Publicité

Maurice, pays à haut revenu, fait toujours débat

18 décembre 2020, 21:22

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Maurice, pays à haut revenu, fait toujours débat

Les économistes et les politiques voient le dernier classement du pays par la Banque mondiale d’un œil différent. Position qui ne devrait pas durer, vu la méthodologie utilisée et la situation réelle.

Le classement de Maurice comme pays à revenu élevé par la Banque mondiale le 1er juillet dernier agite toujours experts économiques et observateurs politiques. Le dernier en date est l’économiste Kee Chong Li Kwong Wing, qui se livre à une analyse sans concession de la nouvelle posture de Maurice depuis juillet dernier . Il est rejoint par d’autres qui se sont toujours interrogés sur la méthodologie utilisée, estimant qu’il ne faut pas se réjouir trop vite car ce classement pourrait être de courte durée… soit une année seulement.

«L’émergence de Maurice dans la catégorie des pays à haut revenu n’a été qu’un effet de comptabilité en raison de la dépréciation de la roupie et une posture regrettable qui consiste à ne pas tenir compte du pouvoir d’achat de la population», affirme l’ex-chairman de SBM Holdings, ironisant, «comme si on allait bientôt atteindre le niveau de Singapour». Or, dit-il, le pays a été ramené à la dure réalité, à savoir que dans la pratique, Maurice ne peut pas aspirer à se positionner sur la liste des pays à haut revenu mais bel et bien parmi les pays à revenu moyen. «Dire que le pays mérite d’être parmi les pays à haut revenu n’est qu’un mirage.» Voilà une déclaration qui ne souffre aucune contradiction.

Le représentant de la Banque mondiale à Maurice, Erik von Uexküll, expliquait à l’époque qu’une forte dépression économique à l’échelle locale, alors même que Statistics Mauritius (SM) prévoit une contraction de 14 % du produit intérieur brut (PIB) en 2020, remettrait en cause le nouveau classement de Maurice et le replacerait au rang de pays à revenu intermédiaire. Même s’il ne cachait pas, dans un communiqué officiel, que, sur le long terme, c’est une réussite pour Maurice. Entretemps, le pays s’est enlisé dans une récession.

Or, là où le bât blesse, c’est justement la méthodologie utilisée pour aboutir à ce classement. La Banque mondiale s’est appuyée sur le revenu national brut compilé par SM, soit la valeur du PIB et les revenus provenant de l’extérieur, plus particulièrement du Global Business. Mais aussi sur l’évolution du taux de change de la roupie face au dollar. Pour l’économiste Éric Ng, si SM calcule le taux de change de la roupie en prenant une moyenne des cours acheteurs et vendeurs, la Banque mondiale prend la moyenne des trois dernières années en y ajustant le différentiel d’inflation entre Maurice et les ÉtatsUnis. Ce qui se traduit par un taux de change de Rs 34,80 pour un USD, taux sur lequel la Banque mondiale s’est basée pour arriver au revenu d’USD 12 740 par tête d’habitant en 2019.

Les statistiques étant ce qu’elles sont, les économistes se posent toujours la question sur la pérennité de ce classement. «Avec un PIB en contraction cette année couplé à une dépréciation de 10 % de la monnaie locale face au billet vert depuis le début de l’année, il n’est pas exclu, comme la Banque mondiale l’a prévenu d’ailleurs, que Maurice sombre de nouveau dans le piège de pays à revenu intermédiaire», insistent-ils.

D’ailleurs, l’ex-gouverneur de la Banque de Maurice, Rundheersing Bheenick, trouve qu’il n’y a pas lieu de célébrer le nouveau statut de Maurice. «Notre inclusion sur cette liste était attendue. Elle intervient comme une cruelle plaisanterie, vu que le nouveau classement de Maurice n’a rien à faire avec le contexte économique actuel, son orientation ou encore ses perspectives d’avenir. Il s’agit de la méthodologie de la Banque mondiale sur la moyenne du taux de change de ces dernières années qui a permis à Maurice d’atteindre ce niveau»,insiste l’ex-gouverneur de la BoM.

Une analyse que ne partage pas le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, qui s’est toujours flatté de «cette nouvelle étape franchie comme le résultat de la confiance et des efforts de la population mauricienne pour accélérer le développement socioéconomique du pays».