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Licenciés et sans boni: le Covid-19 a déposé le désespoir au pied du sapin de milliers de Mauriciens

6 décembre 2020, 22:30

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Licenciés et sans boni: le Covid-19 a déposé le désespoir au pied du sapin de milliers de Mauriciens

 

À cause des répercussions du Covid-19, ils ont perdu leur emploi. Sans boni de fin d’année ni revenus habituels, plusieurs Mauriciens peinent à joindre les deux bouts. Encore plus en ce mois de décembre, alors qu’approche la période des fêtes. Comment vivront-ils les ‘célébrations’ ? Et leurs enfants seront-ils privés de Noël ?

«C’est la première fois que je me retrouve sans travail avant Noël. C’est extrêmement difficile surtout avec un nouveau-né sur les bras et un autre petit garçon de 4 ans et demi…» Karen Padayachy, âgée d’une trentaine d’années, a été licenciée au retour de son congé maternité. «Dès le premier jour de ce qui devait être la reprise, on m’a dit que j’étais congédiée pour des raisons économiques. J’ai été la seule à faire face à cette situation au sein d’une petite équipe de 15 personnes.»

Une explication qui ne convainc pas cette ancienne employée qui travaillait dans le marketing puisqu’après le confinement, le commerce devait au contraire redémarrer et mettre le paquet pour être de nouveau rentable.

Après avoir effectué des démarches auprès du bureau du travail, elle s’est inscrite au Workfare programme (voir plus bas). Cependant, Karen Padayachy a du mal à décrocher un autre job. «Comme je viens d’accoucher, les entreprises ne veulent pas me recruter. Là, je suis sans salaire, sans boni de fin d’année. J’essaie de vivre avec. On ne sait même pas ce que Noël sera. Et je sens également que le mois de janvier sera très dur…»

Marchand de plage sans clients

Comme elle, Pierre Louis Rody est dans la tourmente. «Nou pe sey bat-baté. Me nou pé soufer mem. Inn gagn konfinman. Apré sa Wakashio. Aster mem si péna travay bizin rod kass pou pey nou permi. Malgré sa pa pe kapav travay mem», déclare ce chômeur de 38 ans. Marchand de plage depuis 17 ans, il avait retrouvé un semblant d’espoir avec la réouverture des hôtels accueillant des Mauriciens. Mais cet espoir fut que de courte durée. «Zot tou inn met nou dan enn kwin. Nou ena permi mé nepli ena travay.»

Et le pire reste à venir. Car le mois de décembre, souvent connu pour attirer un maximum de touristes, était toujours une période lui permettant de gagner plus facilement sa vie.

En 2020, tout a basculé. «Nou pa pou kapav fer gran zafer mem. Monn gagn zis Rs 2 550 ek Rs 5 100 pandan konfinman kouma assistans. Mo nepli gagn okenn ed dépi sa. Li pa fasil. Bizin trasé. Pa koné koumma pou fer, ki pou fer. Pou fet Nwel nou va gueté ki kapav fer avek tigit kass.»

Autre lieu, même détresse. «Cela fait presque un an que je suis au chômage. Je ne travaille plus dans les hôtels», confie Joëlle Coret, chanteuse. L’artiste, qui compte 23 ans d’expérience dans ce domaine, était employée six jours sur sept.

Un coup dur pour cette mère de famille avec l’arrivée des fêtes. «C’est loin d’être la fête. Chacun a vu son budget diminué. On essaie de garder l’esprit de Noël, mais c’est tout sauf évident. J’ai un fils de 6 ans. Je ne veux pas qu’il en pâtisse. Je dois trouver des solutions.»

Pour s’en sortir, ne pas céder à l’accablement, elle essaie de se faire embaucher pour des soirées. Même si le porte-monnaie a triste mine, qu’elle encourage son petit à écrire sa lettre au Père Noël, elle lui explique également la situation pandémique et ses répercussions. «Il me pose des questions souvent pour savoir si le Père Noël passera ou s’il aura du retard. Je lui réponds que cette année, Noël sera différent des autres années. Il est triste et me dit qu’il n’aura hélas pas les cadeaux qu’il souhaitait. Comme maman, c’est la première fois que je vivrais un mois de décembre pareil…»

Emprunt à rembourser

Joël Thomas, 42 ans, a lui aussi le cœur lourd. Cela fait 18 ans qu’il évolue dans le domaine touristique. Ce père de deux enfants, âgés de 16 et 10 ans, n’a plus d’emploi depuis le début de l’année. «J’ai dû dépenser toutes mes économies. Je touchais l’assistance financière de l’Etat mais j’ai un emprunt et je dois repayer plus de Rs 5 000 mensuellement.»

