de voyages, ils sont optimistes quant à une reprise graduelle et soutenue des arrivées qui dépend d’une desserte aérienne adéquate. «NMH est présent à Maurice et à l’étranger. À Ste-Anne, aux Seychelles, nous avons un hôtel en location depuis un an, au Club Med, qui génère des profits trimestriels de près de Rs 50 millions. NMH possède aussi un établissement hôtelier au Maroc qui a été impacté au cours des derniers mois et des dernières semaines par la fermeture des frontières marocaines. Avec la réouverture des frontières, le 7 février, nous nous attendons, cependant, à une amélioration rapide de la situation. De ce fait, nous sommes relativement confiants quant à la performance financière de NMH, même si nous n’avons pas encore atteint les niveaux pré-Covid», déclare Pauline Seeyave. Plus encore, elle se dit confiante que le groupe et l’industrie touristique mauricienne renoueront avec la profitabilité de façon pérenne, durant les prochains mois.

Quels sont les changements structurels qui viendront ? Que cela concerne la formation de la maind’œuvre, la stratégie nationale, la diversification des marchés, le ciblage des marchés de niches ou encore la politique monétaire, c’est bien un ensemble de mesures qui aideront à redresser ce secteur clé de l’économie mauricienne.