Publicité

Adaptation ou reprise musicale: où sont les limites ?

16 février 2021, 08:26

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Adaptation ou reprise musicale: où sont les limites ?

Non, vos oreilles ne vous jouent pas de tours. L’air de Fabiano, la «nouvelle» chanson de Tacha Lamour vous semble familier. C’est parce qu’il s’agit d’une adaptation du titre original Overload de la chanteuse Zinnia. Une adaptation qui fait des vagues. Un artiste est-il libre de faire des reprises ou des adaptations ? 

Avant d’être président du conseil d’administration de la Mauritius Society of Authors (MASA), Gérard Louis joué à tous les postes. Auteur, compositeur, interprète, arrangeur, producteur. Il explique d’emblée que les artistes qui souhaitent faire des reprises ou des adaptations doivent se rendre à la MASA à Beau-Bassin. Des préposés de la société des droits d’auteur sont «prêts à les aider dans leurs démarches. Ils pourront les guider en ce qui concerne la loi dans ce cas de figure». 

Que dit la loi justement en ce qui concerne les reprises et/ou adaptations ? Gérard Louis répond seulement que ce sont les préposés de la MASA qui peuvent répondre. 

L’artiste Gérard Louis pose un instant sa casquette de président pour affirmer qu’il n’a «jamais fait de reprise». Il précise toutefois que sur le dernier album de Sandra Mayotte – artiste et animatrice élue députée de la majorité, dont il est le producteur – il y a une adaptation de la chanson de Dalida Il venait d’avoir 18 ans. «Avant la sortie de cet album, j’ai demandé la permission aux ayants-droits. Cela m’a pris neuf mois avant de l’obtenir. J’ai voulu faire les choses selon les règles», confie-t-il. 

Quelle est la différence entre une reprise et une adaptation ? Pour Gérard Louis, une reprise d’une chanson est «une copie conforme. Vous ne changez ni la musique, ni les paroles». Dans le cas d’une adaptation, les paroles peuvent être modifiées, traduites ou adaptées en créole, par exemple. «Mais avant de le faire, il faut demander la permission aux ayants-droits. C’est une propriété intellectuelle. En tant que telle, il faut respecter l’artiste et son oeuvre», insiste-t-il. 

Que se passe-t-il en cas d’infraction ? Gérard Louis remet sa casquette de président pour dire que la MASA reçoit «beaucoup de plaintes à cet égard. Les radios publiques et privées doivent être plus vigilantes avant de diffuser un titre sur les ondes. Avant la diffusion, les animateurs devraient demander aux artistes de fournir l’autorisation de la MASA. Il ne faut pas oublier que les étrangers nous regardent. Il y va de notre image». 

Gérard Louis dit se souvenir d’un précédent qui avait fait polémique à Maurice et aux Seychelles. Il s’agissait d’une adaptation de BakeYaya, la chanson du seychellois Jean-Marc Volcy. «Faute d’autorisation, le groupe qui avait fait une adaptation de ce titre à la sauce mauricienne avait dû la retirer du marché.»

 

 


Sedley Assonne: «Je n’ai rien contre la communauté LGBT»

<p>La semaine dernière, l&rsquo;auteur Sedley Assonne a déposé une lettre à la MASA. <em>&laquo;Cette lettre n&rsquo;est pas spécifiquement dirigée contre Tacha Lamour. J&rsquo;ai écrit cette lettre pour demander à la MASA d&rsquo;agir contre le piratage. La chanson de Tacha Lamour en fait partie, car je me demande si elle a fait des demandes d&rsquo;autorisation avant de sortir la chanson&raquo;</em>, explique-t-il. Suite à cette démarche, l&rsquo;auteur affirme qu&rsquo;il a reçu des critiques disant qu&rsquo;il serait contre la communauté LGBT. <em>&laquo;Je n&rsquo;ai rien contre l&rsquo;orientation sexuelle de Tacha Lamour et rien contre la communauté LGBT. Dans le passé, j&rsquo;ai d&rsquo;ailleurs défendu cette communauté. Ce qui me dérange, c&rsquo;est le piratage. Ce n&rsquo;est pas la première fois que j&rsquo;envoie une lettre dans ce sens à la MASA.&raquo;</em> Sedley Assonne se souvient notamment d&rsquo;avoir <em>&laquo;dénoncé une chanson de Claudio Veeraragoo à l&rsquo;époque où son fils, Michael, était le président de la MASA. Je n&rsquo;ai jamais eu de réponse. À l&rsquo;époque, on ne m&rsquo;avait pas accusé d&rsquo;être contre les hétérosexuels&raquo;</em>, ironise-t-il.</p>

 




Ce que pensent des artistes des adaptations

Jason Heerah: «Aller contre ce serait nager à contre-courant» 

En plus d’être un musicien et chanteur apprécié du public, Jason Heerah est également le producteur du jeune chanteur Justice. «Le monde musical est comme un magasin de vêtements. Quand vous entrez dans ce magasin, c’est à vous de choisir lesquels vous conviennent le mieux. La tendance est à l’adaptation ou ce que j’appelle, la “Factory Music” ou “musique préfabriquée”. Personnellement, ce n’est pas ce que je préfère. Je suis plus porté vers la création. Mais aller contre, ce serait nager à contrecourant. » Avec Justice – disque de l’année sur une radio privée avec Bizin twa mo baba – Jason Heerah dit avoir «essayé de marier le vieux avec le moderne pour créer du nouveau. Et ça marche». 

Maïsta: «Primordial d’avoir une classification des oeuvres» 

«Je n’ai rien contre ces personnes-là. Je comprends que ce soit fun. Mais le fun a ses limites. Et il ne me fait pas rire. La musique est mon gagne-pain, je galère pour trouver une date, sortir un album. Les institutions doivent voir ce qui est vendable ou non. Les adultes consomment ces musiques, mais nos enfants, eux, les absorbent. Si cela continue, dans deux ou trois ans, nous ne saurons plus faire des accords et nous serons ridicules aux yeux des professionnels étrangers. Nous perdons de plus en plus nos valeurs. Il est primordial d’avoir une classification des oeuvres.» 

Nitish Joganah: «Nou pe vinn pli kouyon» 

«C’est très triste de voir cela. Nou pe perdi nou lidantite», constate Nitish Joganah du Grup Lataniers. Au lieu de mettre en avant notre identité musicale, «nous faisons du copié-collé. Nous sommes de plus en plus colonisés. Cela se voit non seulement dans la musique mais aussi dans notre manière d’être et de nous habiller». Pour le chanteur engagé, au lieu d’utiliser la musique pour «ouver lespri dimounn, nou pe vinn pli kouyon». Il précise : «Je ne dis pas qu’il ne faut pas avoir des musiques divertissantes, tous les genres ont leur place. Mais cela doit être de la création et non du copié-collé C’est à cause des copié-collé que notre musique ne s’exporte pas. Kot nou pei pe ale?» Il déplore : «Ce n’est pas ainsi qu’on va progresser. Les radios aussi ont leur part de responsabilité car elles diffusent ces musiques. Il faut savoir faire un choix. Sakenn bizin pran so responsabilite.»