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Coucouroucoucou vs Street Dance de Batterie-Cassée

18 janvier 2022, 15:01

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Coucouroucoucou vs Street Dance de Batterie-Cassée

Ils ne pensaient pas que s’amuser prendrait de telles proportions, ni qu’autant de monde allait venir les voir danser. Quatre jeunes sur les six interpellés sont ressortis du tribunal, hier, après leur comparution pour la «battle» de Batterie-Cassée.

Quatre danseurs ont été traduits au tribunal de Port-Louis, hier. Ils avaient participé, jeudi dernier, à une «street dance battle» à Batterie-Cassée, à Sainte-Croix, sur le terrain de basket-ball, devant une foule d’environ 200 personnes.

La Criminal Investigation Division (CID) de Port-Louis Metro North leur reproche d’avoir enfreint la Quarantine Act. Selon les mesures sanitaires mises en place par le gouvernement, tout rassemblement de plus de 50 personnes est interdit. Ne pas porter le masque et ne pas respecter la distanciation physique comptent aussi comme un délit. Hier matin, avant leur comparution, leur interrogatoire a été poursuivi dans les locaux de la CID.

Jean Luc Ritchie Rabaude, 19 ans, stone-mason, alias Gro Ritchie, Bondy Callabriyen Charlette, 32 ans, travaillant à son compte, Joseph Louis Leopold, alias Limon, 34 ans, mécanicien et Michel Adel Cedric Jean, 23 ans, helper, Marthy Gerry Charlette, 29 ans, mécanicien, font partie des six personnes arrêtées vendredi. Les deux autres hommes interpellés ont été autorisés à partir.

Bondy Callabriyen Charlette, Joseph Louis Leopold, Jean Luc Ritchie Rabaude et Michel Adel Cedric Jean (de g. à dr.) ont remercié ceux qui les ont aidés après leur sortie de cour, hier.

Arbitraire

Ils habitent Roche-Bois et Sainte-Croix. Ceux qui ont comparu ont été relâchés contre une caution de Rs 6 000 et une reconnaissance de dette de Rs 50 000. Ces suspects ont un casier judiciaire vierge. Lors de leur interrogatoire, ils ont accepté les faits.

La police les avait laissés partir mais une accusation provisoire avait été retenue contre eux. Me Rama Valayden, leur avocat, a déposé une motion devant la magitrate Shavina Jugnauth, hier, pour que les chefs d’accusation qualifiés d’arbitraires contre ces jeunes soient rayés en cour, mais la police a objecté à cette demande. La magistrate a fixé une autre date pour l’affaire : le 19 avril.

Michel Adel Cedric Jean, lors de sa sortie du tribunal, a lancé un grand merci aux personnes qui les ont soutenus (voir texte ci-dessous) et ont payé la caution pour un de ses amis. «Je suis sûr que si l’on avait demandé aux autorités la permission pour organiser une activité sur ce terrain, nous ne l’aurions pas obtenue. Il n’y a pas eu d’activités sur cet espace depuis trop longtemps.»

Bruneau Laurette et Raouf Khodabaccus sont venus soutenir les suspects en cour.

Pour sa part, Jean Luc Ritchie Rabaude a expliqué que ce n’était qu’une activité qui s’est déroulée afin de faire revivre ce terrain. «Zis akoz enn danse nou pa ti pou krwar ti pou ariv ziska la e bizin al raporte e signe tou le samdi dan enn stasion polis. Nous ne pouvons pas empê- cher la foule de venir.»

Coucouroucoucou v/s street dance

«Pa tous zanfan Rosbwa.» Ils sont jeunes, passionnés et remplis d’énergie et voulaient tout simplement danser pour se défouler. Ils sont quatre jeunes danseurs de Batterie-Cassée, nommément Limon, Gro Ritchie, Poire et Cedric. Ces quatre danseurs qui se sont livrés à une battle de danse, communément appelée street dance, la semaine dernière ont réuni plus d’une centaine de personnes sur le terrain de basket-ball de leur région. Finalement, le vainqueur est reparti avec une somme de Rs 6 000… et une convocation à la Criminal Investigation Division (CID) de Port-Louis Metro North. Ils ont pu compter sur le soutien des activistes Bruneau Laurette et Dominique Seedeeal, dit Darren l’activiste, et de l’avocat Rama Valayden.

Alors que les danseurs Bondy Callabriyen Charlette, Joseph Louis Leopold alias Limon, Jean Luc Ritchie Rabaude alias Gro Ritchie et Michel Adel Cedric Jean comparaissaient en cour, en face, une manifestation se tenait en la présence de Raouf Khodabaccus, Ivann Bibi, Bruneau Laurette et quelques citoyens venus soutenir ces jeunes qu’ils estiment arrêtés injuste- ment. «Aret get de lizie, aret Jagatpal», affichaient ces derniers. Pour Ivann Bibi, il est plus qu’injuste d’avoir arrêté ces jeunes qui pratiquaient du break dancing, qui sera prochainement parmi les disciplines lors des prochains Jeux olympiques. «Lapolis bizin aret pran lord lao pou persekit bann zenes ki pa ti pe manifeste, ki ti pe zis defoul zot», dit-il.

Même son de cloche pour Me Rama Valayden qui représentait les cinq danseurs en cour de justice. Il compte faire appel de la décision pour que les accusations retenues contre les danseurs soient rayées. «Ces jeunes pratiquaient un sport et ils sont arrêtés alors que le ministre de la Santé pratiquait le ‘coucouroucou- cou’ et il est toujours libre comme l’air…»

Les danseurs ont dû fournir une caution de Rs 6 000 pour leur remise en liberté conditionnelle. Ils ont aussi signé, chacun, une reconnaissance de dette de Rs 50 000 et ont fait chacun l’objet d’une accusation provisoire de «carrying out an activity in breach of Quarantine Act».

«The show must go on»

À leur sortie de la cour de district de Port-Louis, ce sont des danseurs déçus mais pas abattus qui se sont adressés à la presse. Pour Cedric Jean, danser n’est pas un crime et ils continueront malgré les représailles. «Mo met mo ledwa lor biyo pou koupe si ti demann terin pou organiz enn aktivite dan landrwa pa ti pou gagne», a déclaré Cedric. «Plus rien n’est fait dans notre cité pour encourager nos jeunes et quand nous prenons les choses en main, nous nous retrouvons à un jeune âge à devoir payer une caution de Rs 6 000 et nous rendre les samedis au poste de police pour une signature en signe de notre présence.» Pour sa part, Gro Ritchie ne s’est pas laissé démonter car la danse c’est son dada. «Nous danserons dans nos maisons jusqu’à la fin du confinement et en février, nous allons organiser une autre battle», a-t-il déclaré en ajoutant qu’il espère voir les jeunes talentueux de sa cité évoluer et non persécutés. Au final, the «show must go on» et nul doute que le coucouroucoucou va encore retentir car demain est un autre jour.