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Enquête judiciaire sur Kistnen: Sawmynaden se contredit face à Me Neerooa

8 juin 2021, 14:39

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Enquête judiciaire sur Kistnen: Sawmynaden se contredit face à Me Neerooa

En voulant rapporter des menaces supposément faites par son frère Koomadha et Pooveden Subbaroyan à l’encontre de Kistnen, l’ex-ministre du Commerce s’est fait piéger par l’avocat du Directeur des poursuites publiques (DPP). Pourquoi n’a-til pas informé la police de ces menaces après la découverte du corps de l’ex-agent du MSM ? Ses explications n’ont su convaincre…

Le député orange Yogida Sawmynaden était en cour de Moka lundi 7 juin. Appelé à la barre des témoins, il a cru que les questions de Me Azam Neerooa, du bureau du DPP, confortaient sa position et mettaient à mal Koomadha Sawmynaden et Pooveden Subbaroyan, qui, dit-il, avaient menacé Soopramanien Kistnen.

Ce dont il n’avait pas l’air de se rendre compte, c’est que l’avocat du DPP l’amenait doucement dans une situation des plus inconfortables. Oui, a-t-il répondu, Kistnen lui avait bien parlé des menaces proférées à son encontre. Oui, il sentait la peur chez lui. Oui, il était même menacé de graves agressions physiques, ainsi que son fils.

Contredit une première fois

Emporté dans son élan, Yogida Sawmynaden n’a pas compris qu’il se contredisait une première fois lorsqu’il a déclaré qu’il avait parlé à Kistnen pour la dernière fois en juin ou juillet 2020, pour ensuite énumérer le nombre de fois qu’il a parlé à l’ex-agent du MSM en septembre et octobre suivants.

Me Neerooa ne lui a pas fait la remarque tout de suite, attendant que l’ex-ministre soit pris au piège de la question principale suivante. Après avoir pris connaissance de la mise en danger de la vie de Kistnen, pour quelle raison, lui demande Me Azam Neerooa, «n’avez-vous pas fait une déposition à la police si ce n’est après la mort suspecte de Kistnen ?»

Première tentative de réponse de l’ex-ministre : il savait qu’il y aurait une enquête judiciaire et attendait sagement son tour pour en faire état. Et lorsque Me Neerooa lui rappelle que l’enquête judiciaire n’a commencé que plus de deux mois après la découverte du corps calciné de Kistnen, Sawmynaden dit qu’il s’est fié à la presse qui, pourtant, n’a parlé de l’enquête que bien plus tard.

Refus d’alerter la police

En relatant avec entrain d’autres conversations avec Kistnen – toujours après juillet 2020 – et oubliant sa première réponse, Sawmynaden explique son refus d’alerter la police des menaces présument reçues par Kistnen en disant qu’il croyait qu’il s’agissait d’un suicide.

«Et qui vous a dit ça ?» lui demande Me Neerooa, Réponse : encore la presse. Il est vrai qu’un titre de presse avait parlé de suicide mais une seule fois. Dès le 20 octobre 2020, l’express parlait déjà d’assassinat déguisé en suicide. Et quand l’avocat du DPP lui demande si tel que, lui, Yogida Sawmynaden, connaissait Kistnen, ce dernier pouvait-il se résoudre au suicide, la réponse, plutôt à côté, de l’ex-ministre, est que l’ex-agent du MSM était un joueur invétéré et cela, il ne l’a appris qu’après sa mort. Sawmynaden ajoute qu’il ne savait pas non plus que Kistnen était en bons termes avec son frère Koomadha, et c’est quand il l’a su qu’il aurait pris ses distances de l’agent du MSM. Pourtant, l’ex-ministre venait d’énumérer les menaces que son frère et l’ex-partenaire d’affaires de Kistnen auraient faites contre celui-ci. Et qu’il a tenues pour réelles.

Coup de maître donc de Me Azam Neerooa ? La police aurait-elle pu coincer l’ex-ministre ainsi ? On est en droit d’en douter avec ce qui a été révélé juste après. Me Neerooa trouvait étrange que Yogida Sawmynaden ait fait preuve d’une extrême précision en relatant ses conversations avec Kistnen. Date, heure et même minute sont fournies.

Alors que l’ex-ministre faisait preuve d’hésitation ou d’oubli quant à l’identité du garde du corps qui l’accompagnait dans ses tournées de prières le jour de la disparition de Kistnen, ou de l’heure à laquelle il est rentré chez lui ce soir-là. Me Neerooa lui a rappelé qu’il avait déclaré au CCID le 21 avril 2021 qu’il est rentré à 23 h 15 alors qu’il venait d’affirmer en cour que c’était à minuit trente.

