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Percy Yip Tong: «Arrêtez de parler de communalisme quand vous l’avez pratiqué à chaque élection»
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Percy Yip Tong: «Arrêtez de parler de communalisme quand vous l’avez pratiqué à chaque élection»
Assis à la même table que les «vénérables mais pas honorables», Percy Yip Tong affirme avoir saisi la main tendue. Celle de cinq politiciens de l’opposition aux citoyens. Dans cette interview réalisée jeudi 11 février, donc avant la marche de samedi, le producteur veut croire au changement.
Comment vous êtes-vous retrouvé représentant des citoyens à la même table que cinq leaders politiques ?
C’est une situation inattendue, embarrassante aussi parce qu’elle me fait perdre un peu de crédibilité.
C’est ce que vous ressentez en vous affichant à côté de deux anciens Premiers ministres ?
À la semaine dernière (NdlR : celle d’avant la marche du samedi 13 février) je ne savais pas que j’allais me retrouver là.
Cela n’a pris qu’une semaine pour que vous soyez à côté des «vénérables», comme les appelez ?
Vénérables pas honorables.
Pourquoi pas «honorables» ?
Ils ont tous travaillé à un moment donné avec les PM Jugnauth père et fils. Quand ils étaient au gouvernement, ils auraient pu apporter les changements que réclament les citoyens. Je ne suis pas dupe. Dans six mois, il se peut que cette union de façade des partis de l’opposition éclate. Et que l’un d’eux se rallie à Jugnauth à nouveau. On a déjà connu ça en 52 ans d’indépendance. Je ne suis pas comme Bruneau Laurette qui est apparu il y a un an. Je suis connu depuis 30 ans. Kaya c’était déjà un combat politique pour moi. Faire accepter un chanteur rasta qui, pendant quatre ans, a été refusé partout par racisme. Je n’étais pas producteur, je l’ai produit parce que personne n’en voulait.
Quels liens faites-vous entre Kaya et la marche du 13 février ?
C’est une continuité. Avec Kaya, nous nous battions pour le mauricianisme. Aujourd’hui, le gouvernement joue la carte communale pour diviser le peuple mauricien et contrer l’opposition. C’est une carte très dangereuse.
Deux courants ont révolutionné la culture à Maurice. Avec le séga engagé, ce sont les artistes qui ont mis le Mouvement militant mauricien (MMM) au pouvoir. Krapo kriye c’est une protest song comme celles de Joan Baez ou Bob Dylan. Exactement comme les chansons de Kaya. La seule différence c’est qu’en reprenant les chansons engagées mais avec une musique plus puissante et dansante, on devenait automatiquement militant de cœur.
Aujourd’hui, on entend Kaya, Ras Natty Baby et Ras Ti Lang dans toutes les marches avec Ras kouyon, Leve do mo pep et Sitwayin. Avec d’autres, je m’occupe de la playlist pour la marche du 13 février.
Vous êtes le directeur artistique de la marche ?
Non. Rien à voir. J’apporte seulement un choix musical qui représente la voix des citoyens. Avec Rasinn pe brile, Nouvel vision, Revey twa d’OSB. Ce n’est pas le Soldat Lalit militant des meetings du MMM. Ce sont des chansons pas connotées et qui touchent la jeunesse d’aujourd’hui. Si vous mettez Krapo kriye aujourd’hui, cela n’a pas le même impact que Kaya, même si ses chansons ont 32 ans.
Préparez-vous votre candidature aux prochaines élections ?
Vous vous êtes déjà présenté en indépendant. Non. En 2000, je suis sorti septième après les candidats des deux principaux blocs. Mon mouvement politique Keep Smiling est la 3e force dans le no14 depuis plus de 20 ans. Aux prochaines élections, je serai à nouveau candidat indépendant au n°14. Perdant mais indépendant, pas gagnant avec des dinosaures.
Vous signerez une déclaration pour l’affirmer ?
Oui. Si Navin Ramgoolam, le PMSD ou Roshi Bhadain me proposent un ticket, je refuserais. J’étais pro-MMM mais ce parti m’a tellement déçu que je refuserais. Puis j’ai soutenu Lalit et Rezistans & Alternativ. Je rentrerais éventuellement dans une nouvelle formation si elle me convient. Je ne m’attendais pas à me retrouver avec ces leaders de l’opposition. Ils nous ont contactés.
