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Projet pilote: Pourra-t-on planter du chanvre ?

15 août 2021, 17:00

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Projet pilote: Pourra-t-on planter du chanvre ?

Le Conseil des ministres en a pris note la semaine dernière. Le cannabis industriel, soit le chanvre, sera cultivé sur une base pilote chez nous. Depuis, les questions fusent : est-ce que les citoyens lambda seront, eux aussi, autorisés à «plant zaferla» ? Lancera-t-on des appels d’offres ? Comment cela se passera-t-il ? Le flou plane.

Un projet pilote a été annoncé la semaine dernière. Les autorités testent la culture de chanvre industriel à Maurice. Comment cela fonctionnera-t-il ? Qui peut intégrer ce domaine? A quelle fin sera destinée la production ? Autant de questions en attente d’éclaircissements des autorités locales.

«On accuse deux ans de retard par rapport à La Réunion. Il était temps que Maurice s’y mette. Avec cette décision du cabinet ministériel le 6 août 2021, on voit que le cannabis sort graduellement de sa diabolisation. Cependant, il faut qu’on sache comment ce projet de cannabis industriel va être structuré», déclare d’emblée Amrish Lachooa, porte-parole de Cannabis Legalization and Informative Movement (CLAIM). En effet, les seules informations disponibles indiquent que des essais pour la culture de chanvre industriel seront effectués par le ministère de l’Agro-industrie et le Food and Agricultural Research and Extension Institute (FAREI).

A ce stade, les seules informations disponibles indiquent que cinq kilos de semences seront importés et cultivés et que la variété privilégiée – le Cannabis Sativa – contiendra moins de 0,3 % de delta-9-tetrahydrocannabinol (THC), soit avec une concentration minimale d’effets psychotropes. Mais d’où proviendront ces se- mences ? Comment se fera la culture du cannabis industriel ? Et surtout par qui ? «Qui aura les permis ? Hormis les propriétaires sucriers, les nouveaux planteurs auront-ils leurs chances ?», s’interroge Amrish Lachooa. Selon lui, les semences pourraient provenir du Népal, de l’Inde ou encore de l’île sœur. Trois variétés devraient être importées pour les essais locaux, souligne-t-il.

De son côté, Percy Yip Tong, membre fondateur du Collectif Urgence Toxida (CUT), évoque le besoin de précisions sur ce projet. «On est agréablement surpris par cette décision d’étudier l’implantation du cannabis industriel mais on attend à en connaître les paramètres. Déjà, il faut déterminer la provenance des graines et dans quels secteurs de production Maurice compte se spécialiser», fait-il ressortir.

Sur cet aspect, de multiples possibilités existent, soutiennent nos interlocuteurs. A l’exemple des composants de la plante pouvant être utilisés pour fabriquer des huiles essentielles pour des shampooings, du savon et autres cosmétiques. Le chanvre industriel peut aussi être employé dans la fabrication de briques de constructions iso thermiques, donc résistantes au chaud et au froid, la production de biocarburants, de textile, d’alimentation animale et de litières pour chevaux et petits animaux. Le chanvre peut aussi être une alternative au plastique entre autres. «Ce sera là le rôle des transformateurs. L’industrie créera de l’emploi et de l’innovation. Cela va dynamiser l’économie et surtout motiver les jeunes entrepreneurs», estime Amrish Lachooa. Grâce aux fibres du cannabis industriel, on peut fabriquer de la pâte à papier, des cordes et ficelles, des laines isolantes, matériaux composites entre autres.

Régénérer les sols

Hélas, poursuit-il, le Mauricien ne pourra s’adonner à la culture de chanvre industriel dans une arrière-cour car cette activité se compte par arpent. Donc les terrains agricoles sont tout indiqués. «Bien que la terre de la canne soit chimiquement polluée, il faut savoir qu’après trois récoltes, le chanvre régénère les sols. Ce créneau va aussi intéresser les investisseurs du monde entier. Mais on doit déterminer dans quelle spécialisation Maurice oeuvrera», souligne Percy Yip Tong. Le potentiel d’exportation des produits est aussi évoqué par le porte-parole de CLAIM.

Selon nos interlocuteurs ainsi que des agriculteurs, dans le monde, l’industrie du cannabis industriel fait un carton et brasse des millions. Au Canada, par exemple, on parle de nouvel eldorado pour les investisseurs. La France est désignée comme un des leaders du marché, avec une production annuelle de 50 000 tonnes de chanvre industriel. D’autres qui s’imposent dans ce domaine sont les États-Unis, la Chine, l’Europe entre autres.

Comment est structurée l’industrie dans ces pays ? A la Réunion, c’est régi sous la loi agricole, confie Percy Yip Tong. «C’est une plante qui est vendue pour fabriquer d’autres produits. Elle repose sur les lois européennes. Ce modèle est à répliquer à Maurice», soutient-il. Selon le règlement sur le chanvre industriel au Canada de 2018, la teneur en THC ne doit pas dépasser les 0,3 % comme préconisé par l’Etat mauricien. Toute activité incluant la vente du chanvre industriel, l’importation ou l’exportation des grains, la culture du cannabis industriel entre autres est autorisée sous possession d’une licence. En Belgique, le règlement européen 1307/2013, autorise la culture du cannabis industriel pour créer maints produits comme du papier, du textile, des matériaux de construction et du plastique biodégradable.

À l’heure actuelle, dans ce pays, l’industrie du chanvre connaît un regain d’intérêt avec diverses entreprises qui y bourgeonnent. En Australie, cette activité économique est également régie par la loi. En effet, la Tasmanie l’a légalisée depuis 1995, suivie par Victoria en 1998 et le Queensland en 2002. En 2004, l’Australie-Occidentale leur a emboîté le pas avec la promulgation d’une législation sur le chanvre industriel permettant aux détenteurs de permis à s’y adonner à l’échelle industrielle. D’autres États ont suivi.

À Maurice, tout indique que le succès des essais cliniques et l’adaptation du cannabis industriel sur nos sols impliqueront des amendements légaux si le projet pilote s’avère concluant. Contacté, le ministère de l’Agro-industrie nous déclare ne pas avoir de nouvelles informations sur ce projet à ce stade.