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Rita Ramsaran: «Il faut instaurer la bonne gouvernance et la méritocratie au sein des entreprises»

15 novembre 2021, 16:00

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Rita Ramsaran: «Il faut instaurer la bonne gouvernance et la méritocratie au sein des entreprises»

À l’occasion de la «Global Entrepreneurship Week», l’on s’intéresse à nouveau à la place accordée aux femmes au sein des entreprises et start-ups. S’il a été constaté dans certains pays africains que les femmes sont désavantagées au profit de leurs collègues du sexe opposé, quid de la situation à Maurice ? Rencontre.

Faites-nous un constat de la place de la femme dans les nouvelles start-ups dans le pays…
C’est un fait que les femmes ont été les plus affectées par le Covid-19 à travers le monde ; elles étaient les premières à perdre leurs emplois, premières concernées par le «home schooling» entre autres. Le Covid-19 a recentré le rôle de la femme dans la maison et c’est là que l’entrepreneuriat commence. Donc, oui les femmes ont une place importante dans les startups mais il faut faire la différence entre l’entrepreneuriat par nécessité et l’entrepreneuriat par choix et c’est là que l’association est importante dans l’accompagnement des femmes entrepreneurs en devenir. Nous avons besoin de femmes qui choisissent de devenir entrepreneurs, qui comprennent les enjeux et sont prêtes à relever les défis car il y en a beaucoup. Par contre s’il y a plus de femmes qui rejoignent l’entrepreneuriat par nécessité, nous allons créer une communauté de femmes qui vont vite lâcher prise quand la situation se complique financièrement.

En septembre dernier, la sixième édition de «Quartz Africa Innovators» indiquait que les femmes entrepreneurs reçoivent le moins de soutien financier, même si elles ont de meilleurs projets. Retrouve-t-on cette disparité à Maurice ?
Oui, on retrouve aussi cette disparité à Maurice car les femmes sont rarement propriétaires de biens immobiliers dans le pays, ce qui les rend inévitablement moins éligible aux prêts bancaires. Aussi, la perception est que les femmes entrepreneurs sont des «secondary income earners» de la famille, et leurs activités financières sont souvent considérées comme moins importantes que celles de l’homme. Combien de familles sont prêtes à mettre leurs biens immobiliers à risque pour garantir l’entreprise de la femme ? Très peu, mais par contre si c’est pour l’homme le discours est différent.

Les femmes peinent toujours à être reconnues ou valorisées au sein des entreprises ; hélas, la crise sanitaire n’arrange rien. Dans le concret, comment faire avancer les choses ?
Oui, elles peinent toujours à être valorisées au sein des entreprises et encore plus avec la situation sanitaire. Malheureusement, la femme comme l’homme est le reflet de la société dans laquelle elle évolue, et cette société est fondamentalement patriarcale. C’est cet état d’esprit qu’il faut changer, mais on parle là d’une très longue transition. La valorisation de la femme se fait dès l’enfance à travers l’éducation en traitant les hommes et les femmes en égaux. À titre d’exemple, il faut commencer par valoriser les fonctions et les professions qui ont été traditionnellement féminines, un homme est médecin, mais une femme infirmière. Dans la pratique, il faut instaurer la bonne gouvernance et la méritocratie au sein des entreprises, la valorisation de la femme viendra alors d’elle-même.

Ceci étant dit, il y a pas mal de progrès avec plus de femmes occupant des postes à responsabilité, sommes-nous sur la bonne voie ?
Tout début est une bonne chose, être conscient que le plafond de verre existe, que les femmes sont désavantagées dans les postes à responsabilité est déjà un grand pas en avant.

Oui, nous sommes sur la bonne voie, mais en même temps il faut comprendre que nous ne voulons pas plus de femmes dans des postes à responsabilité dans la forme uniquement, pour simplement montrer que l’entreprise a un engagement. Il faut la conviction fondamentale que la femme peut apporter une contribution à l’entreprise, il faut donner à la femme la voix qu’elle mérite, accepter qu’elle pense différemment du ‘mainstream’ masculin et que c’est justement cette différence qui pourra faire avancer l’entreprise. Nous pourrons alors aspirer à plus de parité entre l’homme et la femme dans les postes à responsabilité et apprécier la contribution très particulière que la femme pourra apporter.

Qu’en est-il de l’égalité salariale ?
Cela coule de source, comment peut-on parler d’égalité sala- riale quand les postes qu’occupent les femmes traditionnellement sont généralement moins reconnus et valorisés ? On peut aspirer à avoir une parité entre les salaires homme-femme occupant le même poste, mais si on veut aller au fond des choses, il faut revoir le système et donner autant de valeur aux professions féminines, comme le professorat, entre autres, afin que le poste soit mieux rémunéré.

Dites-nous en un peu plus sur les projets et les ambitions de l’association…
Au sein de l’association nous sommes engagés dans la création d’une culture de l’entrepreneuriat parmi les femmes et cette mission fondamentale comprend deux axes. Premièrement, encourager les femmes à devenir entrepreneurs, nous le faisons déjà aujourd’hui à travers l’Academy for Women Entrepreneur avec la collaboration de l’ambassade américaine. C’est un projet qui vise à aider les femmes à devenir entrepreneurs. Nous les encadrons et nous apportons le support nécessaire.

Ensuite, encadrer les femmes en entreprises afin qu’elles soient plus résilientes et se maintiennent «in business». Pour cela, nous avons le projet Business Without Borders, sponsorisé par la MCB et l’ambassade australienne qui devient très important. Ce projet aide les femmes entrepreneurs existantes à faire face à la crise actuelle et à rester en entreprise malgré les présents défis.

La deuxième mission est l’ouverture de marchés sur la région Afrique-océan Indien et aussi globale. Nous sommes fiers de représenter Maurice au niveau de la COMESA Federation of Women in Business depuis septembre 2021. Nous avons accumulé du retard à ce niveau, car d’autres îles de l’océan Indien nous ont devancés au niveau de la pénétration du marché africain, et nous avons à rattraper ce retard afin de promouvoir notre mission et notre cause pour rendre les femmes indépendantes à travers la promotion d’une culture de l’entrepreneuriat soutenue.