Publicité

Éclairage: ouverture totale des frontières contre vents et marées

8 septembre 2021, 22:39

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Éclairage: ouverture totale des frontières contre vents et marées

À trois semaines de la réouverture complète des frontières, l’urgence sanitaire reprend le devant de la scène avec l’explosion de cas du Covid-19. Une moyenne de plus de 200 nouveaux cas enregistrés chaque jour, dépassant largement aujourd’hui la barre des 10 000 depuis mars 2020 et frappant durement des hommes et des femmes asymptomatiques. Cela vient du coup cristalliser les inquiétudes sur la gestion de la pandémie alors qu’il y a quelques mois, nos dirigeants se flattaient de la posture «Covidsafe» de Maurice.

La triste réalité est que, contrairement aux cas importés dans le passé, le virus circule aujourd’hui dans la communauté. Sans les gestes barrières de toute la population, couplés à une vaccination de masse, les autorités médicales compteront le nombre de victimes face à cette pandémie avec des risques de décès augmentant dangereusement.

Face à ce décor peu reluisant où la tentation est forte chez certains d’instaurer un troisième lockdown, les deux précédents ayant coûté au pays plus de Rs 70 milliards, il y a nécessité pour tous les «stakeholders» de rester lucides et réalistes. Notamment dans le sillage d’une première vague touristique que les hôteliers attendent à partir du 1er octobre et où ils redoubleront d’efforts et de créativité pour rassurer les premiers clients.

Si certains spécialistes ne misent pas sur une explosion des arrivées touristiques, loin des 309 000 touristes accueillis à l’issue du premier semestre 2020, les autorités se veulent plus confiantes, estimant que l’objectif de 325 000 touristes pour les trois prochains mois ne relève pas d’une utopie mais, au contraire, d’une estimation mûrement réfléchie. D’ailleurs, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, croit dur comme fer que cette estimation budgétaire est réalisable ainsi que les 650 000 pour l’année fiscale 2021-22. Tant mieux pour le pays et pour les Rs 60 milliards de recettes en devises étrangères qu’engrange l’industrie touristique dans une année normale.

Compétiteurs

Pour autant, d’autres problématiques doivent être prises dans l’équation. À cet égard, relevons ce que toutes les agences internationales confondues – du FMI à l’agence Moody’s en passant par la Banque mondiale – ont souligné sur le tourisme mauricien, à savoir qu’il faudra attendre 2024 pour que cette industrie retrouve son niveau d’avant-crise de 2019. Raison avancée : la situation sanitaire dans les pays émetteurs de touristes couplée aux restrictions imposées sur les voyages, continuera d’affecter leur industrie touristique. Même si le taux de vaccination dans certains pays, comme la France, le principal bassin touristique pour le pays, progresse avec plus de 67 % de sa population totalement vaccinée, les touristes français, comme leurs voisins européens, privilégient le tourisme intérieur. La situation se corse davantage quand, dans la région, un pays comme l’Afrique du Sud, qui demeure un gros réservoir touristique, fait toujours face aux séquelles d’une crise sociale et économique, dont la récente flambée de violence, qui risque de refroidir l’ardeur de ses touristes à voyager

Par ailleurs, dans un récent rapport, Moody’s rappelle comment l’activité touristique de Maurice demeurera à la traîne de l’économie nationale pendant longtemps encore. En cause, les changements dans les comportements de voyageurs qui privilégient des destinations courtes au détriment de celles de longue durée. Du coup, l’impact économique du Covid-19 a réduit comme une peau de chagrin le pouvoir d’achat des visiteurs potentiels en raison du taux de chômage élevé et des niveaux de revenus inférieurs dans des marchés touristiques par excellence pour Maurice. De plus, les niveaux d’endettement auxquels sont confrontées des compagnies aériennes internationales pourraient amener certaines à ne plus desservir la destination mauricienne.

Certes, les hôteliers, qui ont vu leur trésorerie plongée dans le rouge ces 15 derniers mois, peuvent être tentés de pratiquer des forfaits anormalement élevés susceptibles de refroidir l’ardeur des touristes. Cela pour se rattraper financièrement durant cette longue période de vaches maigres. Une stratégie qui pourrait s’avérer suicidaire dans le contexte actuel alors même que des compétiteurs régionaux de taille, comme les Seychelles et les Maldives, se disputent âprement le même créneau pour grossir leurs parts de marché.

D’ailleurs, les statistiques sont révélatrices du succès commercial de la réouverture de leurs frontières. À titre d’exemple, au premier semestre 2021, les Maldives ont augmenté de 30 % leurs arrivées touristiques, passant de 392 735 l’année dernière à 510 564 cette année alors qu’aux Seychelles, après une réouverture en trombe, les autorités ont dû momentanément refermer les frontières en raison d’une multiplication de cas. Conséquence, la réouverture a vu les arrivées touristiques subir l’effet du Covid, avec 50 444 touristes pour les premiers six mois de l’année contre 89 147 l’année dernière. Toutefois, les autorités seychelloises vont finalement engranger les mêmes recettes qu’en 2019 en tablant sur des touristes largement dépensiers.

Les autorités ont visiblement intérêt à apprendre des expériences du passé de ces deux compétiteurs pour s’assurer que la réouverture se passe sans anicroche. Le succès des Maldives, relève un professionnel du tourisme, est l’adoption d’une politique d’ouverture totale de l’accès aérien.

Oserons-nous le faire à Maurice ? Sans doute pas nécessairement au même degré que nos compétiteurs, selon les spécialistes de l’aviation civile. Cela, vu qu’avec la nouvelle configuration du paysage aérien avec un MK cloué au tarmac plus d’une quinzaine de mois suivant sa mise en administration volontaire en avril 2020, la prudence est de mise, notamment si les voyageurs souhaitent voir revoler le Paille-en-queue.

Partenaire incontournable

Évidemment, MK, comme partenaire incontournable de l’industrie touristique, doit se réinventer dans sa mission stratégique en s’appuyant sur son nouveau business model et redevenir ce maillon-clé dans la chaîne des valeurs pour créer de la richesse économique. Air Mauritius doit-elle limiter son rôle à une institution de soutien aux industries exportatrices et dans le cas présent au secteur touristique en abaissant ses tarifs pour transporter un plus grand nombre de voyageurs et assurer sa reprise ?

La question est posée alors même que des capitaines de l’industrie s’interrogeaient dans le passé si MK avait la vocation de faire des profits. N’empêche que pour le moment, l’État doit mettre le paquet pour que la compagnie aérienne nationale se donne les moyens de cette renaissance.

En attendant, la campagne de vaccination tous azimuts demeure la seule planche de salut pour permettre au pays de respirer économiquement et à la population de trouver une tranquillité d’esprit face à un virus avec lequel on sera obligé de vivre. La défiance affichée aux différents vaccins à l’échelle planétaire, voire locale, ne demeure fort heureusement que celle d’une minorité.