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De Mumbai à Rio, Netflix imprime sa marque

23 avril 2021, 14:27

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De Mumbai à Rio, Netflix imprime sa marque

Avec plus de 200 millions d'abonnés dont les deux tiers hors d'Amérique du Nord, Netflix, dont plusieurs films sont en lice pour les Oscars dimanche, a imposé sa marque aux quatre coins de la planète et rejoint Disney parmi les rares groupes de divertissement capables de créer des références culturelles mondiales.

Les deux séries les plus recherchées sur Google en Argentine en 2020? «Cobra Kai» et «Le jeu de la dame», deux programmes estampillés Netflix. En Inde arrive en tête «La Casa de Papel», autre série de la plateforme, qui se classe cinquième en Egypte et première au Nigeria.

Au Brésil, selon le site Omelete, la mise en ligne de la troisième saison de «Cobra Kai», début janvier, a fait augmenter de 75% les recherches d'écoles de karaté. En Irak, des opposants au gouvernement ont tourné, puis posté, une vidéo, vêtus de la combinaison rouge et du masque popularisés par «La Casa de Papel».

Où qu'on se trouve, «Netflix est devenu la destination ultime pour quiconque cherche (la nouvelle série ou le nouveau film) qui fait le buzz dans le monde», écrivait récemment dans un blog Oliver Skinner, responsable marketing de la société de doublage Voices.

Capable de mettre en ligne partout une série traduite dans des dizaines de langues, une première, Netflix est parvenu, à plusieurs reprises, à orienter ces derniers mois la conversation dominante sur les réseaux sociaux autour de ses contenus, de «Tiger King» à «Lupin».

Il existe néanmoins un fossé entre les séries de la plateforme et ses films. Malgré 35 nominations aux Oscars, aucun d'entre eux (notamment «Le Blues de Ma Rainey», «Mank» ou «Les sept de Chicago») n'a encore eu d'impact populaire marquant.

Dans un univers télévisuel en théorie plus fragmenté que jamais, «certaines séries de Netflix (...) ont la même influence culturelle que celles des trois grandes chaînes» américaines (ABC, CBS et NBC) jusque dans les années 80, estime Gabriel Rossman, professeur de sociologie spécialisé dans l'industrie du divertissement à l'université de UCLA.

«Happy Days» (1974-1984) ou «Dallas» (1978-1991) ont ainsi fait le tour du globe et marqué une génération de téléspectateurs, à une époque où les séries étaient davantage imposées que choisies.

Folklorisation? 

Arrivé avant tous ses concurrents à une taille critique, Netflix conserve une longueur d'avance grâce à l'accumulation de données sur les habitudes de consommation de ses 207 millions de comptes, souligne Aswin Punathambekar, professeur à l'université de Virginie. «Ca leur permet de comprendre les tendances au-delà des seuls aspects démographiques», dit-il, «et de décider quelle série commander.»

L'empreinte du grand «N» rouge est-elle sans précédent? «Cela reviendrait à demander si l'influence culturelle de Netflix est plus forte que celle de Disney. Je ne suis pas sûr que ce soit le cas pour l'instant», tempère Louis Wiart, professeur au département des sciences de l'information et de la communication de l'Université Libre de Bruxelles.

«Ce qui est sûr, c'est que ces nouveaux marchés émergents en Asie et Amérique latine sont prioritaires pour Netflix», dit-il, du fait notamment de l'émergence d'une classe moyenne, «qui accède à de nouveaux modes de consommation numérique et culturels» et ont une «affinité assez forte avec cette plateforme».

Pour améliorer sa pénétration à l'étranger, et aussi satisfaire aux législations locales, Netflix produit de plus en plus de contenus locaux, et a réussi à faire, pour la première fois, d'une série espagnole («La Casa de Papel») et française («Lupin»), des succès mondiaux.

«Netflix produit des contenus locaux mais pour le marché global, (...) qui peuvent s'exporter à travers le monde», souligne Louis Wiart. «Cela entraîne un risque d'uniformisation, de s'insérer dans des standards (...), mais aussi un risque de folklorisation des contenus, c'est-à-dire que l'on va chercher dans ces oeuvres à valoriser des aspects typiques du territoire.»

«Ces contenus Netflix ont un très fort accent hollywoodien. La Révolution fait vraiment penser à un blockbuster par exemple et il y a beaucoup d'exemples comme cela.»

Pour Gabriel Rossman, Netflix a désormais atteint un pic. La plateforme doit maintenant composer avec la montée en puissance des offres concurrentes de Disney+ ou Amazon Prime, qui vont limiter son hégémonie, en usant de la même stratégie, avec une base de programmes en langue anglaise et des séries produites localement.

Netflix a ainsi publié mardi des résultats qui montrent de premiers signes d'essoufflement, et prévoit de ne gagner qu'un million d'abonnés au deuxième trimestre, contre dix pour la même période de 2020.