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Nirvan Veerasamy: «L’aéroport n’a jamais été fermé au trafic aérien, même en période de confinement»

28 avril 2021, 21:00

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Nirvan Veerasamy: «L’aéroport n’a jamais été fermé au trafic aérien, même en période de confinement»

Lors d’une récente PNQ, Xavier-Luc Duval avait soutenu que le Covid-19 aurait pu être entré par la YU Lounge. Le directeur général s’en défend et affirme que tous les protocoles sanitaires ont été respectés quand les employés du YU Lounge s’occupaient des évactuations sanitaires «d’urgence».

Première et seconde vague du Covid-19 et fermeture des frontières. Quel a été l’impact de tout ceci pour le YU Lounge et ses opérations en comparaison à la période pré-pandémique ?

Je souhaiterais répondre à votre question en prenant un peu de recul. Le YU Lounge existe depuis décembre 2008 avec le but de créer un concept unique au monde, particulièrement novateur et offrir un service qui existe nulle part ailleurs pour démarquer complètement Maurice des autres destinations similaires. Comme me l’a dit si bien un hôtelier : «Le YU Lounge, c’est apporter l’hospitalité hôtelière jusqu’au pied de l’avion.»

Malgré plusieurs difficultés et parfois quelques misères d’ordre administratif, la société n’a cessé de progresser. De 2008 à 2019, le YU Lounge a investi plus de Rs 200 millions en attirant des investisseurs étrangers, pour construire le terminal et ensuite le hangar. Accueillant environ 1 100 personnes la première année, la société a depuis multiplié ce nombre par dix, doublé le nombre d’employés, pratiquement triplé le chiffre d’affaires et contribué à hauteur d’environ Rs 3 milliards à l’économie nationale. Pendant cette période, aucun dividende n’a été payé.

La première partie de 2019-2020 a été très bonne, avec des résultats en hausse sur l’exercice précédent et des réponses très encourageantes après un travail assidu de marketing qui a été concrétisé par la signature de nouveaux contrats et le renouvellement de contrats existants. La fermeture des frontières a d’abord été pour nous, comme pour toute l’industrie du transport aérien et de l’hospitalité, un événement dont l’ampleur aura été difficilement prévisible. Du jour au lendemain, nos revenus ont été anéantis.

Malgré toutes ces difficultés, l’équipe du YU Lounge n’a cessé de faire évoluer le produit avec un objectif très marqué d’agrémenter notre accueil au YU Lounge en valorisant un savoir-faire mauricien très haut de gamme, dont la plupart de nos concitoyens ignorent presque l’existence. On a été les premiers à attirer à Maurice et à faire découvrir les produits Patrick Mavros, qui depuis a installé un atelier magnifique à l’usine de Beau-Plan en réhabilitant une ancienne fonderie et surtout en transférant son savoir-faire à des artisans locaux.

Déjà, depuis la première semaine de février 2020, l’équipe du YU Lounge se préparait à affronter une possible pandémie. Tous nos membres étaient affairés à mettre en place des procédures pour continuer à opérer si le pays passait en mode confinement. À la cantine, on séparait déjà les groupes sur trois créneaux horaires afin de ne pas être tous en même temps au même endroit. On était déjà en version «distanciation physique». Malgré cela, l’équipe était très inquiète de son avenir. On savait que la situation serait difficile et on a tout de suite commencé à nous préparer à d’éventuelles évacuations sanitaires.

En même temps, le YU Lounge a été le point d’entrée pour des évacuations sanitaires et six vols privés de septembre 2020 à février 2021…

Bien avant le YU Lounge, j’ai été particulièrement marqué par un incident où un patient a dû attendre plus d’une heure avant de pouvoir être admis dans un avion médicalisé. À la conception du YU Lounge, je me suis assuré que le design du terminal comprendrait un accès direct au tarmac et à l’avion afin qu’un patient puisse être dans l’avion médicalisé dans le quart d’heure qui suit l’arrivée de l’ambulance au YU Lounge.

Vous avez raison. Depuis le premier confinement, on a géré plusieurs évacuations sanitaires. Deux jours après nos derniers passagers de l’ère pré-Covid, je reçois un coup de fil d’un ami d’enfance qui me fait part de ses soucis et nous demande de travailler sur la possibilité d’évacuer quelques membres de sa famille atteints du Covid-19. Pendant les trois semaines suivantes, l’équipe du YU Lounge était complètement mobilisée, jour et nuit, dans l’exercice d’évacuation sanitaire le plus complexe que l’on ait jamais organisé. Mission accomplie mais avec une énorme tristesse.

On se souviendra aussi de cet appel que j’ai reçu un matin. À l’autre bout de la ligne quelqu’un me dit : «Bonjour Monsieur, quelqu’un m’a donné votre numéro de téléphone. Mon père est très malade et a besoin d’être évacué d’urgence à l’île de la Réunion.» Moins de 18 heures plus tard, le patient était en service de réanimation et à bon port. C’est dans ces moments que l’on se rend compte que l’évacuation médicale nous donne un sentiment profond de faire quelque chose qui donne un sens à nos efforts et à nos actions.

