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Comme pour AgustaWestland: les pots-de-vin des avions Rafale sont passés par l’offshore mauricien

12 novembre 2021, 21:00

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Comme pour AgustaWestland: les pots-de-vin des avions Rafale sont passés par l’offshore mauricien

Le journal d’investigation français en ligne Mediapart vient de publier d’autres informations sur la vente d’avions à l’Inde par Dassault, qui est entachée de soupçons de corruption. Il accuse notre offshore d’avoir hébergé un compte utilisé pour le transfert des pots-de-vin. Mais c’était entre 2007 et 2012.

L’enquête sur la vente de 36 avions Rafale à l’Inde par Dassault rebondit via l’offshore mauricien. Il plane des soupçons de corruption sur ce contrat d’un montant de 7,8 milliards d’euros, datant de septembre 2016. 

Un certain Sushen Gupta aurait agi comme relais entre la firme française Dassault et probablement des politiciens ou hauts gradés de l’armée de l’air indienne. Mais l’identité de ces derniers n’est pas encore connue. Le paiement de ces «commissions», selon Mediapart, aurait été rendu possible grâce à de fausses factures de services IT qu’Interstellar Technologies Ltd aurait fournis à Dassault. Ces factures auraient déjà été adressées au Central Bureau of Investigation (CBI) indien par le bureau de l’Attorney General, Maneesh Gobin, le 11 octobre 2018, accompagnées d’une lettre de l’Attorney, en réponse à une requête en ce sens. 

Or, selon les médias indiens et Mediapart, le CBI n’aurait initié aucune enquête sur l’affaire Rafale alors qu’il l’a fait sur le deal AgustaWestland. Or, une semaine plus tôt, le 4 octobre 2018, «the CBI got a complaint alleging corruption in Rafale deal from lawyer Prashant Bhushan and former Union Minister Arun Shourie», ajoute le journal indien The Hindu. 

Entente entre rivaux ? 

Pourtant, c’était la coalition menée par le Congress Party de Sonia Gandhi qui était au pouvoir lors de ces paiements de pots-de-vin allégués. Et c’est le BJP qui est au pouvoir actuellement. Une certaine entente sur un sujet qui fâche les deux coalitions ? En tout cas, ces deux coalitions s’accusent mutuellement sur les estrades à ce sujet. 

Le montant du pot-de-vin allégué : 7,5 millions d’euros, soit environ Rs 375 millions, aurait été remis par Dassault via des sociétés tunisiennes à une compagnie appartenant à Sushen Gupta, Interstellar Technologies Ltd, basée à Maurice. C’est l’ancien partenaire de Gupta, Rajiv Saxena, qui avait révélé dans l’enquête sur AgustaWestland, un précédent scandale, que Sushen Gupta est derrière Interstellar Technologies Ltd. Voilà que cette même firme est maintenant citée dans l’affaire des avions Rafale de Dassault. Rajiv Saxena est considéré actuellement comme un témoin de la police après qu’il a donné ces détails. Il a été extradé de Dubaï en 2019. Il paraît aussi que Sushen Gupta était en possession de certains autres documents confidentiels appartenant au ministère de la Défense indienne. 

Encore ML Administrators 

Nous avons pu confirmer que cette firme a été incorporée à Maurice en 1996 mais qu’elle est passée sous administration en 2013. Qui était l’administrateur ? L’Indien ML Administrators Ltd, sis au quatrième étage, Hennessy Tower, Port-Louis, la même firme comptable indienne qui serait impliquée dans l’autre scandale d’achat d’armes de l’armée indienne, AgustaWestland, le défunt fabricant italo-britannique d’hélicoptères. C’est un certain Shakil Fakeermahamod qui était un des quatre directeurs. Ce personnage était à un certain moment pressenti pour être le candidat du Mouvement socialiste militant (MSM) au numéro 3 avant qu’il ne renonce à la politique. 

L’affaire AgustaWestland avait justement impliqué le même Sushen Gupta en 2010. Qui est cet Indien ? Selon le journal indien Indian Express, la famille Gupta est engagée dans la construction, l’importation et l’exportation de matériels militaires depuis trois générations. Avant que Sushen Gupta, le présent directeur, ne décide de développer des activités dans d’autres créneaux, qui rapporteraient gros. Dans l’affaire AgustaWestland, Sushen Gupta est soupçonné d’avoir perçu des «émoluments» comme consultant. 

«Interstellar was a shell company incorporated and intentionally used for laundering/routing kickbacks/commission paid by AgustaWestland through another company, IDS Tunisia», a déclaré le CBI. «Interstellar was removed/ wound up from Registrar of Companies, Mauritius, immediately after registration of instant CBI case in March 2013.»

Chut, secret défense ! 

Même si les enquêteurs indiens traînent les pieds, il semble bien qu’un juge français mettra son nez dans cette affaire de corruption soupçonnée sur la vente d’avions militaires à l’Inde. La tâche s’annonce ardue lorsque l’on constate les difficultés rencontrées auparavant par les juges d’instruction, face notamment au secret défense français. 

Ce genre de transactions découvertes plusieurs années après sont-elles toujours possibles dans notre secteur offshore ? 
C’est la question que nous avons posée à Mahesh Doorgakhant, le président de l’Association des Management Companies. Sa réponse : «The standards of control and review have kept on going up in Mauritius over the past decade. We have been whitelisted by the FATF and are about to become the first country to be compliant with the 40 recommendations.»