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Éducation: les collèges privés menacés de fermeture

7 décembre 2021, 11:15

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Éducation: les collèges privés menacés de fermeture

Les collèges privés en voient de toutes les couleurs. Après avoir dénoncé la suppression des subventions pour les projets scolaires, le Front commun des managers de ces établissements s’inquiète de la «mainmise» de la Private Secondary Education Authority (PSEA). Alors que la population estudiantine décline parallèlement, ces collèges frisent la fermeture face aux nouveaux règlements de l’autorité éducative qui, elle, maintient être ouverte au dialogue. Comment en est-on arrivé là ? Explications.

«Les parents sont bouleversés. Ils sont plus que paniqués. Je ne comprends pas pourquoi on essaie de court-circuiter un système qui fonctionne. Nous alerterons les dirigeants de l’État et de l’opposition car l’avenir de nos enfants est menacé. Pourquoi empêcher ces écoles de fonctionner ?», déclare Anand Bheeca, président de la Parents Teachers’ Association (PTA) du collège St Joseph. Et il n’est pas le seul parent à être remonté. En octobre 2021, une directive de la Private Secondary Education Authority (PSEA) a été émise indiquant que tout financement pour tout projet scolaire par les établissements du privé doit obligatoirement avoir son approbation.

Cet ordre avait suscité un lever de boucliers des managers de ces collèges, qui ont formé un front commun et dénoncé le couperet le 8 novembre 2021. Or, en dépit de cette démarche, couplée à une lettre au Premier ministre, rien n’a été fait, déplore Basheer Taleb, président de la Fédération de l’Union des Managers des collèges privés. Selon lui, il existe environ 90 collèges privés subventionnés à Maurice et une soixantaine d’établissements d’État.

Entre-temps, la grogne et l’inquiétude foisonnent chez les parents et gérants de ces institutions secondaires. «Mort lente ou mort subite, la situation est devenue chaotique. On remodifie les subventions, la façon de les calculer. On s’ingère dans l’administration de l’école. C’est un chamboulement total, qui fait du mal aux collèges privés», déplore Denis Kowlessur, vice-président de la Parent Teachers’ Association (PTA) du collège de Lorette de Quatre-Bornes. Il indique que l’instance est très concernée par les difficultés que rencontrent les établissements secondaires privés. «On devra faire entendre raison aux autorités éducatives. Déjà que les parents et enfants subissent les effets psychologiques du Covid-19, ce n’est pas normal d’ajouter une pression supplémentaire. Comme tous les parents, nous avons peur pour l’avenir de nos enfants.»

Thierry Marie, parent et président de la PTA du collège St Mary’s, est tout aussi équivoque. «On tombe des nues en découvrant que pas mal de subventions, auxquelles les collèges privés étaient éligibles, ont été supprimées. C’est aberrant. Tout doit obligatoirement passer par la PSEA. Les enfants, qui avaient des problèmes, pouvaient se tourner vers les psychologues de l’école. Même ces grants ont été coupés sans la moindre consultation. Idem pour les subventions pour les Discipline masters. Je crois que c’est fait de manière délibérée pour conduire à la perte des collèges privés.»

Coup de massue

Pour lui, en l’absence de consultations et de discussions entre les secteurs privé et public, la fermeture des collèges privés est imminente. «Le fait que plusieurs collèges d’État ont diverses salles de classe vides représente sans doute un manque à gagner pour eux. Donc, ce serait à leur avantage que ceux du privé ferment pour accueillir leurs élèves», poursuit Thierry Marie. D’ailleurs, précise-t-il, la PTA n’arrive pas à collecter des fonds, de par la situation pandémique et la perte d’emploi de plusieurs parents. La suppression des subventions est un «autre coup de massue».

À l’issue d’une réunion entre les représentants de la PTA et les dirigeants des collèges privés catholiques, Clive Anseline, chargé de communication du Service diocésain de l’Éducation Catholique (SeDEC), confirme que ces établissements sont «dans le rouge», victimes des «coupures arbitraires» des subventions par la PSEA sans consultation avec les partenaires concernés.

