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Molnupiravir - Le Dr Farhad Aumeer: «Le ministre de la Santé doit Pack & Go»

14 décembre 2021, 12:00

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Molnupiravir - Le Dr Farhad Aumeer: «Le ministre de la Santé doit Pack & Go»

Le ministre de la Santé doit «Pack & Go», ironise le Dr Farhad Aumeer. Celui-ci revient sur le scandale entourant l’achat de Molnupiravir, qui défraie la chronique depuis vendredi. C’est ainsi que révélations, indignation, incompréhension et demandes de démission se succèdent.

Malgré le gel du paiement à CPN Distributors, l’affaire des prix du Molnupiravir ne cesse de soulever des questions et de révéler les incohérences du système d’approvisionnement au ministère de la Santé. Le Dr Farhad Aumeer, député travailliste, revient sur plusieurs zones d’ombre de cette affaire qui, selon lui, a été préméditée…

«J’accuse le ministre de préméditation», dit-il sans détour. Pour soutenir ses dires, il remonte au Finance Bill, voté au mois de juillet, projet de loi présenté dans le sillage du Budget, plus particulièrement l’amendement à la Pharmacy Act. Auparavant, c’était le Trade and Therapeutic Committee qui conseillait le Pharmacy Board sur les permis d’importation des médicaments. Depuis l’amendement, c’est le Pharmacy Board qui délivre le certificat. «C’est à peu près le moment où CPN Distributors a demandé son permis d’importation de médicaments car jusqu’à présent, cette compagnie n’avait rien à voir avec le monde médical. D’ailleurs, cette importation était leur premier contrat», lâche le député.

La qualité mise en doute

L’autre problème qui se pose : la qualité du médicament. Pour rappel, le laboratoire Optimus Pharma, auprès de qui le million de cachets ont été achetés, n’a pas prouvé qu’il détient un permis de Merck pour fabriquer le Molnupiravir. Optimus a développé son propre principe actif. «Ce que les autorités demandent, c’est un certificate of analysis. C’est le fabricant qui donne cela et ce n’est pas une garantie de qualité ! Ce qu’il faut savoir, c’est si Optimus Pharma a le certificate de Good Manufacturing Practice de l’OMS», fait valoir Farhad Aumeer.

Dans la foulée, il fait savoir qu’il serait souhaitable qu’un échantillon des pilules importées par CPN soit envoyé à Merck pour une analyse de qualité et d’efficacité. La question de la qualité se pose d’autant plus que la cargaison importée par CPN Distributors est arrivée en boîtes de 100 pilules alors que le Molnupiravir fabriqué sous licence est vendu en boîte de 40, ce qui représente un cycle de traitement pour une personne. «D’où vient ce produit ? Maurice n’est pas un dépotoir pour des médicaments fabriqués à la va-vite !» De plus, la durée de vie de ce médicament n’est que de huit mois.

Le timing

En sus de la qualité, le timing de la commande intrigue. Le 27 novembre, le ministère reçoit les offres de quatre soumissionnaires. CPN n’y figurait pas. Trois jours après, sa cargaison d’un million de pilules arrive à Maurice. Six jours après, 800 000 autres pilules sont commandées à travers la procédure d’urgence. Le lendemain, ce sont les cachets importés par CPN Distributors, qui étaient déjà à Maurice, qui sont achetés. «Déjà, il faut se demander qui, au ministère, avait approuvé l’importation de ce médicament. Puis, pourquoi cette compagnie avait un stock si important s’il n’avait pas d’insider information sur les plans du ministère ?» s’interroge le député. Pour rappel, dans un communiqué émis dimanche, CPN Distributors a expliqué que son but était de les revendre aux pharmacies locales. «Le stock étant disponible, nous l’avons proposé au ministère de la Santé afin de permettre aux services concernés d’administrer le médicament et de sauver des vies car il en manquait sur le marché», faisait ressortir le communiqué.

Selon le Dr Farhad Aumeer, la structure au ministère laisse la porte ouverte aux abus. «Il y a les responsables de Procurement and Supply qui doivent prendre leurs responsabilités.» Le député revient aussi sur le Registrar du Pharmacy Board, qui doit démissionner le temps de l’enquête. Pour rappel, ce pharmacien siège aussi sur quatre autres boards, soit le Procurement of Pharmaceutical products, la Pharmacy Inspectorate Unit et l’unité de pharmacovigilance. «Il faut aussi se demander si depuis quelque temps, les compagnies existantes ont de plus en plus de difficultés à obtenir les permis d’importation…»

Le médecin fait ressortir que nous assistons à une répétition de l’histoire. «Il y a eu les contrats de Bo Digital, AV Technoworld, Neeteeselec et j’en passe. C’est exactement la même chose.»

