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Droits d’auteurs │ Gérard Louis: «Si cela continue, Maurice va se retrouver sur une liste noire du piratage»

14 novembre 2021, 12:00

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Droits d’auteurs │ Gérard Louis: «Si cela continue, Maurice va se retrouver sur une liste noire du piratage»

On connaît le partage illégal des chansons par le public. Au grand dam des auteurs/compositeurs qui ne reçoivent aucune rémunération pour leur travail. Mais l’autre phénomène qui s’amplifie, ce sont les artistes qui piquent l’oeuvre d’autres artistes sans dire que c’est une adaptation. Faisant passer l’oeuvre pour une de leurs créations.

C’est la saison. Singles et albums envahissent le marché. Sauf que les fruits de la création sont parfois avariés. Le ver qui est dans le fruit est celui de la copie, «quand ce n’est pas du vol», s’insurge Gérard Louis, président de la Mauritius Society of Authors (MASA). 

Dans un élan de conscientisation, il aborde le sujet discordant des artistes qui piratent d’autres artistes, soit locaux, soit à l’international. «Si cela continue, Maurice va figurer sur une liste noire du piratage», s’inquiète-t-il. 

«Depuis un certain temps, dans la musique mauricienne, on peut compter sur les doigts combien de titres originaux sont sortis.» Quand Gérard Louis ne porte pas la casquette de président de la MASA, il est musicien, arrangeur et producteur. «Je trouve que la situation empire.» Catégorique, il dit qu’il ne faut pas croire que la tentation de s’approprier de la chanson d’un autre – sans reconnaître la paternité – n’est que l’oeuvre de jeunes talents. «Bann artis ki ena kara ousi pe pran sa move sime-la. Kan ou dir zot sa, zot ankoler.» 

Il y a deux manières de reprendre la chanson d’un autre. Soit une reprise à l’identique, sans rien changer à la mélodie, ni aux paroles. Si c’est un titre international, la MASA «vous dirige vers la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique (Sacem), qui, elle, donne l’autorisation pour les cover version». 

Gérard Louis répète. «Nous sommes contre le piratage. Quand un artiste est piraté, il porte plainte à la MASA.» Sauf que des artistes s’approprient de l’oeuvre d’un autre, «changent le titre et ne demandent aucune autorisation pour l’adaptation de cette oeuvre». 

Le producteur s’inspire de son vécu. Et d’une chanteuse qu’il produit : Sandra Mayotte, qui a repris «Il venait d’avoir 18 ans» sur l’album Mo pou res kouma mo été (2018). «Cela a pris presque neuf mois pour avoir l’autorisation de la maison de disques EMI. Quand je suis allé vers la Sacem, je pensais que ce serait classé dans la catégorie cover version. Mais comme c’est une reprise en créole, il fallait avoir l’autorisation des ayants-droits. Pa krwar bann etranze la pa konpran kreol. En plus maintenant il y a le dictionnaire. J’ai dû leur envoyer le texte en créole avant d’avoir l’autorisation.» 

Cela a pris neuf mois pour obtenir l’autorisation de reprendre «Il venait d’avoir 18 ans» de Dalida, sur cet album de Sandra Mayotte sorti en 2018.

Une fois le feu vert obtenu, la pochette doit mentionner les ayantsdroits de la version originale. Avant que la MASA n’enregistre l’adaptation, il faut «une lettre à l’appui des ayants-droits». 

Le président de la MASA va plus loin, dénonçant ces artistes qui «ne font que changer le titre de la chanson, croyant que personne ne le saura. Mais maintenant avec internet, tout se sait. Sa ena bokou ki fer sa. Même des artistes connus». Gérard Louis n’a cependant pas souhaité citer des noms. 

Il n’hésite pas à «couler» ces artistes mauriciens, «dont certains ont un producteur réunionnais» qui poussent la «malhonnêteté» jusqu’à aller vers la Sacem en disant qu’ils font une cover version, c’est-à-dire une reprise à l’identique. L’autorisation est plus simple à obtenir. Or, en réalité, c’est une adaptation d’une chanson qu’ils ont faite, chose qui demande des procédures beaucoup plus longues. 

Il parle aussi de ce chanteur – toujours sans citer de nom – qui a «fait un titre qui a bien marché. Sa chanson a été piratée. Des fans ont commenté sur les réseaux sociaux, en disant, «pauvre artiste. Li ti pe gayn so lavi». Alors qu’on s’est aperçu que ce chanteur, li mem li tinn kokin sa sante la. Pourquoi les gens avaient aimé sa version ? C’est parce qu’à l’époque, l’original avait bien marché». 

Un autre cas récent a frappé Gérard Louis. Celui d’un auteur mauricien qui a travaillé avec une chanteuse mauricienne produite par un Réunionnais. L’auteur, après avoir vendu son oeuvre au producteur, est entré en studio et a enregistré à son tour la chanson. Avant d’en changer le titre et de déposer la chanson à la MASA. «Li gagnan de-kote.»

 

 

Ces pirates… qui ont une autorisation 

<p>Il existe des cas où des artistes ayant piqué l&rsquo;oeuvre d&rsquo;un autre ont obtenu une autorisation de la MASA. Comment est-ce possible ? Il faut savoir qu&rsquo;au moment où un single ou un album est déposé à la MASA, c&rsquo;est uniquement une procédure administrative. Les chansons ne sont pas écoutées par la MASA. <em>&laquo;Certains changent le titre de l&rsquo;oeuvre originale et la déposent à la MASA.&raquo; </em>En l&rsquo;absence de vérification, ces artistes obtiennent une autorisation. <em>&laquo;Alors qu&rsquo;ils ont été malhonnêtes. Ils n&rsquo;ont pas signalé que c&rsquo;est une adaptation&raquo;. </em>Ce n&rsquo;est qu&rsquo;en cas de doute ou de plainte que le comité d&rsquo;écoute de la MASA siège. Cela arrive soit après diffusion sur les chaînes de radios publiques et privées, ou sur <em>YouTube</em>. La MASA peut initier une enquête d&rsquo;elle-même ou suite à une plainte. Gérard Louis rappelle que l&rsquo;année dernière la MASA a rencontré des radios publiques et privées pour aborder le sujet.<em> &laquo;Parfois les radios jouent le jeu des artistes malhonnêtes en diffusant des chansons qui n&rsquo;ont pas été déclarées à la MASA. Nous avons demandé à ces radios d&rsquo;exiger que l&rsquo;artiste fournisse la preuve que la chanson est bien en règle avec la MASA avant toute diffusion.&raquo;</em></p>