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Rentrée scolaire en ligne: un monde de différence entre les secteurs public et privé

8 janvier 2022, 22:00

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Rentrée scolaire en ligne: un monde de différence entre les secteurs public et privé

Dès le lundi 10 janvier, ce sera la reprise des cours éducatifs en ligne. Or, si cette méthode s’attire parfois les critiques des pédagogues depuis les confinements de 2020 et 2021 suite au Covid-19, il s’avère qu’elle diffère largement dans les écoles privées et publiques. Comment ? Quelles en sont les conséquences ? Explications.

Dans deux jours, les enfants reprendront le chemin (virtuel) de l’école. Car en effet, le lundi 10 janvier, c’est la rentrée scolaire. Au primaire, environ 78 115 enfants sont concernés par les cours télévisés tandis qu’au secondaire, 100 391 reprendront les classes en ligne. Si dans les écoles primaires, les élèves doivent suivre les cours sur les chaînes de la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC) ainsi que ceux des Grades 7 et 8 qui auront aussi en complément du contenu à travers le Student Support Portal selon une circulaire du ministère de l'Education émise ce 8 janvier 2022, en revanche, les plus grands doivent se connecter à plusieurs plateformes mises à leur disposition par les établissements respectifs. Cependant, il n’y a pas une méthode standard pour tous les apprenants. Encore moins pour toutes les institutions. Chacune y va selon ses dispositifs et moyens. Et c’est là où les différences sont flagrantes. Lesquelles ?

Au primaire, indique Vinod Seegum, président de la Government Teachers’ Union (GTU), les classes ne se font qu’à travers le petit écran. Mais sous cette pratique, les élèves croient qu’ils sont encore en vacances, indique-t-il. D’où l’élaboration et distribution des «Learning packs» aux enfants. «La GTU a prêté main forte à ce processus sous l’égide du Mauritius Institute of Education (MIE)», affirme-t-il. A la différence du secteur public, au primaire, le système pédagogique privé prône des cours virtuels. «Selon nous, les enfants du circuit privé sont un peu plus aisés et issus d’une certaine élite. Ils ont davantage accès aux outils numériques et savent mieux les manier. C’est une raison de plus pour ne pas les appliquer dans les écoles publiques puisque les enfants des Grades 1, 2 et 3 ne sauront comment les utiliser», souligne-t-il.

De plus, avance-t-il, dans les établissements privés, la population estudiantine est moins élevée que certaines institutions publiques. Par exemple, renchérit-il, au privé, il se peut qu’un enseignant puisse accorder une attention individuelle à une classe de 15 élèves alors qu’une telle pratique peine à être appliquée avec une quarantaine d’écoliers dans un établissement public. «Dans les écoles privées, les parents sont plus impliqués au niveau des cours en ligne. Au cas contraire, cette méthode ne fonctionnerait pas. Si on avait intégré cela dans les établissements publics, environ 40% des enfants n’auraient pu y adhérer», avance-t-il. Ce dernier a formulé une proposition en faveur des cours en ligne pour les élèves de Grade 6, devant participer aux examens du Primary School Achievement Certificate (PSAC).

Comment cela se passe-t-il dans le secteur privé non subventionné par l’Etat ? D’après Jaya Nursimulu, président de la Private Pre-primary school Managers association et directrice de la Royal Rock School Primary, Pre-primary and Nursery, les cours en ligne se font à travers Zoom avec les élèves.

«Les réunions virtuelles concernent toutes les matières enseignées. Elles se tiennent entre 9 heures et 14h30 durant la semaine. A cela, nous ajoutons d’autres activités comme le chant, la danse, la cuisine et la créativité toujours via Zoom pour que ce soit ludique pour les enfants. Selon moi, l’école doit l’être pour les motiver à poursuivre leurs études», explique notre interlocutrice. Dans le secteur éducatif privé, l’accent est mis sur l’interaction où l’enseignant et les apprenants ont l’opportunité de parler et participer. Jaya Nursimulu affirme aussi qu’un soutien est accordé à des parents ne pouvant pas aider leurs enfants à se connecter puisqu’ils sont au travail.

Dans ce cas, des fichiers de travail et vidéos des instructions des enseignants leurs sont envoyés par courriel afin qu’ils puissent assurer le suivi au retour du travail. Ainsi, poursuit-elle, les étudiants ne perdent pas de temps. Pour elle, l’école en présentiel est la meilleure méthode pédagogique mais puisqu’actuellement, l’exigence est d’effectuer des cours en ligne, il faut mieux s’organiser. Des sessions Zoom ont également lieu avec les parents de temps à autre pour avoir leurs avis et suggestions afin de définir de des pistes d’amélioration.

Du côté de la Ruth School, Jacqueline Forget, fondatrice et membre exécutif de la Special Educational Needs Society (SENS), organisme qui gère cet établissement privé, évoque un système assidu pour les enfants à besoins spéciaux. «Nos enfants ont des troubles cognitifs, n’arrivent pas à se concentrer et ont des déficits d’attention. Quand on a instauré des cours en ligne dès le confinement de mars 2020, on a trouvé des façons de les motiver. On a allégé le «screen time» et augmenté les activités. On a aussi «empower» les parents et fait des workshops avec eux. Leur rôle est de s’assurer que l’enfant ait un dispositif et une connexion Internet», explique-t-elle. Selon elle, l’emploi du temps reste le même qu’en présentiel, avec des breaks, le port d’uniforme, le maintien du calendrier scolaire entre autres. «Nos professeurs ont fait l’effort de s’adapter et aider nos enfants. Ils en sont sortis grandis. Définitivement, on a évolué», confie-t-elle.

