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Alain Gordon Gentil: «Quand la MBCTV diffuse des films sans payer les droits d’auteurs, vous avez compris où on vit»

23 juillet 2021, 20:30

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Alain Gordon Gentil: «Quand la MBCTV diffuse des films sans payer les droits d’auteurs, vous avez compris où on vit»

Pamplemousses Editions vient de lancer un site de vente de livres électroniques et de films à être téléchargés. Une occasion pour Alain Gordon-Gentil de revenir sur le manque de soutien aux artistes.

Le virtuel connaît une nouvelle normalité avec la pandémie. Qu’est-ce qui vous pousse à lancer un site de vente en ligne de livres et documentaires ? 
Il faut préciser que ce site vend uniquement des livres et films en version électronique et pas en hard copy. Je n’ai pas désiré faire concurrence aux libraires mauriciens qui ont déjà suffisamment de mal à vendre des oeuvres mauriciennes, livres ou films. Nous sommes complémentaires. Dans un deuxième temps, nous aurons un espace qui s’appellera Mauriciens du Monde (MDM), un forum d’échanges où les Mauriciens de la diaspora pourront partager non seulement sur les livres et films mais aussi sur le pays en général dans des débats de société, par exemple. Nous voulons en faire une plateforme d’échanges et de rencontres.

Si vous avez choisi ce créneau, est-ce à dire que la vente traditionnelle des biens culturels stagne ? 
Non pas du tout en ce qui nous concerne. Les livres et documentaires se vendent comme d’habitude, hormis la période de Covid où les librairies étaient fermées. Comme vous le savez sans doute, le gouvernement a estimé qu’il était plus important d’ouvrir les quincailleries et laisser fermées les librairies. Cela vous montre l’utilité d’un ministère de la Culture et son influence sur l’action gouvernementale.

Parlez-nous du catalogue. Quelles sont les pépites, les best-sellers, les oeuvres méconnues qui méritent qu’on les découvre ? 
Sur le site Pamplemousseseditions.com, vous découvrirez à part des auteurs connus comme Amal Sewtohul, Christine Duvergé, Georges Lewis Easton, etc. des livres sur l’histoire, des livres pour enfants, dont le célèbre Tension Kayman de René Noyau, des récits, des livres d’entretien comme avec Gérard Sullivan, la biographie de Michel De Spéville, du théâtre avec Marika est partie, et bien d’autres choses. Pour les films documentaires, vous trouverez à être téléchargée, la série Venus d’ailleurs, qui raconte l’histoire du peuplement de Maurice, le film sur Gaëtan Duval, Les enfants de l’exil, qui raconte l’histoire de notre diaspora. Il est important en ces temps difficiles pour tout le monde, de préciser qu’un livre ou un film en version électronique coûte 50 % moins cher que la version papier ou le DVD.

Qu’en est-il des nouveautés ? 
La nouveauté déjà en ligne est un conte pour enfants avec la version audio. Telfair le jardin enchanté, écrit par Amarnath Hosany et Kavinien Karupudayyan. C’est une très belle histoire qui se passe dans un lieu magique. J’ai souhaité en tant qu’éditeur accompagner le livre d’une version audio, racontée par la comédienne Rachel De Spéville. Il permet aux enfants de lire et d’écouter en même temps, ce qui peut aider à améliorer la lecture. Par ailleurs, nous avons aussi décidé d’offrir des copies du livre/audio au Loïs Lagesse Trust Fund et à Lizié dans lamé. Les enfants malvoyants ou non voyants pourront ainsi découvrir la littérature jeunesse de leur pays.

Le métier d’éditeur, hors des manuels scolaires, est semé d’embûches. Assistons-nous à une réinvention de Pamplemousses Editions ? 
Non. C’est juste une continuité. Que le métier d’éditeur soit semé d’embûches est peu dire. Mais cette nouvelle étape, c’està- dire offrir notre catalogue complet en version électronique, répond à un besoin que j’ai cru déceler pendant le tournage du documentaire Les enfants de l’exil. Les Mauriciens de la diaspora sont nombreux à suivre l’actualité du pays. Nous avons vu dernièrement à quel point ils veulent s’impliquer dans la vie de leur pays d’origine. Ce site leur permet d’avoir accès immédiatement à nos publications, livres ou films sans avoir besoin d’attendre de longues semaines (en ce moment de longs mois) pour lire un livre ou voir un documentaire. C’est pour eux, surtout, que nous avons réalisé ce site. Bien sûr, les Mauriciens sont les bienvenus, cela va sans dire.

Pendant le premier confinement, on a assisté à un foisonnement d’artistes partageant leur créativité gratuitement. Le second a vu moins de présence artistique en ligne. Comment l’expliquez-vous ? Est-ce dû aux préoccupations/ difficultés matérielles devenues plus pressantes ? 
Je vous parle ici en tant qu’artiste et non en tant qu’éditeur. Il faut le dire : TOUS les ministères de la Culture n’ont servi à rien, à part faire des séminaires, des rencontres où l’on débite des lieux communs mille fois entendus. Mais il ne faut pas juste parler du gouvernement. Il faut aussi parler de nous, en tant que peuple, de notre mépris des artistes. Quand la télévision nationale, la MBCTV, diffuse des programmes sans permission et sans payer des droits d’auteurs, vous avez compris dans quel pays on vit.

Ça me rappelle Ernest Wiehe, un de nos plus grands musiciens. Il rencontre quelqu’un qui lui dit : «À part souffler dans ton saxophone, tu fais quoi dans la vie ?» Ça résume bien la relation de nos compatriotes avec les artistes. Pourquoi de nombreux auteurs mauriciens sont invités mondialement sans jamais être invités, par exemple, dans une école ? Quand ils le sont, ce sont des écoles européennes … jamais mauriciennes. Pour vous répondre, les artistes sont comme tout le monde, avec des soucis matériels, une famille à nourrir, des enfants à envoyer à l’école, des vieux parents qui ont besoin d’eux… 

Quand je vois les difficultés de Miselaine Duval, je suis écoeuré. Nous avons un ministère de la Culture qui n’est même pas foutu de rouler deux théâtres ! Qu’on ne me parle pas d’argent ! Pour des drains, ponts et stades… qui ne servent à rien, on claque des doigts et on en trouve. Mais voilà ! Un théâtre, des artistes avec un lieu pour s’exprimer, ça ne rapporte pas de commissions… alors on les laisse crever.