C'est une modeste bâtisse conçue pour offrir aux enfants d'un orphelinat de Rangoun un accès à la lecture tout en les sensibilisant à la protection de l'environnement.

Prête à ouvrir depuis de nombreuses semaines, la bibliothèque, dont les murs sont faits de bouteilles remplies de déchets plastiques recyclés, n'a accueilli encore aucun lecteur et aucun livre.

La faute au coup d'Etat militaire qui a plongé la Birmanie dans le chaos et mis ce projet, comme plein d'autres, à l'arrêt.

Depuis que la cheffe du gouvernement civil Aung San Suu Kyi a été évincée du pouvoir le 1er février, l'économie birmane est à terre, et l'armée a réprimé dans la violence les manifestations pro-démocratie, tuant à ce jour plus de 800 personnes.

La bibliothèque de Taikkyi, dans le nord de Rangoun, ressemble à une maison de poupée avec son pignon triangulaire et ses murs multicolores en éco-briques.

Ces briques écologiques ont été fabriquées par des équipes de bénévoles, en remplissant des bouteilles de boissons gazeuses de déchets plastiques apportés par les populations voisines et découpés en petits morceaux.

Des déchets qui sinon avaient de grandes chances de terminer jetés dans les océans, où ils mettraient des centaines d'années à se décomposer.

«Il faut environ une heure pour fabriquer une brique écologique d'un litre. Nous avons eu besoin de 5 000 briques écologiques pour fabriquer ce bâtiment, donc 5 000 heures de travail. Par conséquent, nous avons protégé notre terre pendant 5 000 heures», déclare Zay Yar Tun, l'un des volontaires, à l'AFP.

En raison des troubles en cours dans le pays, il pourrait s'écouler un certain temps avant que la bibliothèque ne soit officiellement ouverte et remplie de livres pour enfants, se lamente Eric, un autre bénévole.

«Maintenant, tout est en train de changer. Nous avons l'impression de perdre notre liberté et les procédures sont retardées à cause de la dictature militaire», déclare-t-il à l'AFP.

Mais malgré les retards, cela a été une expérience d'apprentissage précieuse pour les enfants de l'orphelinat.

«Les enfants ne jetteront plus les matières plastiques comme avant. Nous avons construit cette bibliothèque devant eux, afin qu'ils puissent en apprendre (sur la sauvegarde de l'environnement)», raconte Eric.

«La bibliothèque peut leur apporter connaissances et sagesse pour le reste de leur vie.»

Une bibliothèque, mais aussi des écoles en éco-briques

Zan Zan Thae Oo, qui a fabriqué 150 briques écologiques, est fière de voir le produit fini.

«J'en sais plus maintenant sur la manière de valoriser les déchets», déclare à l'AFP la jeune femme de 27 ans.

La brique écologique est née en 2005 au Guatemala, alors que les villages étaient aux prises avec des déchets plastiques et sans poubelles ni système établi de collecte des déchets. Le concept est depuis devenu mondial.

En Birmanie, une première école en briques écologiques a vu le jour il y a 6 ans près de la cité historique de Bagan et une autre il y a 3 ans près du lac Inle.

A l'origine de ces projets, l'oeuvre de bienfaisance Badana Aid Foundation en construit actuellement une troisième pour les enfants défavorisés du quartier de Hlaing Thar Yar à Rangoun.

L'école devrait être terminée en juillet et disposera de trois salles de classe pouvant accueillir jusqu'à 90 élèves.

Contrairement à la bibliothèque de briques écologiques qui laisse les bouteilles visibles, les murs de ces écoles sont recouverts d'enduit.

«Si vous la regardez de l'extérieur, impossible de savoir qu'elle a été construite avec des briques en plastique», a déclaré à l'AFP Win Thu Ya, donateur et directeur de la construction.

Les projets d'éco-briques ont radicalement changé les attitudes de la communauté à l'égard des déchets, dit-il.

«Les gens comprennent que le plastique a une valeur et peut être utilisé pour construire quelque chose de durable.»