Publicité

Expo: Philippe Edwin Marie sort l’homme de l’arbre

15 novembre 2021, 18:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Expo: Philippe Edwin Marie sort l’homme de l’arbre

D’un bout de bois de letchi, de longane, de goyave ou de maçon, que d’autres ont jeté, Philippe Edwin Marie (PEM) tire tous les sentiments de l’humanité. Entre ses penseurs, ses Christ en croix et ses couples siamois, ses sculptures ont chacune une histoire à raconter. Elles sont visibles jusqu’au 28 novembre prochain à l’étage du Caudan Arts Centre.

Des sculptures ? Non, plus que ça. Des personnages ? Plus que ça. Des leçons de vie. Philippe Edwin Marie (PEM) tient tête aux têtes de bois. Sa persévérance, sa simplicité et ses coups de ciseaux le font grimper à l’étage du Caudan Arts Centre. Pour y exposer jusqu’au 28 novembre prochain, la série «Un homme est passé».

PEM affirme que ce trio date d'au moins 40 ans et que leur couleur particulière n’est due à aucun vernis, mais seulement au passage du temps

Chaque pièce est unique. À l’accueil, un personnage taillé dans du bois de maçon vous envoie des baisers. Son «nene zanbalak» respire l’authenticité. Celle de la Nature, que le sculpteur tient à tout prix à préserver. Et si vous regardez bien, il y a un deuxième personnage qui se cache dans cette œuvre. Un ti bolom, «san okenn kout zouti», précise PEM.

Comment faire sortir l’homme qui est dans l’arbre ? Tout commence par un premier regard. Ce petit quelque chose qui attire l’artiste vers un bout de bois, «kan mo lizie tap lor li». Ensuite, il faut le caresser, «comme un bébé». Il faut tourner et retourner le bois, «pour savoir si c’est une fille ou un garçon». PEM baisse la voix pour nous mettre dans la confidence. «Bizin koz dan leker, pa less personn tande.»

Quoi qu’il fasse, il ne faut surtout pas, «déformer la Nature. Au fond c’est la Nature qui travaille pour moi», explique-t-il. Qu’elle lui mette entre les mains un morceau de bois tordu, «pa fer narien. Il y a des gens qui naissent avec un handicap. C’est pareil avec le bois. Mo pou deklar li mwa».

Si vous demandez à PEM si chacune de ses sculptures a un nom, il répond du tac au tac : «On ne peut pas être parrain de soi-même.» Pour lui, c’est à la personne qui adopte l’œuvre – comme on adopte un enfant - de lui donner ou pas un nom.

Parmi les sculptures sur bois exposées au Caudan Arts Centre, PEM nous montre une pièce de bois qui «sort dan dife». À ce personnage sauvé des flammes, PEM n’a pas taillé un sourire, mais une bouche tordue et une main posée sur le front, pour signifier qu’il l’a échappé belle. «On devait en faire du charbon», se souvient le sculpteur.

Le bois, explique PEM, il ne le cherche pas. «Li ki rod mwa.» Là où il va, des bouts de bois jetés au bord de la route, entassés dans un coin de cour l’attirent comme des aimants. Tant pis si, cédant aux préjugés, certains croient, en le voyant ramasser ces bouts de bois, qu’il va les utiliser dans sa cuisine. «Zot dir, ey, li ankor kwi manze lor dibwa?» PEM raconte : quand il demande à son propriétaire s’il peut disposer d’un morceau de bois, immanquablement, «on veut savoir ce que je vais en faire». Alors, lui, moitié joueur, moitié ironique répond humblement, «misie, pena gaz».

Au détour de ces expériences, c’est toute une philosophie de vie que PEM partage. Lui qui montre dans l’exposition plusieurs Penseurs. «Pas le Penseur de Rodin», taquine-t-il. Mais pensées profondes il y a dans cet art qui s’attache à la simplicité. Que ce soit dans le bois du letchi, de longane, de goyave ou encore dibwa lakol, PEM a, à pour chaque pièce, une savoureuse anecdote, un souvenir, une comparaison avec un personnage de film.

On en sort enrichi, non seulement de la figure humaine que son imagination a fait surgir du bois, mais surtout de cette sagesse née d’un vécu loin d’être rose. PEM en a connu des nœuds une enfance difficile à faire le boy. Dans les années 1976-77, il gagne Rs 4,50 en travaillant pour la mairie de Port-Louis. Déjà, il s’exerce à la sculpture. À l’époque, vendre une œuvre à Rs 25, c’est comme Noël avant l’heure.

Lui qui occupe depuis 25 ans un espace au Caudan Waterfront a fini par devenir un pilier, une figure incontournable du front de mer. Sa fierté est palpable de monter à l’étage du Caudan Arts Centre, pour montrer ses sculptures, «dan freser»