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Navin Beekarry: «Certains puissants individus sont prêts à tout pour blanchir leur réputation»

2 novembre 2021, 18:06

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Navin Beekarry: «Certains puissants individus sont prêts à tout pour blanchir leur réputation»

Le directeur général de l’independent Commission against Corruption s’est entretenu avec notre confrère de «Business Magazine», dans une interview à paraître demain. Outre le sujet de la sortie de la liste grise, Navin Beekarry fait ressortir qu’il y a une certaine méconnaissance des méthodes d’investigation de l’ICAC, de ses procédures et de la finalité de ses enquêtes, entraînant perception d’opacité et de parti pris.

Ci-dessous des extraits choisis :

«Le Groupe d’action financière (GAFI) est bien mieux renseigné sur les agissements de l’ICAC qu’on peut le croire. Comme toute institution d’investigation, l’ICAC est tenue par le secret de l’instruction. Suivant le principe de la présomption d’innocence, nous ne pouvons divulguer les tenants et les aboutissants de nos enquêtes avant que la justice ne se prononce. Alors qu’on nous accuse de pratiquer l’opacité, c’est le principe de confidentialité qui nous gouverne, comme toute autre agence impliquée dans l’application des lois, dans la conduite des enquêtes et dans la protection des témoins, car ne nous pouvons dévoiler aux bandits ce qui les attend. (…)

Toutefois, Maurice étant un petit pays où tout le monde connaît tout le monde, il n’est pas étonnant que certaines indiscrétions apparaissent de temps à autre dans les journaux. Cela renforce malheureusement cette perception d’opacité et de partialité. Cependant, la connaissance publique de la présence de la délégation du GAFI à Maurice n’a fait qu’attirer davantage l’attention des Mauriciens sur ces enquêtes. Et les journalistes ont fait leur boulot.

En outre, la méconnaissance de nos méthodes d’investigation, de nos procédures opérationnelles et légales ainsi que de la finalité de nos enquêtes renforce malheureusement cette perception d’opacité et de parti pris. Nous nous réconfortons cependant que nos méthodes et procédures ont été sous l’oeil critique d’un chien de garde sévère comme le GAFI qui s’est dit satisfait des améliorations apportées dans l’efficacité de nos institutions engagées dans la lutte AML/CFT (NdlR : Anti-Money Laundering/ Combating the Financing of Terrorism), dont l’ICAC.»

(…) Nous ne pouvons dicter aux gens quoi penser, d’autant plus qu’à l’ICAC, nous sommes tenus aux secrets de l’instruction, comme je l’ai expliqué plus haut. L’ICAC – car je ne peux répondre que pour l’ICAC – est tenue d’opérer selon les paramètres déjà bien définis et dans les limites opérationnelles de nos lois. Et nous avons des comptes à rendre sous la loi. Il est normal que faute d’avoir accès à tous les éléments d’un dossier, certaines personnes se laissent aller à des conclusions hâtives et simplistes.

Il est malheureux qu’au fil des années, un discours s’est développé pour saper la confiance du public dans une institution nationale qui, de par sa mission, assainit l’environnement socio-économique du pays. Ce discours a engendré cette perception, sans fondement, d’opacité et de parti pris. Et cela profite à qui ? Il faut savoir qu’il y a de puissants individus sur lesquels nous enquêtons qui sont prêts à tout pour blanchir leur réputation.

(…) Dès le départ, il y a eu un engagement politique de haut niveau pour faire sortir Maurice de la liste grise du GAFI. Cette volonté politique, qui émane du comité interministériel et du gouvernement, a vite fait de galvaniser tous ceux concernés, dans un élan patriotique, pour travailler ensemble : les gens du gouvernement comme ceux du secteur privé. Avec toute cette bonne volonté réunie, nous ne pouvions ne pas réussir. On peut dire que le résultat aujourd’hui témoigne de cette volonté, du travail d’équipe et de cette coordination entre les secteurs public et privé.

(…) Précisons toutefois que le GAFI est concerné par les enquêtes de blanchiment, du financement du terrorisme, les enquêtes de corruption et autres crimes financiers dans une perspective de blanchiment et du financement du terrorisme. Dire que l’ICAC est seule responsable de l’inclusion de Maurice sur cette liste est complètement erroné et relève d’une ignorance de ce que comprend le système du GAFI, avec ses standards, sa méthodologie et son processus d’évaluation.

(…) Grâce à des formations pointues et grâce à des échanges fructueux avec nos partenaires, nous améliorons constamment nos opérations. Nous sommes condamnés à nous adapter continuellement à la complexité grandissante des délits liés à l’AML/CFT. À titre d’exemple, à l’ICAC, nous sommes actuellement en train d’accorder une attention particulière aux enquêtes correspondant au risk profile de Maurice. D’ailleurs, la mise en oeuvre des recommandations du GAFI n’a d’autre objectif général que d’améliorer notre performance et notre efficacité. N’oublions pas toutefois que nous n’avons pas d’autre choix que de garder le haut niveau d’efficacité dont le GAFI s’est dit satisfait.»