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Les Ethiopiens aux urnes sur fond de famine au Tigré

21 juin 2021, 20:02

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Les Ethiopiens aux urnes sur fond de famine au Tigré

Les Ethiopiens votaient en nombre et dans le calme lundi pour des élections repoussées à deux reprises et scrutées à l'étranger, sur fond de doutes sur leur crédibilité et de famine dans la région du Tigré en guerre.

Il s'agit du premier test électoral pour le Premier ministre Abiy Ahmed, 44 ans, qui avait promis à son arrivée au pouvoir en 2018 d'incarner un renouveau démocratique dans le deuxième pays le plus peuplé d'Afrique, rompant ainsi avec ses prédécesseurs. 

«La volonté du peuple éthiopien sera garantie», a-t-il déclaré lors d'une visite dans sa ville de Beshesha, où il a voté.

Cela permettra de «garantir l'aspiration de l'Éthiopie en tant que nation souveraine (et) de faire échec aux intentions néfastes de ceux qui nous veulent du mal», a ajouté le prix Nobel de la paix 2019, affirmant: «L'Éthiopie l'emportera. Les Éthiopiens prospèreront».

Dès le petit matin, les files d'attente devant les bureaux de vote étaient fournies, dans la capitale Addis Abeba comme à Bahir Dar, ville principale de la région Amhara (Nord-Ouest).

La commission électorale a rapporté plusieurs incidents, évoquant de «hauts niveaux d'intimidation de représentants de partis» dans les régions de l'Amhara, du SNNP (Sud) et de l'Afar. 

Contactée par l'AFP, l'antenne du parti Ezema en Amhara a notamment indiqué qu'un de ses observateurs a été frappé dans le village de Dasra, à une cinquantaine de kilomètres de Bahir Dar, tandis que plusieurs ont été empêchés de travailler dans d'autres bureaux de vote.

Trajectoire nouvelle

Plusieurs électeurs et responsables politiques interrogés par l'AFP ont eux salué un scrutin plus démocratique que les précédents, où la vie politique était sous la coupe d'une coalition au pouvoir depuis 1991.

M. Abiy avait promis que ces élections législatives et régionales seraient les plus démocratiques que l'Ethiopie ait jamais connues.

«Je vote parce que je veux voir mon pays se transformer. Cette élection est différente. On peut choisir entre différents partis politiques. Dans le passé, il n'y en avait qu'un», a déclaré à l'AFP Milyon Gebregziabher, 45 ans, employé dans une agence de voyages à Addis Abeba.

Berhanu Nega, un des principaux dirigeants de l'opposition, ancien prisonnier et exilé politique, s'est félicité de la participation «qui semble bonne». «Espérons que cela finisse proprement», a-t-il espéré.

«J'espère que ça ne sera pas une élection du passé, que ce sera une élection qui détermine l'avenir, que ce pays emprunte une trajectoire totalement nouvelle.»

Internet, réseaux sociaux et télécommunications fonctionnaient normalement en cette journée redoutée sensible, rompant avec les habitudes des autorités qui n'hésitent pas à opérer des coupures pour prévenir toute violence ou déstabilisation.

Scrutin incomplet

Le Parti de la Prospérité, le mouvement d'Abiy Ahmed, qui compte le plus grand nombre de candidats au Parlement, est le grand favori pour remporter une majorité.

En Ethiopie, les députés élisent le Premier ministre, qui dirige le gouvernement, ainsi que le président, dont la position est honorifique.  

D'abord prévues en août 2020, les élections ont été reportées à deux reprises, en raison de la pandémie de coronavirus puis de difficultés logistiques et sécuritaires.

Quelque 38 millions d'électeurs sont enregistrés mais tous ne se rendront pas aux urnes lundi, le vote n'ayant pas lieu dans un cinquième des 547 circonscriptions du pays. 

La majorité de ces zones, touchées par des violences ou des insurrections armées ou bien connaissant des problèmes logistiques, voteront le 6 septembre.

Atrocités et famine

Mais aucune date n'a été fixée pour les 38 circonscriptions du Tigré. 

Dans cette région, une opération militaire lancée par le gouvernement en novembre a dégénéré en un conflit dévastateur, marqué par de nombreux récits d'exactions sur les civils (massacres, viols...). 

La Haute-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Michelle Bachelet a rappelé lundi les «graves violations» des droits humains dans cette région, où la situation humanitaire est «terrible». Selon l'ONU, plus de 350 000 personnes y sont en situation de famine, ce que conteste le gouvernement éthiopien.

Cette guerre a entamé l'image pacificatrice du Premier ministre, et terni un scrutin qu'il voulait être le témoignage de son ambition démocratique.

Dans la région Oromia, la plus peuplée du pays et dont il est originaire, les deux principaux partis d'opposition régionaux boycottent le scrutin pour protester contre l'emprisonnement de leurs dirigeants ou pour dénoncer son manque d'équité.

Certains observateurs ont remis en cause la crédibilité du scrutin, notamment les Etats-Unis, inquiets de l'exclusion d'un si grand nombre d'électeurs et de la détention de responsables d'opposition. 

Les bureaux de vote doivent fermer à 18H00 (15H00 GMT). Le dépouillement débutera dans la soirée. Les premiers résultats d'ensemble ne sont pas attendus avant plusieurs jours.