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Droits des femmes: pourquoi les «gender gaps» perdurent-ils ?

8 septembre 2021, 16:39

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Droits des femmes: pourquoi les «gender gaps» perdurent-ils ?

Hier, mardi 7 septembre, Pravind Jugnauth a procédé au lancement d’une formation en «Gender mainstreaming» à l’intention de 150 fonctionnaires. Objectifs: identifier les écarts entre les genres dans les ministères et élaborer une stratégie. Si l’initiative est bien accueillie par les défenseurs des droits des femmes, en revanche, tous s’accordent sur le fait que les «gender gaps» perdurent toujours en 2021. Pourquoi?

«Les écarts entre genres ne datent pas d’hier mais sont ancrés dans notre historique. Avant, plus de garçons poursuivaient des études supérieures comparé aux filles. Évidemment, cela a laissé des séquelles. Depuis, il y a eu des progrès, notamment avec des femmes occupant des postes à échelons assez, voire très élevés pour le pays», constate Kris Ponnusamy, ancien haut fonctionnaire.

En effet, selon la Southern African Gender Progress Study, menée entre 2019 et 2021, Maurice affiche un score de 72 % contre un taux de 61 % pour la région en matière de progression pour les attitudes du genre. De plus, le rapport du Global Gender Gap de mars 2021 classe Maurice à la 110e place sur 156 pays. Le Top 3 comprend l’Islande, la Finlande et la Norvège ; et les trois derniers l’Iraq, le Yémen et l’Afghanistan respectivement. En 2020, notre île était classée 115e , équivalant à une progression de cinq places.

Une progression lente mais perceptible depuis les cinq dernières années, indique Anushka Virahsawmy, directrice de l’association Gender Links, qui accueille favorablement la formation au Gender mainstreaming lancée hier à l’intention de 150 fonctionnaires. En 2020, le nombre d’employés formés était de 60 pour ce programme qui durera cinq ans et sera assuré par le ministère de l’Égalité du genre, en collaboration avec le Civil Service College Mauritius. «Cela implique d’insérer la notion du genre dans les politiques et fonctionnements d’un pays ainsi que dans les budgets consacrés aux hommes et aux femmes. C’est un pas en avant, une belle démarche. Mais comment cela sera-t-il intégré ? C’est un énorme travail qui ne se fera pas du jour au lendemain.»

Malgré les progressions régionales et locales, en 2021, les gender gaps perdurent, déplore Prisheela Mottee, présidente et fondatrice de Raise Brave Girls. Pourquoi ? La faute au manque «d’empowerment», répond-elle. «Maurice a parcouru un bon bout de chemin mais maintient des pratiques patriarcales comme la pression pour que la femme se marie autour de 25 ans et ait des enfants plutôt que de faire carrière. Ces petits détails importent beaucoup au sein des couples et ce, indépendamment de leur niveau d’éducation», déclare-t-elle.

Définitivement, ces disparités entre genres constituent un gros problème pour hommes, femmes et la communauté LGBT, poursuit Anushka Virahsawmy. Selon Statistics Mauritius, seulement 11,9 % de femmes étaient à la tête des entreprises comparées à 18,6 % chez les hommes l’an dernier. De plus, les Mauriciennes sont largement sous-représentées dans la prise de décision.

Trois femmes seulement occupent les postes de mi- nistres sur 24, indiquent les statistiques nationales. Des lacunes qui seront identifiées par le projet de Gender mainstreaming. «Pourquoi n’avons-nous jamais eu une femme à la tête du ministère des Finances, Première ministre ou leader d’un parti politique ? Est-ce à dire que cer- taines ne sont pas compétentes ?» s’interroge la directrice de Gender Links.

Prolongeant cette pensée, Kris Ponnusamy évoque d’autres domaines où les femmes ne briguent pas la plus haute fonction, soit comme commissaire de police ou des prisons. Toutefois, d’autres filières y sont plus propices, notamment le judiciaire avec une percée remarquable des femmes et le milieu universitaire avec des femmes scientifiques et chefs de départements. Sur cet aspect, Statistics Mauritius mentionne que la proportion de femmes occupant des postes à responsabilités dont ceux de Senior Chief Executive, Permanent Secretary, Deputy Permanent Secretary, directrices, juges et magistrates était de 39,7 % en 2020. «L’initiative du Gender mainstreaming crééra des role models. Il faut combler le fossé pour une société d’égalité des chances pour tous», observe-t-il.

Comment résoudre ces disparités du genre pour de bon ? Un cadre juridique et des plans d’actions qui se concrétisent véritablement, affirme la directrice de Gender Links. «Une fois ceux-ci institués, il faut multiplier la formation jusqu’à ce que le genre devienne un réflexe. Nous sommes encore dans un pays patriarcalet il nous faut faire des efforts pour inverser la situation, ce qui n’est pas le cas de la Finlande, par exemple», confie-t-elle.

Pour l’ancien haut fonctionnaire, il faut prôner une accélération dans les secteurs où la progression stagne. «Je pense au secteur privé, notamment au sein des conseils d’administration. Il faut un mouvement plus coordonné pour les femmes, ce qui peut aussi s’appliquer dans le secteur public», suggère-t-il.

Prisheela Mottee désigne trois niveaux d’intervention : une analyse des anomalies actuelles, l’élaboration d’un plan d’action et enfin, son évaluation. «On peut voir les mesures instituées pour hommes et femmes à la fin de l’année financière. Idem pour les salaires où la différence est toujours visible dans le secteur privé. Un exemple intégrant le Gender mainstreaming est le changement pour un congé parental plutôt que de maternité ou paternité. Ce sont là des possibilités qui peuvent s’insérer comme actions dans un Gender Statement», confie-t-elle.