Qui vous a appelé ?
Une personne de Linion Sitwayin. Bruneau Laurette. On peut me raconter tout ce qu’on veut sur Bruneau Laurette, je l’ai rencontré pour la première fois de ma vie au concert de solidarité en faveur des squatters à Rivière-Noire (NdlR : le samedi 19 septembre 2020). On s’est vu plusieurs fois. Il voulait que j’intègre Linion Sitwayin.
Pourquoi avez-vous dit non ?
J’aime garder mon indépendance. J’agis plus vite. Je serai plus fort en dehors de Linion Sitwayin. Tout ce que je sais de Bruneau Laurette, c’est qu’il n’a pas failli jusqu’à maintenant. Il est un catalyseur. Il a fait ce qu’aucun chef politique ou religieux n’a fait.
Avez-vous hésité avant de vous joindre au collectif de la marche du 13 février ?
Bien sûr. J’ai dit «la marche est dans huit jours, c’est quoi cette histoire ?» Si j’avais eu 40 ans, je n’y serais pas allé. Mais à mon âge (NdlR : il aura 61 ans en avril), j’ai mis mon orgueil de côté. Je suis usé. Je voulais prendre ma retraite et écrire un livre sur Kaya. Sauf que je suis quelqu’un qui dit des choses, que les gens apprécient ou pas. Beaucoup m’ont demandé de prendre le leadership. Mais j’ai refusé jusqu’à présent.
Prendre le leadership ?
Il y a un vide. Le seul leader possible qu’on voit maintenant, c’est Bruneau Laurette. Trouvez-moi une alternative aux deux blocs de dinosaures. Il n’y en a pas. J’ai mis mon orgueil de côté pour m’asseoir avec eux.
Je me suis dit, j’y vais, j’écoute. J’écoute aussi ce que les autres citoyens ont à dire, après je prends ma décision. Au départ, nous étions une vingtaine. Cela montre que nous ne sommes pas des «insignifiants». Un groupe s’est formé plus ou moins naturellement.
Naturellement, par Bruneau Laurette, vous voulez dire ?
Non, pas par Bruneau Laurette, parce que j’aurais refusé. On a décidé de cela entre nous, les différentes plateformes citoyennes. La déclaration signée n’a pas de valeur légale, mais une valeur morale. Ils ont accepté nos conditions sans aucune hésitation. Monn dekonserte. Cela s’est passé tellement vite. Maintenant, s’ils ne tiennent pas parole, je quitte le navire tout de suite.
Je reviens encore à Kaya. La situation économique, sociale et politique est beaucoup plus grave qu’en 1999, quand il y a eu les émeutes. À l’époque, une mort en cellule a provoqué la frustration des gens des cités. Aujourd’hui, la frustration a gagné la classe moyenne. Si je m’affiche avec l’opposition, c’est parce qu’il faut être uni. Mais on ne veut plus des dinosaures.
Vous avez été appelé en tant que…
En tant que Percy Yip Tong.
Une personnalité artistique ?
C’est l’activiste culturel que l’on a appelé. Il y a plein de gens dans la culture à Maurice qui ne s’impliquent pas du tout dans les problèmes de société. Comme certains chanteurs qui font des tubes et ramassent l’argent. Leurs chansons ne parlent pas des problèmes sociaux même s’ils habitent dans des cités.
Quelles sont vos revendications d’activiste culturel ?
Arrêtez de parler de communalisme quand vous l’avez pratiqué à chaque élection. C’est le système qui est un dinosaure. Il y a des jeunes qui entrent en politique et qui ont déjà des mentalités de dinosaures. Avec Cyper Produktion, j’ai lancé la carrière de Kaya. J’ai travaillé avec Eric Triton, Menwar, OSB, Patyatann, Jane Constance, les frères Joseph. Ce n’est pas à moi de les financer, mais à un centre culturel mauricien de le faire.
Il y a eu un centre culturel mauricien entre 2004-2005.