Pour sortir de la tourmente, il a songé à créer – avec son épouse – une petite entreprise de confection de snacks. Mais faute de moyens, le couple ne peut se doter de tous les équipements nécessaires. «Mes enfants sont aussi affectés. Bien sûr, on ne pourra pas leur offrir les cadeaux voulus. Le plus petit m’avait demandé un téléphone portable et l’aîné, une Playstation. Ce sera impossible !»

Ce qui ‘sauve’ ce parent, c’est que ces enfants entameront le troisième trimestre et il n’aura pas à faire face à la grande rentrée habituelle de janvier. «Ainsi, on n’aura pas à aller acheter des livres et uniformes.»

Sinon, «ti pou bizin al tir delo dans ross»…

Workfare programme

Comment ça marche ?
Créé en février 2009 sous l’Employment Rights Act 2008, le Workfare programme est un plan d’assistance visant à aider un employé licencié. C’est ce que nous affirme un représentant du ministère du Travail. Ainsi, tout licencié a droit à une allocation financière, sous certaines conditions, en attendant de décrocher un nouvel emploi s’il s’enregistre sous le Workfare Programme. Celui-ci accorde une assistance financière pour une période maximale de 12 mois jusqu’à l’obtention d’un nouvel emploi.

Qui est éligible ?
Selon le ministère de tutelle, tout employé ayant perdu son emploi, quelle qu’en soit la raison, peut y souscrire. Mais cela se fait à condition qu’il ait été employé à plein temps ou sur un contrat déterminé pour une période minimale de 180 jours par le même employeur.

Quels sont les montants ?
Notre interlocuteur précise que la loi a été révisée dans le cadre du Finance Bill afin que les personnes ayant plus de 30 jours de travail et moins de 180 jours bénéficient d’un Transition Unemployment Benefit (TUB) mensuel de Rs 5 100 de juillet à décembre 2020. De plus, pour ceux disposant de plus de 180 jours de service, l’allocation est augmentée. Ces derniers bénéficient désormais de 90 % de leur salaire pour les six premiers mois et 60 % de leur salaire durant les six derniers mois d’avril à mars 2021. Le montant maximal payable est calculé sur un salaire ne dépassant pas un seuil de Rs 19 900.

Comment s’inscrire ?
Les travailleurs, voulant adhérer au Workfare Programme, doivent obligatoirement s’enregistrer au bureau du Travail de leur localité respective, dans un délai de 14 jours suivant leur licenciement. Ils doivent apporter des copies du contrat de travail, leur carte d’identité nationale, leur fiche de paie, leur lettre de licenciement et leur numéro de compte en banque. L’allocation du Workfare programme cesse notamment lorsque le bénéficiaire trouve un autre emploi ou atteint l’âge de la retraite entre autres.

Thierry Goder, CEO d’Alentaris Co Ltd : «Une assistance pour aider les entreprises à payer le boni de fin d’année»

Si l’«End of the Year Gratuity Act» préconise le paiement obligatoire du boni de fin d’année aux employés, dans la pratique, combien de compagnies seront capables de le faire ? C’est ce que se demande Thierry Goder, Chief Executive Officer chez Alentaris Co Ltd. Pour lui, une assistance serait plus que bienvenue pour les entreprises, calquée notamment sur le modèle de soutien au Covid-19 avec un plafond spécifique. «Ce n’est pas que les entreprises ne veulent pas payer mais il y a une grosse pression sur leurs revenus actuellement.»,

Jane Ragoo: «Jusqu’au 31 décembre, les firmes n’ont pas le droit de licencier leur personnel»

Les compagnies ont-elles le droit de ne pas payer le boni de fin d’année aux employés ?
La loi est claire à ce sujet. Si un travailleur est en poste jusqu’au 31 décembre, l’employeur a l’obligation de lui payer son boni de fin d’année, et ce, sans exception.

Le ministre Renganaden Padayachy avait récemment suggéré de se tourner vers les autorités en cas de difficultés. Quelles aides sont disponibles à ce niveau ?
À ce stade, il existe trois fonds à travers la Mauritius Investment Corporation, la State Investment Corporation et la Banque de développement. Les employeurs peuvent contracter des emprunts qu’ils rembourseront à de faibles taux. De plus, cette semaine, une nouvelle annonce a été faite pour les petites et moyennes entreprises qui pourront échelonner leurs remboursements jusqu’à juin 2021.

Les entreprises peuvent-elles licencier en décembre, surtout si elles bénéficient du Wage Assistance Scheme ?
Jusqu’au 31 décembre, les firmes n’ont pas le droit de licencier. Cette période sera possiblement étendue jusqu’en juin 2021. C’est en ce sens que travaille la CTSP. Que les entreprises soient bénéficiaires des fonds de soutien de l’État ou pas, elles ne devraient pas licencier en décembre. Certaines le font. Il faut le dénoncer au bureau du travail et solliciter les syndicats.