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Covid-19 – Triple variant: des Mauriciennes au coeur de l’hécatombe en Inde

2 mai 2021, 18:30

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Covid-19 – Triple variant: des Mauriciennes au coeur de l’hécatombe en Inde

La Grande péninsule vit, depuis un mois, un cauchemar éveillé. La pire des situations depuis que la découverte du variant indien. Si la première vague du Covid-19 en 2020 a été bien gérée, l’apparition de ce triple variant a provoqué un rebond fulgurant de l’épidémie dans ce pays de 1,3 milliard d’habitants. Si au début, le variant présentait une double mutation, un séquençage avancé a permis d’en détecter une troisième. Ce qui la rend plus contagieuse et indirectement mortelle pour les plus vulnérables. Les statistiques de Worldometer, à jeudi, indiquent que l’Inde a enregistré plus de 19 millions de contaminations et quelque 212 000 décès. Un virus mystérieux, qui «pa get figir», un pays à genoux, des malades qui s’effondrent au seuil même des hôpitaux bondés, le manque d’équipements et d’oxygène, un pays qui compte ses morts, l’angoisse qui monte d’un cran, la peur au ventre… Comment rester insensible aux cris de douleur d’un peuple qui souffre et qui désespère ? Face à cette réalité, trois de nos compatriotes témoignent du spectacle apocalyptique qui choque le monde entier.

Pallavi C., étudiante à Bangalore : «Pour beaucoup, le mot demain n’existe pas»

Cette étudiante en dernière année de journalisme à la Garden City University de Bangalore est consciente des réalités quotidiennes des habitants même si elle avoue avoir la chance d’être confinée dans la résidence des étudiants sur le campus. «En tant que Mauricienne, je vis cette expérience intensément. C’est quelque chose que je n’aurais jamais cru un jour devoir vivre. Pour beaucoup, le mot demain n’existe pas. Je sais que quelque part, en dehors des paramètres de mon université, il y a des malades, des morts, des hôpitaux bondés, une population prise au dépourvu», se désole Pallavi C., qui a fait de Bangalore sa ville d’adoption depuis trois ans.

Le compteur s’affole au quotidien. L’étudiante est touchée par l’ampleur de la pandémie non seulement à Bangalore mais aussi dans tous les États de la Grande péninsule. «Chaque jour, les chiffres avancés me choquent un peu plus. Être ici, au cœur de cette pandémie, même si je suis protégée, me fait prendre conscience de l’importance du respect des paramètres sanitaires en place et de l’importance de la vie.» Elle se dit chanceuse de ne manquer de rien, d’être nourrie, logée et blanchie avec un accès à l’Internet ; pourtant, elle a peur. Surtout qu’elle est la seule Mauricienne et que sa famille se trouve à des milliers de kilomètres. «Ma famille, surtout mes parents, et mon île natale me manquent. Énormément.» Consciente qu’elle devra rentrer bientôt, l’étudiante de 22 ans se trouve face à l’incertitude. Cependant, elle a une seule certitude, presque comme un cri de cœur. Qui sait ? Il sera peut-être entendu par les autorités mauriciennes : «JE VEUX RENTRER. JE VEUX RETROUVER MA FAMILLE ET MON ÎLE.»

Arabella Seebaluck, à Gurgaon : «Il n’y a pas assez d’oxygène»

Elle vit à 45 km de New Delhi, dans l’État de Haryana. Mais cette ancienne journaliste de Gurgaon reste collée à l’actualité, surtout avec la situation critique à Delhi et dans d’autres villes métropolitaines. «Les soins ne sont pas disponibles pour beaucoup de gens qui en ont réellement besoin. Beaucoup de mes amis et contacts parlent de traitement VIP… Ce ne sont pas toujours ceux qui ont des besoins médicaux qui en trouvent. Des amis en plein centre de Delhi racontent qu’ils ont vu les lieux de crémation en débordement», raconte cette Marketing Communications Consultant.