On a donné ça à des universitaires et historiens (NdlR : Jocelyn Chan Low et Vinesh Hookoomsing). Il faut donner ça à des gens de culture qui sont sur le terrain. Il y a la culture des vernissages et il y a la culture du peuple.
C’est la rue qui doit être dans ce centre culturel ?
Un mélange de tout. La culture mauricienne, elle existe, vous savez. La preuve c’est le Seggae, une nouvelle musique née il y a presque 40 ans de cela et qui est toujours vivante. Il y a un centre culturel africain financé par l’État, mais africain cela ne veut rien dire parce qu’il y a 54 pays. La culture à Soweto n’a rien à voir avec celle du Maghreb ou du Kenya.
Il faudrait fermer le centre Nelson Mandela ?
Non. Notre richesse ce sont tout ces centres culturels. Un centre culturel mauricien c’est pour compenser ce multiculturalisme qu’on pratique depuis 52 ans, puiser de la beauté des cultures ancestrales pour faire une culture créole mauricienne interculturelle.
Vous avez signé au nom de Mo ti Zil. Qu’est-ce donc ?
Je prépare Mo Ti Zil depuis plusieurs années. La plateforme sera lancée lors d’une prochaine édition de mon festival Samem Sa. C’est une mission personnelle de Percy Yip Tong, un courant de pensée alternatif, écologique et social qui est viable économiquement. Ceux qui fédèrent autour de l’unité nationale, ce sont surtout les sportifs, les artistes, les ONG qui sont sur le terrain et les jeunes.
C’est qui Mo Ti Zil ?
Moi. Tous ceux qui soutiennent mes idées et ma vision pour une nouvelle île Maurice. Un comité mixte sera monté après. On verra s’ils sont sérieux ou pas. Après la marche du 13 février, ils peuvent nous donner un coup de pied, attendons voir.
Portrait en six dates
- 1960- 24 avril : naissance de Percy Yip Tong. Il fait ses classes au Lycée Labourdonnais.
- 1978 - Septembre : entame des études en sciences politiques à Aix en Provence. Abandonne pour s’orienter vers la psychologie, la cinématographie, l’audiovisuel et la communication. Pendant ses études, il est aussi DJ, animateur radio.
- 1990 - Rencontre avec Ti Frer. Participe à l’enregistrement du disque Ocora Radio France.
- 1990 - 18 mars: organise un concert de Kaya qui attire «42 000 personnes au stade de Rose-Hill».
- 2004 - Lancement du Collectif Urgence Toxida, ONG actif à réduire les risques liés à la toxicomanie et le sida
- 2021 - Au chômage depuis un an. Est expert culturel pour l’Organisation Internationale de la Francophonie, formateur en management culturel en Afrique, interprète pour la Banque Mondiale, l’Union Africaine, la Commission de l’Océan Indien entre autres depuis 25 ans. Est producteur de plusieurs groupes d’Afrique et de l’Océan Indien dont Sakili de Rodrigues qui vient de sortir un album sous un grand label anglais.
À Tamarin: mobilisation pour conserver le «Cachet du sel» aux anciennes Salines
<p><em>«Ces salines de Tamarin, c’est fini depuis six ans. Ce sont des ruines.»</em> Constat sans appel de l’initiateur de SOS Salines, Percy Yip Tong. Il a réactivé le mouvement pour faire objection au projet de centre commercial d’Intermart et de Hyvec Group, à l’emplacement des anciennes salines de Mont Calme, à Tamarin. <em>«Ces salines datent des années 1950. On ne peut pas les sauver. Au pire, on peut seulement en préserver 5 % à 10 % au nom du patrimoine et pour les touristes. En faisant par exemple, une coopérative pour produire des sels spéciaux, sans but lucratif.»</em> Percy Yip Tong, habitant de Tamarin, n’en démord pas.<em> «Il n’y a pas de place pour un troisième supermarché dans le village.»</em> Il attend avec appréhension que la smart city prévue dans la région sorte de terre, anticipant <em>«le chaos dans le trafic. C’est déjà le cas matin et soir».</em> Il jette aussi un regard inquiet sur le projet immobilier Legend Hill, sur la montagne La Tourelle qui est écologiquement plus grave que les Salines.</p>
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