Maintenant que les tests PCR sont centralisés vers le terminal de l’aéroport, comment cela affecte-t-il vos opérations ? L’installation d’un laboratoire pour faire des tests PCR à l’aéroport est une excellente initiative. Les tests PCR à l’aéroport ne cesseront, de mon point de vue, que lorsqu’on aura une certitude qu’une personne vaccinée ne peut être contagieuse. Ce vaccin n’est pas à l’horizon. Depuis la réouverture des frontières après le premier confinement, le YU Lounge a accueilli six vols privés à l’arrivée. Dans tous les cas, les passagers étaient reçus de l’avion au YU Lounge dans un cadre et sous un protocole sanitaire très stricts. Les prises d’échantillons de chaque passager étaient faites par le personnel du ministère de la Santé au YU Lounge.

Le YU Lounge a démontré clairement que nous savons nous adapter pour continuer à présenter une panoplie de services et créer de la valeur pour continuellement attirer des clients et leur donner un choix de services à l’aéroport, tout en respectant scrupuleusement les procédures d’exception en vigueur. Il sera inconcevable que l’on ne puisse faire les prises d’échantillons au YU Lounge et espérer continuer à opérer.

Lors d’une PNQ, Xavier-Luc Duval, leader de l’opposition, a insinué que le virus aurait pu entrer par le YU Lounge et les missions diplomatiques. Le virus a-t-il pu passer à travers les filets du protocole sanitaire du «lounge» et causer une seconde vague ?

Votre question est très pertinente et je souhaiterais en profiter pour démystifier une croyance qui, aujourd’hui, a pris des proportions invraisemblables non seulement auprès du grand public mais surtout dans notre classe politique. D’abord, l’aéroport n’a jamais été fermé au trafic aérien, même en période de confinement. Il y a donc eu donc des vols privés avec passagers à l’arrivée et au départ et des évacuations sanitaires de et vers Maurice. Tous ces vols, gérés par le YU Lounge, ont été opérés dans des conditions sanitaires très rigoureuses, avec l’approbation de tous les services concernés.

Malgré cela, on se rend compte que la croyance générale est que les avions d’affaires font un va-et-vient et que leurs passagers ne sont pas soumis aux mêmes règles sanitaires en vigueur. Parfois, cela donne lieu à des situations rocambolesques. Par exemple, la semaine dernière, un avion d’affaires vient de l’aéroport de Dubaï World (car c’est là ou sont basées la plupart des avions d’affaires de Dubai) et arrive tard le soir avec un équipage (deux pilotes et une hôtesse). Il n’y a aucun passager à bord. L’équipage est conduit à l’hôtel Holiday Inn, encore une fois dans les meilleures dispositions sanitaires, pour être en isolement pendant leurs heures de repos (c’est la procédure en place pour tous les équipages). Ils sont reconduits le lendemain vers midi à leur avion et embarquent un passager au départ de Maurice pour Dubaï. En parcourant la presse de lundi dernier, on comprendra la différence énorme entre la vérité et l’histoire sinistre que l’on a présentée aux lecteurs. La démarche du client de l’avion d’affaires était tout à fait honnête, malgré cela, elle a été considérée comme un comportement suspect.

Ces actions causent un tort immense à tous les efforts du personnel du YU Lounge pour attirer, plus que jamais, un maximum de passagers d’avions d’affaires et de leur donner la possibilité de privilégier notre pays, de rester le plus longtemps possible, d’investir à Maurice et d’être nos meilleurs ambassadeurs auprès de leurs contacts. Nous devons faire très attention à nos propos afin de ne pas perdre cette frange importante de notre clientèle nationale.

En ce qui concerne les opérations du YU Lounge, toutes les six opérations d’avions d’affaires gérées par le YU Lounge, du 11 août 2020 au 16 octobre 2020, l’ont été dans les conditions sanitaires les plus strictes : accueil par notre équipe vêtue d’équipements de protection individuelles, désinfection des voitures avant et après, test PCR à l’arrivée, désinfections des bagages et même des passeports avant la remise à l’officier de l’immigration, convoyage vers l’hôtel de quarantaine par les services du YU Lounge accompagné d’un membre de la police. Toutefois et sans aucun avertissement, le YU Lounge reçoit une lettre d’Airports of Mauritius Ltd (AML) le 16 octobre qui nous informe qu’à la suite d’une réunion présidée par le directeur de la DCA (NdlR, Department of Civil Aviation) il a été décidé que toutes les arrivées et tous les départs seront désormais faits à travers le terminal principal, et «le YU Lounge est sommé de diriger tous ses clients futurs vers le terminal principal». Cette décision, somme toute arbitraire, n’a pas été rectifiée à ce jour malgré la revue positive de notre protocole sanitaire et de nos protocoles d’opérations par les autorités. Elle fait fi de la déclaration du Premier ministre, qui, au Parlement le 23 mars 2021, a confirmé que tous les protocoles sanitaires sont respectés au YU Lounge. Donc depuis le 16 octobre 2020, aucun passager n’a pu bénéficier des services du YU Lounge.

Cette décision incompréhensible, voire insensée, met en péril l’emploi d’une cinquantaine de familles dont une grande partie vivent dans la région. Ces jeunes hommes et femmes ont malgré tout utilisé cette période morte pour se réinventer un produit YU Lounge post-Covid afin de mieux servir une clientèle qui sera encore plus exigeante. Cette situation arbitraire n’a jamais eu de raison d’être et son impact sur la survie du YU Lounge sera dévastateur. Le YU Lounge est un atout pour le pays. Il serait dommage de le perdre.