Publicité

L'Inde renforce sa défense le long de sa frontière himalayenne, un an après des heurts avec la Chine

3 novembre 2021, 16:07

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

L'Inde renforce sa défense le long de sa frontière himalayenne, un an après des heurts avec la Chine

La route sinueuse aux abords de la frontière indienne avec le Tibet, dans les montagnes de l'Himalaya, offre un panorama de carte postale où se dessinent au loin de scintillantes rivières et de paisibles lacs, mais on y distingue aussi, ici et là, de l'artillerie et des installations militaires. 

Un an après des affrontements dans la région du Ladakh qui avaient fait au moins 20 morts parmi les soldats indiens et quatre côté chinois, l'Inde renforce sa défense le long de la frontière qui sépare l'Arunachal Pradesh du Tibet, une zone sous haute tension avec la Chine. 

L'Etat indien de l'Arunachal Pradesh, dont Pékin revendique la souveraineté considérant qu'il s'agit du territoire Sud du Tibet, avait été brièvement occupé par la Chine, trois ans après la fuite en mars 1959 du 14e Dalaï Lama, lors d'un conflit bref mais sanglant.

Colonies chinoises à la frontière

Le dirigeant bouddhiste s'était réfugié dans cet État après l'échec d'un soulèvement contre la domination chinoise dans sa patrie tibétaine avant de s'établir ensuite à Dharamsala dans l'Etat indien de Himachal Pradesh, où il réside encore.

Les deux nations nucléaires rivales envoient chacune régulièrement des patrouilles dans les zones revendiquées ou contrôlées par l'autre. L'Inde accuse en outre la Chine d'établir des colonies permanentes proches de leur frontière. 

«Nous avons observé le développement d'infrastructures du côté chinois», a affirmé le lieutenant général Manoj Pande aux journalistes lors d'une rare visite de presse dans la région le mois dernier. «Cela a conduit à un nombre (accru) de troupes qui sont maintenant situées et installées là». 

New Delhi a répliqué en renforçant son dispositif militaire dans l'Arunachal Pradesh, y déployant des missiles de croisière, des obusiers, des hélicoptères de transport Chinook de fabrication américaine et des drones conçus en Israël.

Une géographie «hostile»

Les officiers de la région expliquent que les heurts de l'an dernier ont mis en évidence le besoin urgent de renforcer la défense de la frontière, après des discussions infructueuses avec Pékin en vue d'alléger les dispositifs respectifs. 

Les températures autour de Tawang - hameau stratégique isolé et l'un des plus proches du Tibet  - descendent souvent en dessous de zéro et l'oxygène à cette altitude se raréfie. Les avant-postes militaires des environs peuvent être coupés du monde extérieur des semaines entières en hiver. 

«La géographie de la région est hostile aux humains», a rappelé à l'AFP un brigadier de l'armée indienne, «cela peut être fatal si l'on n'est pas en pleine forme, entraîné ou acclimaté». 

Les ingénieurs de l'armée bâtissent un imposant tunnel routier à 4.000 mètres au-dessus du niveau de la mer, qui doit être inauguré l'an prochain, afin de relier la région aux artères situées plus au Sud et d'étendre le rayon d'action des soldats.

«De tels tunnels (...) permettront une connectivité par tous les temps pour les habitants et les forces de sécurité déployées à Tawang», a expliqué le colonel Parikshit Mehra, directeur du projet. 

Un projet similaire en chantier au Ladakh, sous le terrain rocheux du col de Zojila, permettra aux troupes de se mobiliser rapidement à la frontière depuis l'énorme garnison indienne du Cachemire. 

Le Dalaï Lama «est notre dieu»

La statue d'un bouddha surplombe les maisons de Tawang, bâti sur un plateau accidenté, dont la population est majoritairement bouddhiste comme toute la région. Les habitants se réjouissent de l'attention que leur porte New Delhi et s'inquiètent du risque de nouvelles incursions chinoises et des efforts déployés par Pékin pour éradiquer le bouddhisme de ce côté de la frontière. 

Le gouvernement chinois, officiellement athée, n'a pas caché son intention de nommer un successeur au Dalaï Lama, 86 ans, chef spirituel des bouddhistes tibétains. 

«Nous partageons notre culture avec le Tibet, mais la Chine d'aujourd'hui modifie le bouddhisme selon ses caprices», dénonce Dondup Gyaltsen, marchand de chaussures sur le marché principal de Tawang. 

Le pharmacien voisin Monpa Golang souhaite que l'Inde s'oppose fermement aux «tactiques de pression chinoises».

«Notre gouvernement devrait dire clairement qu'aucun bouddhiste n'acceptera que la Chine impose quelqu'un après le Dalaï Lama», ajoute cet homme de 75 ans, «il a peut-être l'air humain mais il est notre dieu».