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Viols, violences, escroquerie et menaces: deux ans après ses plaintes contre Hussein Rahim, Emmeline Gautheron attend toujours

27 septembre 2021, 20:00

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Viols, violences, escroquerie et menaces: deux ans après ses plaintes contre Hussein Rahim, Emmeline Gautheron attend toujours

Il est connu pour avoir, entre autres, retiré sa plainte contre l’ex Attorney General Ravi Yerrigadoo qu’il avait accusé au départ de complicité dans une affaire de blanchiment d’argent. Serait-ce en raison de ce retournement de veste que la police le protège ? Deux ans après qu’une Française (parmi d’autres plaignantes) a porté plainte contre Hussein Abdool Rahim, les policiers n’ont réagi qu’après les questions de notre journaliste sur cette enquête.

Plusieurs plaintes ont été déposées à la police contre Hussein Abdool Hussein, notamment par la Française Emmeline Gautheron. Elle s’était même déplacée à Maurice, le 3 août 2019, pour le faire au Central Criminal Investigation Department (CCID) (OB 910/2019). Elle avait auparavant déposé plainte à Paris le 22 mai 2019 pour viol, menaces, chantages et escroquerie d’une somme de 32 400 euros (Rs 1,6 million). Son récit.

Emmeline vient passer des vacances en novembre 2018 dans l’île. Lors d’une visite à La Citadelle, elle fait la rencontre d’Hussein Abdool Rahim, qui lui propose son aide. Elle apprécie et lui donne en toute confiance son numéro de téléphone et son compte Facebook. Rahim l’emmène dès le lendemain visiter l’île.

 

La descente aux enfers

Le soir, un certain Raj Vik se met à faire chanter Emmeline via Messenger, donnant des détails sur sa vie privée, disant qu’il l’espionne alors qu’elle se change. Celle-ci en parle à Rahim qui, se posant en protecteur, lui assure qu’il va gérer la situation et lui fait comprendre qu’il est préférable de ne pas porter plainte à la police. Pleine de confiance en l’escroc, elle s’en remet donc à lui. Mais les harcèlements de Raj Vik continuent même si Rahim la fait déménager.

Sexe, mensonges et vidéo

Une nuit de décembre 2018, Rahim montre à la Française des messages de menaces reçus d’une personne qu’il dit être liée à Raj Vik et des documents relatifs à un compte bancaire à Dubaï contenant 7,45 millions d’euros (Rs 291 millions !) Il explique qu’il aurait gagné 10 millions d’euros sur Bet365 après avoir misé les 2 millions d’euros que lui avait remis un haut placé à l’époque, pour les blanchir. Il lui dit que le mystérieux complice de Raj Vik en est au courant et veut le faire chanter. Il doit, ajoute-t-il, lui remettre une somme d’argent pour avoir la paix. Entre-temps, Raj Vik continue à harceler Emmeline sur Messenger. Elle consent à remettre 7 600 euros à Hussein «pour donner à Raj Vik après que Hussein m’a raconté que toute sa fortune est bloquée en banque», nous dit-elle. Raj Vik, de son côté, se met à harceler la Française sexuellement. Elle ne veut le bloquer. «Hussein insistait pour que je garde contact avec le maître chanteur pour déjouer son plan.»

Lorsqu’elle rentre en France, le 20 décembre 2018, faisant escale en Allemagne, les messages de menaces la poursuivent. Un certain Karl Flex lui envoie un e-mail l’informant qu’il l’a suivie en Allemagne. En France, les menaces et chantages par e-mail reprennent de plus belle.