Est-ce une indication que cette instance veut finalement avoir une main mise sur ces collèges privés ? «Si la PSEA envisage un tel chemin, les parents doivent en être avertis comme le futur de ces établissements et celui de leurs enfants est en jeu. Les collèges privés sont dans le rouge. Notre sentiment est qu’il y a un agenda caché derrière de tels agissements. De plus, ces suppressions de fonds sont imposées. On nous asphyxie.»

À cela se rajoutent d’autres problèmes: la population estudiantine est en baisse dans les collèges synodaux nouvellement construits. Jusqu’à quand les établissements privés tiendront-ils sous cette perfusion ? Basheer Taleb s’insurge contre le silence total des autorités malgré les cris de détresse du front commun des managers des collèges privés. «Nous sommes dans une situation critique. Face aux réductions drastiques de subventions, nous avons du mal à continuer nos opérations. Si cela continue, cela ne vaudra plus le coup.» Au pire des cas, les collèges privés auront à raccrocher, condamnant Maurice à reposer sur un système éducatif basé sur l’école unique et donc publique.

Pour lui, la PSEA exerce déjà un contrôle sur ces collèges avec les nouvelles réglementations instaurées. Maintenant, elle vient décourager ceux-ci à poursuivre avec leurs opérations avec la suppression des incitations. Après les parents, le front commun des managers prend aussi les choses en main. Une nouvelle rencontre est prévue pour prendre une décision. «Nous sommes pour un accord et un dialogue avec l’État. Qu’on nous appelle au moins pour en discuter. Mais voilà, on ne veut même pas nous appeler», conclut-il.

Xavier-Luc Duval, leader de l’opposition : «tout le secteur d’éducation privée est menacé de mort»

 «Avec le Covid-19, tout ce tort qu’on essaie de faire aux collèges privés et confessionnels est passé inaperçu. Je suis persuadé que si cela n’est pas renversé, tout le secteur d’éducation privée est menacé de mort», déclare Xavier Luc Duval, leader de l’opposition. Très préoccupé par la situation actuelle des établissements secondaires privés, il espère que la dernière circulaire de la PSEA listant les changements pour ces collèges soit «mise à la poubelle. Au cas contraire, cela symbolisera la disparition de décennies d’efforts continus, de sacrifices, d’investissements et de bienfaits pour la population.» La PNQ du jour sera axée sur la question dans quelques minutes.

Pas de mainmise sur les collèges privés, soutient la PSEA

La Private Secondary Education Authority (PSEA) ne ferme pas la porte au dialogue avec les syndicalistes. Toutefois, elle leur demande de venir avec des arguments de taille. «Que les propositions soient concrètes et raisonnables», soutient un fonctionnaire de cette autorité. Ce préposé avance que les revendications de l’autorité sont essentiellement basées sur le rapport soumis par le Techincal Working Group. Il a souligné toutes les dépenses que font les collèges. «Il faut savoir qu’en fin d’année, ces écoles se doivent de rendre un Statement of Account car c’est l’argent public qui leur est donné pour mener à bien leur aménagement. Une liste leur est également adressée et ils doivent prévoir leurs dé- penses d’après celle-ci. Comme l’achat des marqueurs pour les pupitres, entre autres.»

Selon lui, il se pourrait que certaines dépenses découvertes par le Technical Working Group ne doivent figurer dans l’enveloppe du ministère de l’Éducation. Il s’explique. «Certains veulent placer des panneaux solaires. Pour ce faire, il faut s’adresser au ministère de l’Énergie et non à l’Éducation. D’autres ont pour ambition d’installer un ascenseur.» En ce qui concerne, la mainmise de la PSEA sur les collèges privés, il dira qu’il n’en est rien. «Le gouvernement a déjà voté pour le budget qui sera alloué aux écoles. Mais ces dernières devront s’accorder avec ce qu’avance le Techincal Working Group. On ne contrôle rien.»

Même son de cloche du côté du ministère de tutelle. «Nous n’avons reçu aucune requête officielle pour nous indiquer que les écoles privées se plaignent…» avance un fonctionnaire de ministère. «Le Board ne refuse aucune requête présentée par les écoles/collèges concernés. Nous voulons simplement savoir ce que les institutions scolaires feront de l’argent qu’on leur donne. Beaucoup de développements ne se voient pas au niveau de ces établissements alors qu’ils ont eu un budget pour. De quoi se poser des questions…»