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Au Gabon, les footballeurs professionnels luttent pour survivre

3 mai 2021, 12:33

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Au Gabon, les footballeurs professionnels luttent pour survivre

Il a troqué le ballon rond pour un pinceau. Finie la carrière de footballeur. Gamamba Souleimane, qui termine un pan de mur d'une petite maison d'un quartier populaire de Libreville, la capitale du Gabon, est aujourd'hui peintre en bâtiment.

«Bien sûr que ça me fait de la peine, que j'aurais aimé continuer... Mais je me suis rendu compte que le football ne peut rien m'apporter au Gabon», assène-t-il, les yeux embués par la tristesse et les regrets.

Salaires non versés, contrats non respectés, championnats suspendus... Dans ce petit pays d'Afrique centrale riche en pétrole, le foot est pourtant sur toutes les lèvres, avec une équipe nationale emmenée par la star d'Arsenal Pierre-Emerick Aubameyang et qualifiée pour la prochaine Coupe d'Afrique des Nations (CAN) en janvier-février 2022. Mais au pays, les joueurs professionnels, eux, peinent à joindre les deux bouts.

«Le Covid est venu nous enterrer», estime Gamamba, 28 ans, le maillot du Real Madrid sur le dos, le club de ses rêves.

Le visage constellé de gouttes de peinture blanche, il applique son rouleau sur le mur immaculé. «Depuis que je suis dans le bâtiment, je gagne huit fois plus que sur les terrains de football», soupire-t-il.

«J'ai porté plainte contre mon ancien club pour abus de confiance car il m'avait promis un emploi si je jouais pour eux. Ils ne l'ont jamais fait. Et ils ne m'ont payé que cinq fois en deux ans. 150 000 francs CFA chaque fois», soit environ 230 euros.

Extrême précarité 

«Moi, j'ai la chance d'avoir autre chose que le football mais quand je pense à mes coéquipiers... traités comme des serpillères. Des gars à qui on manque de respect, qui n'arrivent pas à manger, à se vêtir, obligés de courir derrière 1 500 FCFA (2 euros) pour rentrer à la maison en taxi», s'emporte Gamamba.

«Avant le Covid, la majorité des footballeurs était dans l'extrême précarité. Maintenant, c'est le chaos», résume Rémi Ebanega, président de l'Association des footballeurs professionnels du Gabon (ANFPG).

Selon une enquête de ce syndicat en 2018, ils étaient payés en moyenne deux mois sur douze, environ 100 000 FCFA (150 euros). 

Depuis plusieurs années, le championnat professionnel gabonais est entrecoupé de longues interruptions faute de financements. Durant la saison 2018-2019, les organisateurs ont dû trouver une solution de dernière minute: un format de poules puis des play-off sur deux ou trois mois.

Mais l'arrivée du coronavirus en mars 2020 et l'arrêt de toutes les compétitions sportives a porté le coup de grâce. Les joueurs ne perçoivent plus aucun revenu. 

L'ANFPG demande au gouvernement et à la fédération la reprise de la compétition, ou du moins un accompagnement financier pour les quelque 700 joueurs professionnels. 

«Notre souhait est de reprendre l'activité en respectant le protocole sanitaire, mais pas dans les conditions financières des années antérieures», explique à l'AFP le président de la Fédération gabonaise de football (FEGAFOOT), Pierre Alain Mounguengui. 

Car les contrats ne sont pas respectés par les clubs. Deux raisons à cela, selon M. Mounguengui. «D'abord il faut aller chercher les raisons dans la structuration même du club: absence de sponsoring à cause de l'étroitesse du marché, compétition peu attractive, pas de soutien des fans», affirme-t-il. Ensuite, «c'est le retard accusé par la subvention de l'Etat, qui constitue malheureusement le gros des budgets de la plupart de clubs».

Alors, l'association se bat pour aider les joueurs à se reconvertir. «Mais la plupart des footballeurs n'ont aucune formation, ont abandonné l'école après la primaire», souligne M. Ebanega.

 Boutique solidaire 

Aidée par la Fifpro, la Fédération internationale des associations de footballeurs professionnels, l'ANFPG a mis en place une boutique solidaire et offre à huit joueurs tous les mois des kits alimentaires - du riz, des conserves, de l'huile - d'une valeur d'environ 30 000 FCFA (45 euros).

Ce mercredi, Chicco Sassou, 32 ans, est venu en récupérer un. «Ça va me permettre de tenir deux à trois semaines en plus», souffle-t-il. «J'essaie de me rapprocher des anciens pour savoir s'il y a des petits tuyaux, des petits boulots que je peux faire pour gagner un peu d'argent», explique-t-il d'un ton timide.

Il continue de croire en ses rêves malgré la situation. En semaine, il s'entraîne physiquement. Et chaque week-end, il joue avec l'équipe de son quartier dans des rencontres d'amateurs. «Ce n'est pas le même niveau mais il faut bien se maintenir en forme».

De temps en temps, il repart avec une petite enveloppe, donnée par «ses grands frères». Pas grand-chose, parfois 20 000, parfois 30 000 FCFA (30 euros, 45 euros). Une aide précieuse pour l'aider à nourrir son enfant et sa petite amie. 

«Pour vivre du football, la seule solution, c'est partir d'ici», lâche-t-il.