Une fois en France, après l’apparition du nouveau maître chanteur «allemand», Rahim demande à Emmeline de reprendre contact avec Raj Vik, qu’elle venait de bloquer, pour en savoir plus sur cette bande. Il lui annonce qu’il a appelé Didier, un de ses amis travaillant à Interpol à Lyon, qui a promis de l’aider à mettre fin aux manœuvres de la bande. «Didier, raconte Emmeline, me contacte d’un numéro privé et me demande d’inciter Raj Vik à me parler même s’il faut user de moyens sexuels via vidéo.» Raj Vik, de son côté, n’arrête de lui demander d’effectuer des actes sexuels pendant les conversations vidéo sur Messenger. Mais la Française refuse. Voilà maintenant qu’un agent d’Interpol lui dit de s’exhiber. «Hussein me poussera à obéir, tout en me traitant de tous les noms.» Ce genre de jeu subtil de Rahim sera utilisé plus tard à maintes reprises. Désemparée, Emmeline cède. Si elle se laisse voir par Raj Vik, elle ne le voit pas, sauf ses parties intimes.

À la demande de Rahim, Emmeline donnera 18 300 euros à remettre à Didier, pour couvrir ses frais d’investigations. Plus 5 000 euros au compte d’une des amies de Rahim, amie qui se révélera être une autre de ses victimes. C’est ce transfert qui permettra à Emmeline d’entrer en contact avec celle-ci par la suite (nous y reviendrons).

Sous emprise

Lorsqu’elle revient à Maurice en janvier 2019, voilà Raj Vik qui veut la rencontrer physiquement ! Il est 23 heures en ce 27 janvier 2019. Rahim laisse Emmeline seule dans l’appartement de Pereybère et l’appelle peu après pour lui dire qu’il va rencontrer Raj Vik à Bain-Bœuf pour des «explications». Elle reçoit tout de suite après un message de Raj Vik lui demandant de le rejoindre sur la plage de Pereybère sinon, menace-t-il, ses amis tueront Hussein. Face à ces pressions, elle décide d’aller au rendez-vous. Il est presque minuit quand Emmeline arrive sur la plage «déserte et noire». Elle voit un homme le visage couvert d’un tissu et qui porte une casquette. Il ne parle pas mais déshabille partiellement Emmeline, complètement tétanisée. L’homme ne l’embrasse pas mais s’adonne à d’autres actes avant de tenter d’avoir des relations intimes avec elle. «Je le repousse à l’aide de mes pieds en disant non. Il mettra quand même son sexe de force dans ma bouche, ce qui me donnera envie de vomir.» À la suite de quoi, Raj Vik, par gestes de la main, lui ordonne de partir. En prenant le chemin de retour à pied, «je croise comme par hasard Hussein en voiture et qui me dit qu’il me cherchait». Ensemble, ils cherchent Raj Vik mais ne le retrouvent pas. Ce qui étonnera Emmeline, c’est de voir Rahim prendre directement la direction du lieu où Raj Vik l’a violée…

Pleurs et colère de «l’amoureux»

«J’ai commencé à avoir de gros soupçons sur Hussein après le premier incident sur la plage de Perey-bère. Je pensais que ce dernier et Raj Vik n’étaient qu’une seule et même personne», commente Emmeline. Mais en même temps, ajoute-telle, elle ne voulait laisser transparaître ses soupçons, tellement elle avait peur de sa réaction violente. D’ailleurs, l’escroc lui faisait souvent des scènes de colère et même de… larmes lorsqu’Emmeline posait trop de questions. Il lui disait «tu veux ma mort, tu es contre moi, tu es complice de mes ennemis ?», le tout tellement bien joué que la pauvre Emmeline se retrouvait prise de doutes et de pitié.

Elle finit par informer Raj Vik qu’elle est d’accord pour le rencontrer chez elle. Lorsqu’il débarque, Emmeline ne le distingue pas dans l’obscurité, mais quand elle couche avec lui, «j’ai pu le reconnaître à son ventre épilé après y avoir posé furtivement ma main pour essayer de sentir ce signe distinctif». Après l’acte très bref, Raj Vik se rhabille et quitte l‘appartement. Quelques minutes après, Emmeline va vérifier la plaque de la voiture rouge qu’elle avait aperçue avant l’arrivée de Raj Vik sur le parking. «Là, je découvre que c’est la voiture de Hussein et je le vois au volant, plus ou moins dévêtu. Même s’il me restait quelques doutes, le voir dans la même voiture qui était là avant, me fait un choc.» Rahim lui crie de remonter dans sa chambre sur-le-champ.