Pour chaque leçon, si un élève est absent, les enseignants l’appellent pour voir quelle en est la cause. Si ce dernier ne répond pas, l’école contacte les parents qui doivent alors œuvrer pour instaurer la discipline. Au cas où un petit est malade ou est confié à des grands-parents qui n’ont pas de connexion Internet, les parents doivent en aviser l’école. Le taux de «drop outs» est très faible, ajoute-t-elle. Quels outils numériques sont utilisés ? D’après Jacqueline Forget, chaque classe possède sa page Facebook qui contient l’emploi du temps journalier. Chaque leçon a son powerpoint. Les enseignants affichent les worksheets que l’enfant doit faire. «La classe est faite sur Zoom. Les présences sont notées. Si l’enfant doit aller aux toilettes, il demande la permission comme en présentiel. Des activités sportives sont faites à la maison. Les élèves ont aussi appris à prendre des photos de leurs travaux et de les envoyer aux enseignants par Messenger. Pour des activités en mouvement, ils font des vidéos», indique notre interlocutrice.

Toutefois, elle déplore que sa demande urgente pour des tablettes pour les élèves depuis 2020 soit toujours sous considération auprès des autorités. «En milieu privé, le profil est mixte mais les droits doivent être égaux pour tous. Certains enfants sont issus de familles brisées et monoparentales. Tous les parents ne sont pas aisés. Les petits ont des difficultés pour se connecter. Si le portable de la maman est utilisé pour l’éducation, celle-ci doit aller au travail sans ce dispositif. On a tout fait de notre côté avec des sponsors mais c’est le rôle de l’Etat de s’assurer que chaque enfant ait accès à une tablette. Et nos petits en ont encore plus besoin. On s’est assuré qu’aucun d’entre eux ne soit dépourvu de dispositif ni de cours», déclare-t-elle.

Pour la rentrée de lundi prochain, Vassen Naeck, Acting Director du MIE, affirme que la continuité pédagogique s’enchaîne avec les productions vidéo au primaire dans le secteur public. Au secondaire, les cours sont effectués à travers le Student Support Portal qui figure sur le site du ministère de l’Education pour les Grades 7 et 8 en sus de la MBC. La nouveauté pour cette rentrée 2022 est le learning pack évoqué plus haut par Vinod Seegum. «Ceci aidera les enfants à pratiquer leurs travaux à la maison. Au niveau primaire, on les finalise. Cela va à l’impression pour la distribution le 10 janvier. Au secondaire, ce sera imprimable et disponible sur le portail virtuel. On met les bouchées doubles par rapport à ce projet. Cela fera une grande différence en termes d’accessibilité et de retour», déclare le responsable du MIE.

Pour les grades supérieurs, d’autres plateformes telles que WhatsApp, Microsoft Teams et Zoom sont couramment utilisées par les enseignants. Certains d’entre eux en intègrent plusieurs à leurs classes. D’ailleurs, cette pléthore d’outils numériques est aussi appliquée dans les collèges privés et subventionnés. Paradoxalement, cela cause des problèmes pratiques, comme en témoigne Vishal Singh Balluck, enseignant de français, affecté dans un de ces établissements. «J’utilise WhatsApp pour les classes en ligne. Dans une classe, je n’ai que deux étudiants et dans l’autre, le nombre est de neuf élèves. C’est la population de la classe. Je n’enregistre pas les présences. Ce sont des enfants défavorisés. Je ne sais même pas s’ils ont les moyens de se connecter aux cours», explique ce dernier, qui dispense des cours en Grade 9 et 11.

Selon lui, ces outils sont souvent problématiques pour assurer la motivation des étudiants. En effet, sur WhatsApp, l’enseignant utilise du texte et des vidéos explicatives pour le contenu. Quant aux devoirs, ils sont acheminés par photo par les élèves. «Après correction, je fais un retour mais souvent il faut tout refaire soi-même. On ne peut faire mieux que cela, surtout pour les matières linguistiques», affirme-t-il. Idem pour d’autres plateformes comme Zoom. D’après lui, étudiants comme enseignants n’y sont guère réceptifs. «J’ai déjà essayé et cela se déconnecte à tout moment. Cela dépend aussi de la connexion Internet», confie-t-il.

Pour sa part, Munsoo Kurrimbaccus, vice-président de l’Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE), mentionne l’usage de WhatsApp et Zoom. «Quand les enfants n’assistent pas aux sessions, je peux faire une vidéo via WhatsApp et la leur envoyer, ce qui me permet d’avoir un enregistrement pour moi», indique-t-il. Concernant le Student Support Portal, il soutient que celui-ci n’est pas toujours «user-friendly». Il présume que le ministère de l’Education travaillera sur une plateforme commune plus accessible à tous.