Explication de Sawmynaden : après sa visite au CCID, son épouse, Wenda, lui aurait rappelé qu’il était rentré après minuit. Cependant, après cette «rectification», Yogida Sawmynaden n’a pas pensé à modifier sa déposition au CCID. Encore un oubli ? Pour revenir à sa précision sur les échanges téléphoniques avec Kistnen, l’ex-ministre avoue qu’il avait obtenu la fadette (itemised bill) de Mauritius Telecom (MT), de son téléphone.

Ambiance électrique

Et c’est là que Me Neerooa lui demande tout de go, l’air de rien, comment a-t-il pu se procurer ces fadettes. Yogida Sawmynaden répond d’abord que c’est la police qui les lui a montrées pour, tout de suite après, tenter une énième rectification en disant que c’est lui qui en a fait la demande à MT. Puis dire un peu des deux, en affirmant que la police lui a demandé de signer une demande qu’elle, la police, a adressée à MT. C’était en avril 2021. «Mais vendredi dernier, s’emporte alors Me Neerooa la police a déclaré dans ce même tribunal qu’elle vient de recevoir le Judge’s Order en ce sens!»

Pris de panique sans doute, comme l’a dit son frère Koomadha après l’audience, Yogida Sawmynaden ne se contrôle plus et accuse Me Roshi Bhadain d’aider la poursuite. «Il s’est cru au Parlement et a oublié qu’il est au tribunal», déclare une avocate.

Bhadain, perdant à son tour son sang-froid, lance à l’ex-ministre :«Mo pankor koumanse ar twa, la. Atann.» L’occasion pour l’avocate de Yogida Sawmynaden, Me Narghis Bundhun, de protester sur la façon de faire et de dire de Bhadain. Mais cela n’est pas du goût de la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath, qui élève la voix pour faire comprendre à Me Narghis Bundhun que c’est elle qui fait régner la discipline dans le prétoire et personne d’autre. Finalement, la magistrate calmera la situation en demandant et obtenant de Bhadain qu’il retire ses propos.

Avertissements de la magistrate

Il faut dire que l’ambiance était plutôt électrique dès le matin. La Senior Counsel Narghis Bundhun, qui représente l’ex-ministre du Commerce, assistée de Me Zaki Ramtoolah, a eu de vifs échanges avec la magistrate. Alors que l’avocate de Sawmynaden voulait faire une déclaration sans en informer en bref le contenu la magistrate, cette dernière a insisté pour en prendre connaissance.

L’avocate à en deux fois tenu à prendre la parole et la magistrate ne s’est pas laissé faire et a émis deux avertissements à Me Narghis Bundhun, après que celle-ci a passé une remarque sur la magistrate.

Après cet incident, Me Narghis Bundhun a demandé que soit mis à sa disposition le dossier du DPP ainsi que la liste des témoins, suivie d’une deuxième demande pour que les témoins qui ont déjà déposé et leurs avocats soient exclus de la salle d’audience. Vidya Mungroo-Jugurnath, après étude, les a toutes deux rejetées.

Au cours de l’interrogatoire du matin par Me Azam Neerooa, on a pu apprendre que l’ex-ministre a passé presque tout l’après-midi du 16 octobre, date à laquelle Soopramanien Kistnen a disparu, en prières au kovil de Rivière-des-Anguilles et ensuite, à celui de l’Escalier ou La Sourdine, il n’en est pas sûr. Les samedi et dimanche aussi étaient consacrés aux prières et à d’autres activités. Me Neerooa lui a fait remarquer qu’il n’a pas dit en cour qu’il est allé à son bureau le dimanche 18 octobre.

La suite de l’interrogatoire aujourd’hui promet d’être, pour dire le moins, extrêmement intéressante et instructive.

Un autre employé de Sawmynaden disparu ?

Une question qui n’est pas passée inaperçue. Celle de Me Azam Neerooa, représentant du DPP, demandant à Yogida Sawmynaden s’il est au courant de la disparition d’un de ses exemployés, un certain Clarel Arnaud Padayachy. L’ex-ministre a répondu qu’il en était au courant mais que cette disparition a eu lieu bien avant que Soopramanien Kistnen ne commence à travailler pour lui en 2011. Pourquoi cette précision ?

Porte de derrière pour l’ex-ministre

Il a évité la presse à la fin de la séance d’hier. Yogida Sawmynaden, désormais député, et ses avocats se sont éclipsés en douce en utilisant la porte réservée à la magistrate et aux officiers de la cour. Il est vrai qu’à son arrivée le matin, l’ex-ministre avait également reçu un accueil de VVIP en évitant le contrôle sanitaire à l’entrée.

Kaya aurait fêté ses 53 ans lundi 7 juin

C’est une Simla Kistnen épuisée après la séance du jour qui a fait une brève déclaration à la presse à sa sortie du tribunal. Elle dément formellement les propos de l’ex-ministre du Commerce selon lesquels Koomadha Sawmynaden aurait menacé de kidnapper son fils. La veuve a tenu aussi à rappeler que son époux, Soopramanien Kistnen, aurait fêté ses 53 ans hier, 7 juin.