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Hip-hop, salsa et internet: le cocktail gagnant de jeunes Cubains

3 juin 2021, 11:48

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Hip-hop, salsa et internet: le cocktail gagnant de jeunes Cubains

Leur terrain de jeu? Un quartier populaire de La Havane. Leur vitrine ? Instagram et Facebook. Portée par les réseaux sociaux, une troupe de jeunes Cubains a tapé dans l'oeil de plusieurs stars à l'étranger avec leurs chorégraphies mêlant hip-hop, reggaeton et salsa.

«Trop fort #Cuba», a salué il y a quelques jours, sur Instagram, le roi du reggaeton Daddy Yankee («Despacito»), en partageant une vidéo du groupe, baptisé Datway, dansant dans la capitale cubaine sur son dernier tube.

Sur les images, visionnées 2,2 millions de fois, on voit une dizaine de danseurs en tenue de sport, accompagnés d'enfants, enchaîner pas de hip-hop et de breakdance dans une rue de Centro Habana, quartier pauvre bien loin des clichés touristiques.

«En regardant les vidéos de hip-hop dans d'autres pays, c'était toujours dans des endroits très beaux», raconte Dariel Lopez, 23 ans, alias Chaiky Dari, qui a fondé la compagnie.

«Nous on cherche toujours, non pas des lieux moches, car pour nous ils ne sont pas moches, mais la réalité (...), ces balcons qui auraient besoin d'un coup de peinture, les jeunes, les enfants pas très bien habillés».

Chevelure hirsute et mèche teinte en blond, Chaiky affiche 33 700 abonnés sur Instagram, une prouesse à Cuba où l'internet mobile n'est arrivé que fin 2018.

On fusionne tout

C'est justement grâce aux réseaux sociaux que cette troupe de 16 danseurs, formée il y a trois ans sous le nom Datway (version familière de «that way», ce chemin), a cartonné ces derniers mois... à la faveur, aussi, des restrictions de déplacements liées au coronavirus, qui ont incité les Cubains à passer du temps devant leurs écrans.

Sous un toit de tôle et entourés de murs recouverts de graffitis, ces jeunes de 18 à 32 ans, dont certains viennent de la danse contemporaine, des danses folkloriques voire du cirque, s'entraînent du lundi au vendredi, tournant leurs vidéos le week-end.

De temps à autre, ils ouvrent le portail et sortent danser dans la rue, branchant la sono chez la voisine d'en face, une vieille dame qui vend des fruits sur le pas de sa porte, et sous le regard amusé des habitants du quartier.

«A l'étranger, on voit toujours Cuba comme le pays de la salsa», mais «ici il y aussi beaucoup de talent dans le hip-hop, avec beaucoup de danseurs qui viennent de la rue», confie Liuven Dopico, 28 ans, ravi de montrer grâce à internet un autre Cuba. Lui-même a appris à danser «dans la rue» et «en regardant beaucoup de vidéos».

Mais l'idée n'est pas non plus d'oublier les racines musicales de l'île.

«Ici on fusionne beaucoup le hip-hop avec la musique traditionnelle cubaine, on fusionne tout ça et on crée quelque chose de vraiment beau», dit fièrement Liuven, aux cheveux teints en turquoise.

«Si c'est une salsa, on la mélange avec des danses urbaines, mais si c'est un reggaeton, on peut lui mettre des pas de salsa», renchérit Chaiky.

Ricky Martin épaté

Paloma Duarte, 23 ans, avait elle débuté «avec le ballet classique» avant d'entrer dans une compagnie de danse folklorique. Aujourd'hui, «je me sens complète comme danseuse, j'ai tous les styles!».

A chaque publication sur les réseaux sociaux, «beaucoup (de danseurs amateurs) nous écrivent, (...) nous envoient leurs vidéos», ajoute-t-elle.

Au-delà d'internet, «ce serait vraiment bien qu'au niveau de l'Etat, de la télévision, il y ait de la danse urbaine, et pas seulement de la salsa et de la rumba, ce qu'ils passent presque toujours».

Ces dernières semaines, les commentaires élogieux de stars de la musique latino comme Ricky Martin («Ce qu'il y a de mieux!», a-t-il écrit sur Instagram), ont fait rougir les jeunes danseurs, qui viennent de décrocher un contrat avec la maison de disque Jungl, en Floride.

Et quand le duo de reggaeton Ozuna et Ovi a lancé un challenge en ligne, invitant les internautes à créer une chorégraphie sur leur chanson, les gagnants ont été... Datway. Ils ont remporté 10 000 dollars, une fortune dans ce pays où le salaire minimum est de 87 dollars.

La moitié de cet argent, «nous l'utilisons dans la technologie», pour améliorer la connexion internet, acheter du matériel professionnel pour filmer les clips, explique Ernesto Rodriguez, 32 ans, directeur de la troupe qui a grandi dans Centro Habana.

«Tout le reste, je l'ai réparti entre tous les membres, j'ai donné de l'argent aussi aux enfants qui ont participé».