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Reeaz Chuttoo: «Les travailleurs étrangers ne disparaissent pas, ils fuguent…»

3 février 2022, 20:00

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Reeaz Chuttoo: «Les travailleurs étrangers ne disparaissent pas, ils fuguent…»

Depuis le début de cette année, deux groupes de travailleurs étrangers se sont mis en grève car ils déplorent les conditions d’emploi et de vie au sein de leur compagnie. Cela vous étonne-t-il ?

Pas le moins du monde car cela perdure depuis plus de vingt ans. J’ai par le passé été en cour pour poursuivre une compagnie étrangère chinoise, alors que Vasant Bunwaree était ministre du Travail. Cette compagnie ne payait pas la compensation salariale à ces travailleurs. Quelques années après, Shakeel Mohamed a amendé la loi pour souligner que tant que l’accord entre la compagnie et le travailleur ne prend pas fin, l’on ne peut changer les conditions de travail. Donc, si vous touchez Rs10 000 pour un contrat de trois ans, et même avec l’apport des compensations salariales, vous ne pouvez toucher que Rs10 000.

Pour revenir à ces deux cas, au niveau de la CTSP, nous craignons que ces compagnies, au vu de la somme qu’elles devront verser comme arrérages, n’expulsent du pays ces travailleurs. Cela dans la légalité et sans les payer. C’est cela l’élément d’esclavage moderne. Les droits humains semblent bafoués. Malgré les accords que nous pouvons signer, ils restent éphémères. La loi ne change pas pour les travailleurs étrangers.

Il est souvent rapporté que plusieurs de ces travailleurs préfèrent disparaître dans la nature. Quelles solutions pourraient être apportées afin d’éviter que ces cas se reproduisent ?

Les travailleurs ne disparaissent pas, car il n’y a pas de kidnapping de travailleurs à Maurice. Ils fuguent. Les raisons sont qu’ils sont maltraités, n’obtiennent pas de bonnes conditions de vie, et ils ne gagnent pas suffisamment d’argent pour éponger leurs dettes. Après deux ans d’une récession économique liée au Covid-19, ces travailleurs, surtout ceux qui évoluent dans la zone franche, se sont retrouvés avec Rs 6 500 comme salaire de base. Quand l’on ajoute le logement et autres, cela arrive au salaire minimal. Mais ces personnes ont mis leur famille en gage avant de venir. En effet, s’ils n’arrivent pas à rembourser leurs dettes, un membre de leur famille devra travailler gratuitement pour le casseur auprès de qui le travailleur s’est endetté. Ils se retrouvent sans autre issue que de se sauver des compagnies avec lesquelles ils se sont engagés. Le gouvernement veut régler ce problème par la répression au lieu de le régler à la source. Il faudrait qu’au niveau du ministère du Travail l’on permette aux travailleurs d’exercer un part-time dans une autre entreprise afin qu’ils puissent joindre les deux bouts. Mais le secteur privé ne semble pas favorable à cette idée. Pour lui, le travailleur ne sera pas à 100 % de sa capacité s’il doit évoluer dans deux emplois.

À quand la création de ce «special desk» demandé depuis plusieurs années par la CTSP au ministère du Travail ?

Cela n’est toujours pas d’actualité, et franchement vous dire, c’est une cruauté. Je prends le cas de ce travailleur étranger qui a eu le bras amputé. Le consulat du Bangladesh nous a confié que le jeune homme voulait rentrer chez lui. Mais il ne sait pas qu’il a droit à un injury leave et une compensation du NPF. La Migrant Unit du ministère du Travail a soutenu la CTSP dans cette affaire, et a informé l’employeur qu’il ne peut renvoyer son employé. Le souci est que le travailleur ne parle que le bangladais, comment donc va-t-il s’expliquer auprès du ministère de la Sécurité sociale ?

À ce jour, le ministre du Travail, le PS et la MEXA sont tous en faveur de cette one-stop shop où les travailleurs étrangers pourront venir expliquer les problèmes auxquels ils font face. Mais l’on apprend qu’il faut le feu vert du ministère des Finances pour l’allocation d’un budget. Aussi celui du Service civil car il faudra embaucher des traducteurs. Cela prend donc du temps. En attendant, combien d’autres victimes il y aura…

Comment voyez-vous l’avenir pour la main-d’œuvre étrangère à Maurice ?

Nous allons vers un accroissement de la main-d’œuvre étrangère. Et cela pour trois raisons. Dans un premier temps, nous figurons parmi les pays où il y a un ralentissement de la croissance de la population car il y a une baisse des naissances. Deuxièmement, avec l’éducation tertiaire gratuite, tous les Mauriciens veulent que leurs enfants soient diplômés. Donc, pas de travail manuel. Et troisièmement, les décideurs politiques veulent investir dans la migration circulaire.

Le ministère corse les amendes

<p>Au niveau du ministère du Travail, la fuite des travailleurs étrangers est prise au sérieux. L&rsquo;on soutient que souvent alors que les contrats de ces derniers sont sur le point de prendre fin, ces expatriés prennent la fuite car ils préfèrent rester à Maurice et ne pas retourner dans leur pays. <em>&laquo;Lorsqu&rsquo;un cas d&rsquo;expatrié disparu est signalé au&nbsp;ministère, la </em>Special Migrant Unit<em> de la </em>Labour Division<em> enquête pour connaître la ou les raisons qui ont poussé le travailleur à s&rsquo;enfuir et s&rsquo;il a&nbsp;reçu tout son dû&raquo;,</em> confie un préposé. Ce dernier ajoute qu&rsquo;au niveau du ministère, on a&nbsp;découvert que certains meneurs (<em>ring leaders</em>) de ces migrants se permettent de débaucher, d&rsquo;attirer des migrants en leur promettant un meilleur salaire ou de meilleures conditions s&rsquo;ils fuient leur employeur et vont travailler pour un autre. <em>&laquo;Dans le secteur de la construction, certains de ces meneurs sont devenus des </em>contracteurs<em> et ils incitent des travailleurs migrants à travailler pour eux illégalement. Ceci occasionne bien des désagréments et font que ces travailleurs se retrouvent dans une situation illégale. Avec l&rsquo;aide de la police et du PIO, nous tentons de combattre ces agissements. On observe aussi depuis quelque temps un nouveau phénomène, où des migrants qui ont fui tentent de revenir vers leur employeur. Cela n&rsquo;est pas acceptable.&raquo;</em></p>

<p>Peut-on empêcher les travailleurs de fuir ? Il est bon de savoir qu&rsquo;un travailleur migrant a connaissance de tous les termes de son contrat avant qu&rsquo;il n&rsquo;arrive sur le sol mauricien. Ses conditions et termes d&rsquo;embauche sont clairement spécifiés dans le contrat de travail qui lui est remis avant son départ de son pays d&rsquo;origine, soutient-on. <em>&laquo;Le ministère privilégie la sensibilisation&nbsp;des travailleurs. Nous avons produit des vidéos (dans différentes langues), en collaboration avec les ambassades, en vue d&rsquo;aider ces travailleurs à mieux comprendre les termes de leur contrat, leurs conditions de travail et aussi comment être en conformité avec les lois de notre pays.&raquo;</em> Il faut savoir que les amendes passent de Rs 500 000 au lieu de<br />
	Rs 100 000 auparavant et d&rsquo;une peine d&rsquo;emprisonnement de cinq ans au lieu de deux ans pour les contrevenants.</p>