Devant cette catastrophe humaine, elle apprend qu’il peut y avoir de l’espoir dans des zones moins peuplées. Des soins et des lits sont disponibles, par exemple à Chandigarh, capitale des États d’Haryana et Punjab, à quatre heures de New Delhi. «La situation est bien meilleure», lance-t-elle. Cependant, le réel problème est l’oxygène. «Il n’y en a pas assez mais je sais que cela dure depuis la première vague de la pandémie. Les gouvernements locaux, comme à Delhi et au Maharashtra (Mumbai), n’ont pas fait grand-chose pour remédier à la situation», affirme-t-elle. Ce qui fait que son WhatsApp et son Telegram pour la communauté où elle habite et ses groupes de travail, entre autres, débordent d’appels pour des cylindres d’oxygène. D’autres, poursuit-elle, ayant trouvé un moyen de se faire un peu d’argent, offrent leurs services…

D’autre part, Arabella explique qu’il y a aussi beaucoup d’entraide en cette période pandémique. «La propriété où je vis, par exemple, propose de faire vacciner non seulement les résidents, mais aussi les bonnes, jardiniers, chauffeurs, etc.» Si la jeune femme dit être allée à l’extérieur de sa ville et à l’extérieur de New Delhi environ six fois au total au cours des 14 derniers mois, elle estime que le comportement des gens dans la capitale indienne dépend des quartiers. «Les beaux quartiers de South Delhi, par exemple, sont ceux où vivent les gens les plus affluents, qui suivent mieux les protocoles sanitaires. À la frontière de Delhi, où je réside, les gens étaient plus insouciants, il y a une semaine. Je sors à peine. Je me fais livrer mes courses et je fais même mes soins esthétiques à domicile… Heureusement que c’est possible ici.» Comme les hôpitaux et cabinets médicaux ne sont pas «the places to be», par les temps qui courent, c’est par prudence qu’elle a fait sa première téléconsultation le mois dernier.

«En gros, c’est une situation qui inquiète si on est dans les grandes villes. (…) C’est un peu d’ailleurs la mentalité des gens ici. Ils sont beaucoup plus résilients mentalement. Les virus et autres problèmes sanitaires, ils connaissent déjà. Je crois que la psychose est créée par les médias. (…) Je me suis retrouvée un peu dans l’œil d’un cyclone médiatique plutôt.» Même si elle estime que le tableau que brossent les médias est sombre et reflète la vérité de ce qui se passe à Delhi, elle pense que la situation est différente dans les petites villes et les zones rurales.

Dr Vanessa GB Gowreesunkar à Hyderabad : «La seconde vague est extrêmement fatale»

Au cœur d’une Inde qui pleure ses morts au quotidien, la Dr Vanessa GB Gowreesunkar assiste impuissante à cette flambée épidémique du Covid-19. «Cette seconde vague est extrêmement fatale. Dimounn perdi lavi betman.» En effet, le variant indien «pa get fi-gir». Il n’épargne personne. «Ce virus attaque tout le monde pas uniquement les vieux mais les jeunes aussi. La situation est critique. L’État est en train de sensibiliser la population pour faire face à cette seconde vague.» L’Associate Professor, University of Africa and Adjunct Faculty, National Institute of Tourism & Hospitality Management, explique que les hôpitaux sont saturés. Raison de plus pour ne pas mettre le nez dehors. Elle s’est donc résignée à suivre les nouvelles de chez elle. «Je vois la souffrance des locaux. S’ils sont malades et il n’y a pas de lit pour eux, ils apportent un petit canapé qu’ils placent devant l’hôpital pour dormir. J’ai même vu une dame qui faisait du bouche-à-bouche à son mari pour lui transmettre de l’oxygène.»

«Lapolis baté, donn kout rotin»

De chez elle, elle prend connaissance de ce qui se passe à l’extérieur. Les scènes qui défilent sur son écran sont atroces. Aux abords des hôpitaux, c’est presque une zone de guerre. Les cris de ces mères qui ont perdu leur enfant recouvrent ceux qui ne retrouveront plus leur proche, à cause de la virulence du variant indien. Des familles entières sont décimées. Cependant, fait-elle ressortir, cette pandémie a poussé les habitants à concocter des remèdes maison car selon les croyances, «virus fini sové ar sa». Une autre dure réalité à laquelle fait face la population, c’est l’impossibilité de dire adieu à leurs proches, happés par le virus. «Les gens meurent mais n’ont pas l’occasion de faire les derniers rituels. Tous les corps sont placés dans les ambulances. On a même vu des chiens déterrer les cadavres dans les cimetières.»

À Hyderabad, où vit l’Associate Professor, le confinement imposé empêche les habitants de sortir. «Lapolis baté, donn kout rotin. Les habitants sont autorisés seulement à faire leurs courses pendant quelques heures. Mais il n’y a pas de contrôle. Les gens sortent tous en même temps.» Vanessa GB Gowreesunkar garde toutefois une petite lueur d’espoir. Celle de l’État qui fait de son mieux pour trouver une solution ainsi que l’aide internationale qui déferle.