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Ken Poonoosamy:«Le marché américain reste très important pour Maurice»

28 janvier 2021, 17:10

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Ken Poonoosamy:«Le marché américain reste très important pour Maurice»

Officiellement en poste, la nouvelle administration Biden est signe d’espoir pour la coopération États-Unis/Afrique. Toutefois, l’approche de la fin de l’AGOA pèse lourd sur le secteur textile. En attendant, si Maurice vise un accord de libre-échange avec l’Oncle Sam, l’ambassade américaine à Maurice rassure que nos relations sont solides, «the U.S. Embassy announced the purchase of land in Moka Smart City to build a new multibuilding compound. While construction on the site will not start for a few years, the site acquisition symbolizes the U.S. commitment to Mauritius and establishes a U.S. presence for decades to come».

Suivant les affres de la pandémie, le textile va mal. Où en sont nos exportations vers les États-Unis ?

Le secteur du textile et de l’habillement, comme tout autre secteur de notre économie, passe par une période difficile, marquée par de nombreux défis avec la pandémie de Covid-19. La baisse du pouvoir d’achat et la fermeture des frontières (lockdown) dans les pays où nous exportons ont perturbé la chaîne d’approvisionnement, ainsi que les commandes. Cependant, les opérateurs du secteur n’ont pas jeté les armes et continuent à se battre pour relever les challenges liés à la pandémie.

En 2019, le secteur du textile et de l’habillement a eu une contribution significative de 3,7 % au produit intérieur brut (PIB). Il représentait plus de 44 % des exportations nationales, avec un montant de Rs 24 milliards, dont Rs 4,4 milliards pour les exportations de textile et de l’habillement vers les États-Unis. Pour la période de janvier à septembre 2020, on enregistre seulement Rs 2,6 milliards pour les exportations textiles et de l’habillement vers les États-Unis.

Cependant les opérateurs locaux travaillent dur pour garder la tête hors de l’eau, notamment en prenant avantage des nombreuses facilités (schemes) mises en place par le gouvernement et en se réinventant pour gérer leur cash-flow et maintenir le contact avec leurs clients à travers des évènements virtuels. Il ne faut pas oublier que le secteur manufacturier est le seul, qui nous rapporte des devises en ce moment.

En ce qui concerne les États-Unis, avec la récente interdiction imposée sur les produits issus de la région Xinjiang, les clients américains recherchent de plus en plus d’alternatives pour s’approvisionner. C’est là où nous pouvons faire la différence. D’ailleurs, le dernier webinar que nous avions organisé avec l’association des acheteurs américains a démontré un grand intérêt de leur part. 

Dans quelle mesure le maintien de l’«Africa Growth and Opportunity Act» (AGOA) ou une solution alternative est primordial pour la survie du secteur textile mauricien ?

L’AGOA a été promulguée en 2000 et expire en 2025. Les objectifs principaux de l’AGOA sont l’expansion et l’approfondissement des relations commerciales et d’investissement avec l’Afrique subsaharienne, afin d’encourager la croissance et le développement économique ainsi que l’intégration régionale, et de faciliter l’intégration de l’Afrique subsaharienne dans l’économie mondiale. Depuis son entrée en vigueur, l’AGOA a donné une impulsion sans précédent à notre secteur du textile et de l’habillement.

L’accès Duty free/Quota free au marché américain, nous a permis de diversifier nos exportations et de développer davantage cette industrie. Maurice a d’ailleurs connu une augmentation conséquente des exportations de textile vers le marché américain. L’AGOA a favorisé une croissance durable en stimulant le secteur privé et en créant des emplois à Maurice. Elle a eu un impact clairement positif sur le secteur et a permis une expansion des gammes de produits existants, ainsi que le lancement de nouveaux produits. Cette émergence de nouveaux produits a permis la diversification du textile et de l’habillement mauricien, ce qui a donné lieu à des opportunités commerciales telles que des vêtements tricotés de haute couture, ainsi que des jeans en denim et des vêtements pour enfants.