En arrivant dans l’appartement, Rahim, d’un air menaçant, la pousse, le doigt appuyé sur la trachée d’Emmeline en lui lançant avec rage «je vais t’éliminer, tu es leur complice». Emmeline arrive à le calmer. Il lui ordonne alors de lui montrer que toutes les conversations entre eux et avec les harceleurs ont bien été effacées. Elle s’exécute. Mais ce que Rahim ne sait pas, c’est qu’elle en a gardé un certain nombre, en toute sécurité. Qui lui serviront de preuves…

Le masque tombe

Les harcèlements de Raj Vik cessent le 9 février. En fouillant sur le compte Facebook de Raj Vik en l’absence de Rahim grâce au mot de passe que ce dernier lui avait remis, Emmeline découvre qu’il s’agissait effectivement du compte de Rahim car, dès la création du compte de Raj Vik, les recherches, liste de contacts et les appels étaient connectés à son téléphone.

Retour

Lorsque Hussein vient en France en mars 2019, Emmeline accepte de le voir après ses promesses de la rembourser. Car Emmeline voulait surtout récupérer son argent. Cependant, ne voyant pas venir les sous à partir des soi-disant comptes en Europe, Emmeline décide de ne plus le voir. Rahim n’est pas content et passe aux menaces. Il l’informe qu’il a pris des photos d’elle sous la douche ainsi que des vidéos pendant leurs rapports sexuels, toutes à l’insu d’Emmeline. Quand elle ne cède pas à ces chantages, Rahim parle de diffuser ces images au bureau où elle travaille et même à son père si elle ne revient pas avec lui. Elle résiste et finit par couper contact avec Hussein Abdool Rahim le 11 mai 2019.

Elle porte plainte à la police française le 22 mai 2019, en donnant le maximum de détails et de pièces à conviction qu’elle a sauvegardées. Rahim reconnaîtra, le 24 mars 2019, dans une audio, que c’est lui qui était derrière ces pseudos.

Mais il dépose plainte contre la Française pour diffamation, vol de portable et extraction illégale d’informations extrêmement sensibles sur l’État mauricien ! Cette plainte sera classée sans suite en octobre 2020.

Immobilisme du CCID

Lorsqu’Emmeline porte plainte aux Casernes centrales en août 2019, les policiers lui promettent de lui envoyer une copie de la déposition par e-mail mais ils ne le feront pas. Ses mails et messages subséquents demeureront sans réponse. Contactés par l’express, les deux policiers en charge de l’enquête, le sergent Domah et l’inspecteur Ramdonee, ne veulent rien nous dire si ce n’est que l’enquête progresse, bien que nous avouant que Rahim n’a pas encore été interrogé. «Il y a des procédures à suivre et des faits à confirmer» avant de le convoquer.

Le chef inspecteur Sumaruth, qui avait proposé galamment son aide à Emmeline, nous parle de l’éthique qui l’empêche de nous dire si Hussein Abdool Rahim a été au moins interpellé et interrogé. Selon nos informations, l’Inspecteur Ramdonee n’a même pas contacté le département informatique de la police jusqu’à présent. On apprendra que le CCID a finalement demandé à Rahim de se rendre aux Casernes centrales, après notre coup de fil à ces policiers. Depuis, plus rien.

Contacté, Hussein Abdool Rahim nie tout, même lorsque nous disons que nous avons des preuves, se contentant de nous rétorquer qu’il faudra convaincre une cour avec ces preuves. Pour lui, Emmeline s’en prend à lui parce qu’il a décidé de cesser leur relation.

Mais Emmeline n’est pas la seule… Le nouveau feuilleton ne fait que commencer.