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Les Birmans moins nombreux dans les rues après le déploiement de troupes

15 février 2021, 13:10

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Les Birmans moins nombreux dans les rues après le déploiement de troupes

 

Des manifestants pro-démocratie sont de nouveau descendus dans les rues lundi en Birmanie, mais en nombre moindre que les jours précédents après l'intensification de la répression par la junte qui a déployé des troupes dans le pays.

A Rangoun, la capitale économique, des centaines de contestataires étaient rassemblés près du siège de la banque centrale dans le nord de la ville, pour appeler les fonctionnaires à se mettre en grève. 

Certains agitaient des drapeaux rouges aux couleurs de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d'Aung San Suu Kyi, d'autres chantaient pour "chasser la dictature".

Malgré les menaces, «les mouvements populaires ne s'arrêteront pas. Le premier pas a été le plus difficile. Nous n'avons pas peur d'être arrêtés ou fusillés», a déclaré Nyein Moe, guide touristique.

Mais les foules étaient moins nombreuses que les derniers jours, ont constaté des journalistes de l'AFP, certaines entreprises envoyant des courriels à leurs employés pour les inciter à ne pas manifester.

La présence de militaires appuyés par des véhicules blindés refreinaient les ardeurs.

«On essaye de nous faire peur en déployant les soldats», a déploré Htet Aung, brandissant une pancarte appelant à "la désobéissance civile" devant un camion militaire.

La veille, l'armée a déployé des troupes dans plusieurs villes birmanes.

«On a eu très peur. On a cru qu'ils allaient nous tirer dessus comme dans le passé», a raconté Nyein Moe, une allusion aux soulèvements populaires de 1988 et de 2007, réprimés dans le sang par l'armée.

D'autres rassemblements se tenaient à travers le pays, comme à Naypyidaw, la capitale administrative, construite par la junte. Plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées lors de la manifestation, dont une vingtaine d'étudiants, d'après un journaliste local.

Les connexions internet, très perturbées pendant la nuit, ont été rétablies lundi matin.

 Suu Kyi maintenue en détention 

Le putsch du 1er février a renversé le gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi et mis fin à une fragile transition démocratique de 10 ans.

Inculpée pour avoir importé illégalement des talkie-walkies, l'ex-dirigeante de 75 ans va être maintenue en détention jusqu'à mercredi à la suite du report d'une audience, initialement prévue ce lundi, a annoncé son avocat, Khin Maung Zaw. Elle est "en bonne santé", assignée à résidence à Naypyidaw, a assuré ce week-end la LND.

La peur des représailles est dans tous les esprits dans le pays qui a déjà vécu près de 50 ans sous le joug des militaires depuis son indépendance en 1948.

Et les forces de l'ordre ont déjà dispersé violemment des rassemblements en tirant sur des manifestants. Une jeune femme de 20 ans, grièvement blessée la semaine dernière, est toujours dans un état critique.

Dimanche, dans le nord du pays, plusieurs personnes ont été blessées. Une journaliste locale n'a pas pu préciser à l'AFP si des balles réelles ou des munitions en caoutchouc avaient été utilisées. Cinq journalistes, interpellés lors de ce rassemblement, ont été relâchés lundi.

Responsables politiques, militants, médecins, étudiants: quelque 400 personnes ont été arrêtées depuis le putsch.

Vigilance citoyenne 

L'armée a aussi diffusé une liste de sept activistes renommés, particulièrement recherchés. Des mandats d’arrêts ont été placardés, demandant à la population d’aider la police à retrouver ces "fugitifs". Toute personne osant leur apporter de l’aide ou les héberger fera l'objet de représailles.

En réaction aux vagues d'arrestations nocturnes, des comités de vigilance citoyenne ont vu spontanément le jour: des habitants sont chargés de surveiller leur voisinage en cas d'opérations menées par les autorités pour arrêter des opposants.

Les événements restent au coeur de l'agenda international.

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a enjoint dimanche l'armée à «garantir le droit de se réunir pacifiquement», lui demandant d'autoriser "d'urgence" la diplomate suisse Christine Schraner Burgener à venir sur place «évaluer directement la situation».

Les chefs de la junte seront «tenus pour responsables» des violences, a averti de son côté Tom Andrews, rapporteur spécial des Nations unies pour la Birmanie.

Washington a détaillé il y a plusieurs jours une série de sanctions à l'encontre de plusieurs généraux, leur demandant de rendre le pouvoir. En vain.

Des centaines de milliers de manifestants étaient descendus dans les rues ces derniers jours, le plus fort vent de fronde depuis la "révolution de safran" menée par des moines en 2007. 

De nombreux fonctionnaires - employés des chemins de fer, enseignants, médecins - se sont mis en grève pour soutenir le mouvement, des médias locaux faisant même état de défections de policiers.

La junte a ordonné aux fonctionnaires de reprendre le travail sous peine de sanctions. Elle a doté les forces de l'ordre de pouvoirs d'exception: elles peuvent procéder à des perquisitions sans mandat ou ordonner des placements en détention pour une courte période sans l'autorisation d'un juge.

Les généraux putschistes et leur chef Min Aung Hlaing, paria à l'international pour les exactions commises contre les musulmans rohingyas en 2017, contestent la régularité des législatives de novembre, massivement remportées par la LND.

Ils affirment avoir pris le pouvoir en respectant la Constitution et ont ordonné aux journalistes d'arrêter de parler de "coup d'Etat".