Outre le textile, que peut-on dire du niveau d’exportation des produits mauriciens vers les USA ?

Nous exportons divers produits vers les États-Unis, notamment des produits de la mer, des équipements médicaux, de la vanille et de la joaillerie. Nos exportations sont de l’ordre de Rs 7,1 milliards pour 2019. Cependant, le secteur du textile et de l’habillement représente la grande partie des exportations avec Rs 4,4 milliards.

Nos exportations vers les États-Unis ont diminué à la suite de la pandémie du Covid-19 et s’élèvent à Rs 4,5 milliards pour la période de janvier à septembre 2020, en dépit du confinement et de l’accès limité au cargo et des frais exorbitants liés au fret. Comme nous voulons toujours servir nos clients aux États-Unis, le gouvernement a étendu le Trade Promotion & Marketing Scheme (TPMS) qui permet aux exportateurs d’expédier leurs produits par avion avec un remboursement de 60 % sur le coût de base du fret.

Le marché américain reste cependant très important pour Maurice. L’accès hors taxe, la qualité de nos produits et notre flexibilité à accéder aux commandes de petites et moyennes quantités sont des atouts. Il est bon de faire ressortir que Maurice est reconnu comme un des principaux fournisseurs de produits textiles africains depuis l’entrée en vigueur de l’AGOA. De plus, nous comptons également tirer profit du conflit commercial, qui oppose les États-Unis et la Chine, en encourageant les Américains à s’approvisionner davantage auprès de Maurice.

 Les investissements américains vers Maurice restent faibles. Quelles en sont les raisons ?

Le taux d’investissement à travers le monde a diminué en raison de la pandémie. Le World Investment Report prévoit d’ailleurs une baisse de 25 à 40 %. Maurice n’échappera malheureusement pas à cette tendance. Les flux d’investissements directs bruts à Maurice ont été estimés à Rs 9 080 millions pour les trois premiers trimestres de 2020 comparés à Rs 14 893 millions pour la période correspondante en 2019. Nos investissements proviennent principalement d’Europe et de l’Afrique du Sud. C’est très difficile d’attirer les Américains à Maurice car ils préfèrent souvent investir dans des destinations plus proches. Cependant, nous redoublons d’efforts à travers nos évènements virtuels pour promouvoir Maurice comme une plateforme d’investissement.

La confrontation commerciale entre les ÉtatsUnis et la Chine et les augmentations tarifaires subséquentes par les deux pays représentent une opportunité pour Maurice d’accéder aux marchés sur les deux pays et une opportunité pour des produits niches.

Maurice bénéficie d’un accès en franchise de droits sur le marché américain grâce à l’AGOA. Parallèlement, l’accord de libre-échange signé entre Maurice et la Chine offre un accès en franchise de droits sur une large gamme de produits incluant les importations tarifées des États-Unis pour l’empire du Milieu. Ce qui augmente ainsi la portée des exportations mauriciennes vers la Chine.

Maurice pourrait exploiter les opportunités sur le marché américain dans les catégories de produits non textiles. Des biens tels que les bijoux et les produits en cuir représentent des opportunités d’exportation. En ce qui concerne les produits textiles, des produits spécifiques tels que des chemises tricotées en coton constituent des exportations importantes pour Maurice vers les États-Unis.

La mise en œuvre de l’accord de libreéchange entre la Chine et Maurice offre une multitude d’opportunités en termes de commerce, notamment pour les sucres spéciaux. L’imposition par la Chine de droits de douane supplémentaires sur les produits américains a accentué les possibilités d’échanges commerciaux, en particulier pour les produits non textiles. L’exportation de rhum vers la Chine semble avoir un bon potentiel, compte tenu de l’augmentation des droits de douane sur les importations américaines. Il faut souligner que de mai 2020 à janvier 2021, nous avons exporté un total de cinq conteneurs de bière et de rhum vers la Chine.

Nous sommes confiants que l’entrée en vi- gueur de l’accord de libre-échange en janvier donnera une nouvelle impulsion aux commerces entre nos deux pays.