Le prix

Selon le Dr Farhad Aumeer, le Molnupiravir fabriqué par Hetero Labs, laboratoire qui a le permis de production de Merck, se vend à Rs 2 302 la boîte de 40 cachets. «Cela fait Rs 57,55 par cachet dans le commerce. Il faudra maintenant expliquer comment un médicament fabriqué par un labo qui n’a pas montré son permis se vend à ce prix-là. Nous avons assisté au scandale de Pack & Blister dans ce même ministère. Maintenant, ça. Il faut que le ministre pense désormais à Pack & Go», ironise-t-il.

Xavier Duval cherche toujours des réponses…

Lors de sa PNQ vendredi, le leader de l’opposition avait demandé les détails des compagnies autorisées à importer le Molnupiravir, et la limite qui leur avait été imposée. Cela n’a pas été fait jusqu’à présent, et face au délai, Xavier Duval a adressé une lettre au clerc de l’Assemblée pour l’informer de la situation. «The minister clearly declared his intention to table a list of all import permits, dates and quantity thereof with regard to the drug Molnupiravir. I note that this has not yet been effected and I therefore request you to liaise with the ministry of Health and table a copy of same», écrit Xavier Duval. Il ajoute que «failure to do so on the part of the Minister would clearly indicate a cover-up».

Ce que dit Hyperpharm

Ashvin Bundhun de Hyperpharm affirme qu’il n’a pas importé les 1,2 m de doses de Molnupiravir de Dr Reddy en Inde et qu’il ne représente ce fabricant que pour les produits oncologiques. Il dit que le laboratoire l’a informé de la vente directe au ministère de la Santé de Maurice et que la livraison se fera en fin décembre 2021.

Le PM : «La démission de Jagutpal ne se pose pas… là»

La rumeur courait sur les réseaux sociaux – et dans les couloirs – hier. Elle faisait état de la possible démission du ministre de la Santé. Mais le «patron» de Kailesh Jagutpal a fait savoir, hier toujours, qu’il lui accordait son soutien. Pour l’instant…

C’était lors d’une énième inauguration, celle du pont Dowlut à Phoenix. Pour commencer, le Premier ministre en a étonné plus d’un en déclarant qu’il a tout ‘découvert’ sur l’affaire Molnupiravir lorsque Jagutpal préparait sa réponse à la Private Notice Question de vendredi… Il assure que ni lui, ni son ministre de la Santé n’était au courant et tous deux ont pris connaissance de cette affaire en même temps. Sinwa nef, dirons les mauvaises langues ?

En tout cas, Pravind Jugnauth n’a pas reconnu que c’est grâce au leader de l’opposition et ses questions parlementaires que l’on a pu découvrir le Molnupiravir Gate. Utilisant plutôt la formule «quand l’affaire est devenue publique». Le Premier ministre a maintenu qu’il y aura bien des vacances parlementaires «car cela a toujours été le cas», faisant fi des demandes de l’opposition, qui souhaitait que les séances parlementaires soient prolongées. D’ajouter que «quand ils (NdlR, les membres de l’opposition) doivent être au Parlement, certains se comportent mal parexprès ek rod lamerdman ar speaker parce qu’ils veulent quitter l’Hémicycle». Puis la pique, en affirmant «que les vieux surtout préfèrent se relaxer en dehors du Parlement». Pravind Jugnauth a rappellé qu’en 2014, le Parlement est resté fermé pendant neuf mois.

Pour en revenir au ministre de la Santé, il semblerait ainsi que Pravind Jugnauth et Kailesh Jagutpal soient «sur la même longueur d’onde» et qu’ils ont décidé de travailler de concert» pour faire la «lumière» sur l’achat de Molnupiravir. Et qui est chargé de le faire ? L’ICAC, a répondu le Premier ministre. En attendant, la démission du ministre de la Santé ne «se pose pas…là»

Rama Valayden demande à la police d’agir

Il s’est rendu aux Casernes centrales, hier. Rama Valayden alerte la police officiellement sur l’affaire Molnupiravir. Il demande que les images CCTV situées devant la maison de certains fonctionnaires soient sécurisées avant que celles-ci ne soient effacées vers le 15 janvier 2022. Il dit détenir déjà des photos de certaines allées et venues qui prouveraient, selon lui, un complot pour acheter l’antiviral à Rs 70 millions plus cher. «Le fait que le PM ait gelé le paiement à CPN Distributors, clame Valayden, «est la preuve qu’il y a eu maldonne et qu’il faut encore plus mettre la main sur les preuves.»

L’avocat des Avengers dit craindre que la vie de certains témoins ne soit mise en danger si la police et les autres autorités ne réagissent pas à temps. Il veut également alerter la police sur des ventes illégales de Molnupiravir à certaines pharmacies.